Lors d'une conférence de presse tenue dans les locaux bruxellois du Parlement européen le 3 juin 2014, la fédération d’opérateurs de paris en ligne, FEDERBET, et le député européen belge Marc Tarabella, (S&D), en charge d'une initiative sur la sensibilisation aux paris sportifs et matchs soupçonnés de corruption, ont dénoncé "de lourds soupçons" de paris truqués sur 460 matches de football européen au cours de la saison 2013-2014. Cent-dix matches l’ont été "sans l'ombre d'un doute", ont-ils fait savoir.
Les paris suspectés autour du football concernent notamment un match de deuxième division en France ; 13 matchs amateurs en Angleterre ; 9 matchs en Italie ; 5 matchs de première division en Grèce. Chypre et Malte seraient les pays les plus affectés, avec certains weekends durant lesquels 85 % des matchs de D1 sont suspectés.
Ces chiffres démontrent l’ampleur prise par ce phénomène depuis plusieurs années. Le 4 février 2013, Europol avait déjà fait savoir qu’il avait détecté 680 matchs truqués entre 2008 et 2011.
Le phénomène des paris sportifs truqués a à la fois conquis de nouveaux territoires jusque-là épargnés, comme le Royaume-Uni, s’est étendu dans les divisions inférieures où les contrôles sont moins importants et s’étend également à d’autres sports tels que le tennis, le basket-ball et le volley-ball, ont fait remarquer les organisateurs de la conférence de presse.
Le chiffre d'affaires annuel relatif aux paris sportifs dans l’UE s’élevait en 2011 à 85 milliards d’euros, avec 7 millions de parieurs réguliers. D'après les autorités européennes, 10 % de cette somme serait d'origine criminelle (blanchiment, corruption, ...), a rapporté l’eurodéputé Marc Tarabella. Europol avait fait savoir en février 2013 qu’il y avait 425 personnes, qu’elles soient fonctionnaires de clubs, arbitres joueurs et criminels confondus, originaires de plus de 15 pays, derrière ces trafics.
Le pari sportif s’est fortement développé à la faveur notamment des garanties apportées au pari transfrontalier, par le traité sur le fonctionnement de l’UE, en termes de liberté d’établissement et de liberté d’offrir des services, appuyées par l’arrêt Schindler de 1994 et l’arrêt Gambelli de novembre 2003 de la CJUE, comme le souligne le rapport de FEDERBET, fédération qui travaille pour la mise en place d’une réelle stratégie européenne contre la fraude dans les événements sportifs en analysant les flux financiers de paris sportifs et en formant les personnes actives dans le milieu, et notamment les joueurs de football.
Pour l’heure, l’Union européenne a agi sur trois plans, explique le rapport.
En mars 2011, la Commission européenne a présenté un livre vert sur les jeux d’argent en ligne.
Elle a également élargi le périmètre de la directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme pour intégrer les jeux d’argent. Dans une résolution adoptée le 10 septembre 2013, le Parlement européen a d’ailleurs demandé au Conseil de "progresser rapidement et de manière ambitieuse dans les négociations menées sur la proposition de directive de la Commission relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et de s'attaquer à toutes les formes de jeux d'argent et de hasard, y compris celles en ligne, afin d'empêcher l'exploitation des activités de paris sportifs en ligne par des intérêts criminels aux fins de blanchiment d'argent". L'eurodéputé, Marc Tarabella, a aussi mentionné le fait que le Parlement européen a obtenu l'interdiction des paris sur les matchs de jeunes.
La troisième action décrite par FEDERBET dans son rapport consiste dans l’ajout de la défense de l’intégrité sportive, et par là même de la lutte contre les paris truqués, au programme Erasmus+ pour 2014-20.
Néanmoins, selon FEDERBET et l’eurodéputé, le nombre de poursuites judiciaires est encore beaucoup trop faible pour lutter efficacement contre le phénomène. "La plupart des fédérations nationales ont peur de porter plainte ou de pousser les clubs à le faire de peur de salir leur compétition alors que nous proposons justement de les nettoyer. L'Union européenne des associations de football (UEFA) a aussi clairement un rôle à jouer dans cette dynamique", a fait savoir l’eurodéputé.
"La coordination et la comparaison de toutes les expériences des pays est la seule solution pour faire sérieusement face à ce problème, car une réponse nationale à un problème transnational ne peut apporter que des résultats pauvres", explique FEDERBET qui souligne, en citant le directeur de la sécurité de la FIFA, qui est un ancien directeur d’Interpol, Ralf Mutschke, que les "joueurs sont contactés en Europe mais les paris truqués ont lieu en Asie, de telle sorte qu’il est difficile pour des politiques nationales de réellement comprendre et adresser le problème".
Il faudrait à la fois alourdir les peines et les homogénéiser dans toute l’Union européenne. De l’avis de FEDERBET, des dispositions pénales européennes devraient permettre l’arrestation des personnes, le blocage de flux financiers suspects et la punition des clubs qui ne mettent pas en place de contrôles.
"Sensible à notre argumentation tout au long de cette année, la FIFA vient de demander un contrôle des flux financiers autour de chaque match de la coupe du monde. Le symbole d'une FIFA se battant à nos côtés pour un sport propre est un symbole fort", s’est réjoui par ailleurs Marc Tarabella.