Le Conseil européen extraordinaire qui réunissait les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 Etats membres de l’Union européenne, le 16 juillet 2014 à Bruxelles, n’aura pas permis aux dirigeants européens de s’accorder sur la répartition des postes-clés des institutions dans le cadre de leur renouvellement.
Le compromis sur les noms du futur haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune et celui du président du Conseil européen, appelés respectivement à remplacer Catherine Ashton et Herman Van Rompuy dont les mandats arrivent à terme, a donc été reporté à un prochain sommet extraordinaire du Conseil européen, prévu le 30 août 2014. Le Conseil européen a par ailleurs à nouveau condamné "la poursuite des activités illégales par des militants armés dans l'Est de l'Ukraine" et étendu les sanctions ciblées en la matière. Il s’est aussi dit gravement préoccupé de la persistance de la violence en Israël et dans la bande de Gaza.
Pour mémoire, le processus de renouvellement des institutions s’est ouvert au lendemain des élections européennes de mai 2014, et s’est accéléré après la désignation de Jean-Claude Juncker comme président de la Commission européenne par le Conseil européen, le 27 juin 2014, et sa confirmation par le Parlement européen le 15 juillet suivant.
Lors du Conseil européen du 16 juillet, les dirigeants de l’UE étaient ainsi appelés à s’entendre sur le nom du prochain chef de la diplomatie de l’UE (à nommer à la majorité qualifiée du Conseil européen avec l’accord du président de la Commission) et celui du futur président du Conseil européen (à élire à la majorité qualifiée du Conseil européen). Ils n’y seront pas parvenus. Les conclusions diffusées sur le site internet du Conseil européen précisent que son président, Herman Van Rompuy, "a présenté un rapport sur les consultations qu'il a menées […] concernant les autres nominations" et que le Conseil européen "a tenu un premier débat à ce sujet et a décidé d’y revenir pour une décision finale" le 30 août.
Le Conseil européen confirme par ailleurs qu’il se prononcera sur un paquet de nominations qui intègrerait également les membres de la prochaine Commission que Jean-Claude Juncker est chargé de former. "La nouvelle Commission sera nommée par le Conseil européen après un vote d'approbation par le Parlement européen sur le président, le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et les autres membres de la Commission en tant qu’ensemble", peut-on y lire.
A l’issue de la réunion, le président du Conseil européen a de son côté souligné que les 28 n’étaient pas encore arrivés à une "solution consensuelle sur l'ensemble du paquet" de nominations, ce qu’il a jugé "dommage mais pas dramatique", peut-on lire dans son discours prononcé à l’issue de la réunion et diffusé sur le site du Conseil européen. "Nous avons demandé aux chefs d'État et de gouvernement de donner leurs noms le plus vite possible. On espère qu'ils le fassent avant la fin du mois pour que M. Juncker réfléchisse à la répartition des portefeuilles", a-t-il dit par ailleurs.
"Il y a eu le constat qu'il ne pouvait y avoir de nomination d'un haut représentant s'il n'y avait pas un paquet global. Et il ne pouvait pas y avoir un paquet global s'il n'y avait pas une certaine clarté dans la composition de la future Commission", a pour sa part confirmé le président français François Hollande à l’issue de la rencontre.
De son côté, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a déclaré au micro de la radio luxembourgeoise 100,7 que certains dirigeants avaient souhaité reporté le prochain rendez-vous au-delà de la date du 30 août et que cette date est donc "un compromis". Selon lui, les débats n’ont d’ailleurs pas porté sur des noms mais sur les "profils" des candidats ainsi que sur les procédures.
"Je suis tout à fait confiante dans le fait que nous allons y arriver pas à pas, étape par étape", a pour sa part estimé la chancelière allemande Angela Merkel à l’issue des débats.
L'équation apparaît complexe à résoudre. Après l'élection de Jean-Claude Juncker (chrétien-démocrate, PPE) à la tête de la Commission européenne, l'attribution des deux postes en jeu – voire d’un troisième, celui de président permanent de l’Eurogroupe – doit répondre à des équilibres droite-gauche et nord-sud/est-ouest, mais aussi hommes-femmes selon le vœu répété de Jean-Claude Juncker et du président du Parlement européen. Martin Schulz a d’ailleurs prévenu les dirigeants européens en ouverture du sommet que son institution ne soutiendra pas une Commission dans laquelle les femmes sont insuffisamment représentées : "une équipe essentiellement masculine n'a aucune chance d'être élue par le Parlement", a-t-il dit.
Pour ce qui relève des équilibres droite/gauche, Angela Merkel a par ailleurs jugé à l’issue du sommet presque "automatique" que le poste de chef de la diplomatie européenne – qui est également vice-président de la Commission européenne – revienne à la gauche, tout en soulignant que le choix devait être "totalement libre" pour la présidence du Conseil européen.
L’Italie pousse pour que sa jeune ministre des Affaires étrangères, Federica Mogherini, obtienne la succession de Catherine Ashton, mais s’est vu opposée un refus du côté des pays baltes et de la Pologne notamment. Jugeant la position de Rome trop favorable à la Russie, la présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité, a ainsi rejeté les personnalités "pro-Kremlin", a-t-elle dit à l’issue du Conseil européen. "Le poste de Haut Représentant sera socialiste. Il n'y a pas d'autre candidature que l'italienne", a pour sa part estimé le Premier ministre italien, Matteo Renzi, qui a le soutien de la France, a par ailleurs confirmé François Hollande.
Selon plusieurs agences de presse, l’actuelle commissaire chargée de l’aide humanitaire, la Bulgare Kristalina Georgieva, semblerait plus consensuelle parmi les dirigeants de l’UE pour le poste de chef de la diplomatie européenne. Ancienne de la Banque mondiale, elle aurait pour handicap d'être apparentée à la droite modérée du PPE, mais dispose en revanche d’expérience et peut se prévaloir de venir d'Europe de l'Est.
Pour ce qui est du prochain président du Conseil européen, poste qui est donc revendiqué par les familles politiques de gauche et de droite, la Première ministre sociale-démocrate danoise Helle Thorning-Schmidt, dont le nom est régulièrement évoqué, a décliné cette possibilité. "Je suis Premier ministre du Danemark et je suis contente de l'être. Je veux le rester", a-t-elle dit à l'issue de la rencontre.
La situation en Ukraine qui a vu les violences s’accentuer les dernières semaines a également fait l’objet des discussions entre les dirigeants européens qui ont à nouveau condamné "la poursuite des activités illégales par des militants armés dans l'Est de l'Ukraine, y compris l'occupation de bâtiments publics, les prises d'otages et les attaques armées contre forces de l'ordre ukrainiennes et les gardes-frontières", lit-on dans les conclusions du Conseil européen.
Le Conseil européen réitère également son "invitation" à la Fédération de Russie d’utiliser "activement son influence sur les groupes armés illégaux et d'arrêter le flux d'armes et de militants à travers la frontière, afin de parvenir à une désescalade rapide". Il regrette que les mesures de désescalade énoncées dans ses conclusions 27 juin 2014 "n'ont pas été mises en œuvre de manière adéquate".
Pour mémoire, le Conseil européen avait réclamé le lancement de "négociations substantielles sur la mise en œuvre du plan de paix du président Porochenko", un accord sur "un mécanisme de vérification, supervisé par l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), du cessez-le-feu", le "retour de l'autorité ukrainienne sur trois points de la frontière" avec la Russie et "la libération des otages ".
Face à des progrès jugés insuffisants, les ambassadeurs du Comité des représentants permanents de l’UE (COREPER) avaient convenu, le 11 juillet 2014, d’une nouvelle extension des sanctions individuelles ciblées, confirmée par une procédure écrite du Conseil des ministres de l’UE. Onze personnes supplémentaires, en majorité des séparatistes ukrainiens pro-russes, accusées d’"avoir commis des actes compromettant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine" ont été visées par un gel des avoirs dans l’UE et une interdiction de l’accès au territoire de l’Union, portant à 72 le nombre de personnes concernées par ces sanctions.
Lors de sa rencontre du 16 juillet, le Conseil européen a donc décidé d'étendre les mesures restrictives. Les nouvelles sanctions auront pour objectif de cibler des entités, y compris de Russie, "qui soutiennent matériellement ou financièrement des actions qui minent ou menacent la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de l'Ukraine". Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont demandé au Conseil d'adopter "d'ici fin juillet" les instruments juridiques nécessaires pour élargir la base des sanctions et de sanctionner des individus et entités inscrits en vertu de ces critères. Ils ont aussi demandé que soit envisagé le ciblage des individus ou entités qui "fournissent activement un soutien matériel ou financier pour les décideurs russes responsables de l'annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l'est de l'Ukraine".
La Commission est par ailleurs invitée à réévaluer les programmes de coopération UE-Russie, en vue d'une possible suspension de programmes bilatéraux et régionaux – hors projets portant exclusivement sur la coopération transfrontalière et la société civile, qui seront maintenus – et il est demandé à la Banque européenne d'investissement (BEI) de suspendre la signature de nouvelles opérations de financement en faveur de la Russie.
Enfin, conformément à la politique de non-reconnaissance de l'annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol, le Conseil européen a également invité la Commission et le Service d’action extérieure européen (SEAE) à présenter des propositions pour des mesures supplémentaires, notamment sur "la restriction des investissements en Crimée et à Sébastopol" mais également afin que "les institutions financières internationales s’abstiennent de financer des projets qui reconnaissent explicitement ou implicitement l'annexion illégale". Les États membres devraient ainsi coordonner leurs positions pour suspendre le financement de nouvelles opérations par la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD).
Dans ses conclusions, le Conseil européen ne manque pas une nouvelle fois de rappeler que tant la Commission européenne, que le SEAE et les États membres "ont entrepris des travaux préparatoires sur des mesures ciblées, afin que d'autres mesures puissent être prises sans délai", à savoir la phase dite numéro trois des sanctions, qui prévoit des mesures économiques "de grande ampleur" et qu’en conséquence, "le Conseil européen reste déterminé à se réunir à tout moment si les événements l'exigeaient".
La situation du nouveau conflit israélo-palestinien a également fait l’objet de conclusions du Conseil européen, qui a dit suivre "avec une grande préoccupation la persistance de la violence en Israël et dans la bande de Gaza". Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE "condamne[nt] les tirs de roquettes depuis Gaza sur Israël et le ciblage indiscriminé de civils", rappelant qu’Israël "a le droit de protéger sa population contre ce genre d'attaques".
Mais le Conseil européen de préciser que pour ce faire, Israël "doit agir proportionnellement et assurer la protection des civils en toutes circonstances". Il "déplore profondément la perte de vies innocentes et le nombre élevé de civils blessés dans la bande de Gaza à la suite des opérations militaires israéliennes et est profondément préoccupé par la détérioration rapide et dramatique de la situation humanitaire", lit-on dans ses conclusions.
Le Conseil européen invite ainsi les deux parties à désamorcer la situation, à mettre fin à la violence et aux souffrances des populations civiles, notamment en permettant l'accès à l'aide humanitaire, en vue d’un retour au calme. Il se félicite par ailleurs des efforts en cours menés par les partenaires régionaux, et en particulier de l'initiative lancée par l'Egypte, pour établir un cessez-le-feu et "demande au Hamas d’approuver un tel cessez-le-feu".
L'Union européenne est d’ailleurs "prête à fournir le soutien nécessaire à cette fin", poursuivent les conclusions. "Les événements tragiques de ces derniers jours mettent en lumière l'urgente nécessité pour toutes les parties d'œuvrer à une reprise du processus diplomatique et de rechercher une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien. L'UE réitère son offre faite aux deux parties d'un paquet de soutien politique et économique européen et d'un partenariat privilégié spécial avec l'Union européenne dans le cas d'un accord de paix final".