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Traités et Affaires institutionnelles
Elu par le Parlement européen, Jean-Claude Juncker est le nouveau président de la Commission européenne
15-07-2014


pe-juncker-elu-140715Le 15 juillet 2014, le Parlement européen a élu le candidat tête de liste du PPE aux élections du 25 mai 2014, Jean-Claude Juncker, à la présidence de la Commission européenne. Le Conseil l'avait proposé comme candidat le 27 Juin 2014. Pour devenir président de la Commission, Jean-Claude Juncker devait obtenir une majorité qualifiée du Parlement européen de 376 voix. 422 eurodéputés ont voté en faveur, 250 se sont exprimés contre et 47 se sont abstenus.

A l’issue des votes, le nouveau président de la Commission européenne a publié son programme qui lui a permis de rallier cette majorité confortable. Baptisé "Un nouvel élan pour l’Europe", il comprend dix chapitres abordés lors de l’allocution au Parlement européen :

  • Un nouvel élan pour l'emploi, la croissance et l'investissement ;
  • Un marché unique du numérique connecté ;
  • Une Union plus résiliente sur le plan de l'énergie, dotée d'une politique visionnaire en matière de changement climatique ;
  • Un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d'une base industrielle renforcée ;
  • Une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable ;
  • Un accord de libre-échange raisonnable et équilibré avec les États-Unis ;
  • Un espace de justice et de droits fondamentaux basé sur la confiance mutuelle ;
  • Vers une nouvelle politique migratoire ;
  • Une Europe plus forte sur la scène internationale ;
  • Une Union du changement démocratique.

Pour plus de démocratie

Lors de son allocution, Jean-Claude Juncker a d’abord souligné qu’il fallait prendre en compte les "messages forts quoique parfois contradictoires" envoyés par les citoyens lors des élections du 25 mai. "Il faut répondre à leurs attentes, à leurs angoisses, à leurs espoirs, à leurs rêves, car en Europe il y a une place pour le rêve", a-t-il dit. Il a souligné dans ce contexte que  "l’Europe ne se construit pas contre les Etats ni contre les nations, lesquelles ne sont pas une invention improvisée de l’histoire mais sont installées dans la durée".

Jean-Claude Juncker s’était félicité de la nouvelle procédure qui veut que le Parlement européen élise "dans tous les sens du terme", un nouveau président de la Commission européenne. Néanmoins, Jean-Claude Juncker n’entend pas être "l’aide de camp du Parlement européen", a-t-il fait savoir aux eurodéputés. Il a garanti qu’il mettrait fin, le cas échéant, à la fonction d’un commissaire auquel les députés auraient retiré leur confiance. De même, il a fait savoir qu’il suivrait d’une proposition législative les suggestions faites en ce sens par la majorité du Parlement. Il a aussi assuré que "le droit de poser des questions ne sera pas entamé".

Jean-Claude Juncker a déclaré que "la Commission européenne n’est pas un comité technique, de fonctionnaires brillants aux ordres" du Conseil. "La Commission, je la veux plus politique, elle sera très politique et doit représenter la pluralité d’idées", a-t-il fait savoir. Il a aussi confié aux eurodéputés son intention de demander aux commissaires de participer plus souvent aux phases décisives des trilogues.

Jean-Claude Juncker a reçu ses premiers applaudissements nourris en déclarant qu’il fera en sorte que le registre européen des lobbys soit rendu public et obligatoire, comme le réclamait d'ailleurs le Parlement européen. 

IL a également garanti qu’il ferait en sorte que les règles de procédure pour l’autorisation des OGM soient revues. "Je ne voudrais pas que la Commission puisse décider alors qu’une majorité des Etats membres ne l’y auraient pas invité", a-t-il précisé.

Pragmatisme et méthode communautaire

Aux débats idéologiques, Jean-Claude Juncker oppose "le pragmatisme" qui sera sa manière de faire. "Ne fatiguons pas ceux qui nous observent par des débats interinstitutionnels" a-t-il par ailleurs dit avant de demander aux gouvernements des Etats membres "d’éviter de critiquer en rentrant chez vous les décisions prises ensemble à Bruxelles". "Ne dites jamais plus après un Conseil que vous avez remporté une victoire et que les autres ont perdu", leur a-t-il encore conseillé. "En Europe nous gagnons ensemble, et c’est ensemble que nous perdons." Dans ce contexte, Jean-Claude Juncker a demandé à ce que soit appliquée "la méthode communautaire". "Elle est exigeante mais efficace" et "est plus crédible que la méthode intergouvernementale", a-t-il dit.

Une compétitivité sans dégâts sociaux

pe-juncker"Les êtres humains ont souvent peur des réformes, qu’ils jugent trop menaçantes, trop risquées. Mais il faut prendre des risques pour rendre l’Europe plus compétitive", a poursuivi Jean-Claude Juncker en abordant le volet économique de son discours. Nous avons perdu en compétitivité, car sommes restés immobiles", a-t-il regretté.

Jean-Claude Juncker s’est défini comme "un enthousiaste de l’économie sociale de marché", dont l’objectif est le "bien-être pour tous".  Pour lui, "ce n’est pas l’économie sociale de marché qui a échoué lors de la crise financière mais l’avidité et l’appât du gain qui ont dérogé à ses règles cardinales". Or, ce type d’économie "ne marche que  s’il y a un dialogue social, qui a souffert dans les années de crise".  Il entend  ainsi "être un président du dialogue social". 

"L'UE a perdu de sa compétitivité parce qu'elle a fait du surplace, il faut repartir de l'avant", a assuré Jean-Claude Juncker. Mais "on n'y parvient pas en rognant sur le social", a-t-il affirmé, ajoutant que "l'économie doit servir l'homme et pas le contraire" et que "le social doit être aussi au cœur de l'action européenne".

Il a annoncé un Paquet pour l'Emploi, la Croissance et l'Investissement de 300 milliards d’euros à partir de février 2015. Ils consistent en des investissements privés et publics, financés par des fonds structurels, la BEI, et doivent consister en des investissements dans les infrastructures (comme le haut débit, l’énergie et le transport), dans l’industrie, dans la recherche... Des investissements qui constituent le moyen de remettre beaucoup de gens au centre de l’Europe, a-t-il encore dit. Par ailleurs, Jean-Claude Juncker a souhaité l’extension de la Garantie pour la jeunesse de 25 à 30 ans.

Jean-Claude Juncker a fait savoir que, dorénavant, avant qu’un programme national de réformes soit mis en œuvre, son impact social sera mesuré. "Il n’y aura pas de programme d’ajustement sans analyse sociale préalable", a garanti le nouveau président de la Commission européenne. Un plan B devra aussi être préparé, pour répondre plus rapidement à une variation des données macro-économiques. Quant au Pacte de stabilité et de croissance (PSC) sera appliqué dans ses grands principes. "Le Conseil européen a eu raison de constater que marges de flexibilité dans PSC, elles doivent être utilisées au mieux", a-t-il dit.

Jean-Claude Juncker estime que l'instrument de la troïka doit être réformé.  "On doit la rendre plus parlementaire, plus démocratique", a-t-il dit. Il s’agirait de "remplacer la troïka par une structure plus légitimement démocratique et plus comptable de ses actes, basée autour des institutions européennes, avec un contrôle parlementaire renforcé, tant au niveau européen que national", précise le programme politique publié à l’issue du vote.

"Le sauvetage de l'euro était nécessaire mais a failli sur le plan social. Je n'accepte pas que les travailleurs et les retraités aient dû supporter le poids des réformes structurelles, pendant que les armateurs et les spéculateurs financiers s'enrichissaient davantage", déclare-t-il par ailleurs, selon un communiqué de presse de la Commission européenne.

Si l’UE ne peut pas dépenser argent dont elle ne dispose pas, elle doit exploiter les opportunités illimitées des technologies digitales. Un marché unique digital promet un gain de croissance européenne de 250 milliards d’euros.

Pour une Union européenne énergétique

La crise en Ukraine a souligné le besoin d’une Union européenne énergétique, que la politique climatique rendait déjà nécessaire. Il faut ainsi investir dans les infrastructures, diversifier les sources d'énergie et réduire la dépendance énergétique des Etats membres.

L'UE énergétique deviendra numéro un mondial dans l'énergie renouvelable. "Nous ne pouvons pas être leaders sans aller plus loin sur l'efficacité énergétique" que les objectifs pour 2030, a dit par ailleurs Jean-Claude Juncker en faveur d'objectifs ambitieux et contraignants. "Un objectif contraignant d'au moins 30% pour l'efficacité énergétique d'ici 2030 est pour moi le minimum si nous voulons être crédibles et tournés vers l'avenir", a prévenu Jean-Claude Juncker, alors que la commission de José Manuel Barroso prévoyait un objectif de 27 %.

"Nous devons mettre en commun nos ressources, combiner nos infrastructures et parler d’une seule voix lors des négociations avec des pays tiers. Nous devons diversifier nos sources d’énergie, et réduire la dépendance énergétique de plusieurs de nos États membres vis-à-vis des autres pays", lit-on dans son programme.

Pour ce qui est du secteur financier, "ma Commission veillera à garantir l'application intégrale des nouvelles règles en matière de surveillance et de résolution, qui rendront les banques européennes suffisamment solides pour être en mesure de prêter à nouveau à l'économie réelle", dit le président de la Commission européenne dans son programme. "À plus long terme, je suis d'avis que nous assortissions les nouvelles règles bancaires européennes d'une Union des marchés de capitaux. Pour améliorer le financement de notre économie, nous devrions développer et intégrer davantage les marchés de capitaux."

Pour ce qui est de la libre circulation des travailleurs, qui constitue "une chance et non pas une menace", les règles ne changeront pas. Il appartiendra aux autorités nationales de lutter contre ses interprétations abusives ou frauduleuses. "Dans notre Union, un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique", prévient-il. Une révision ciblée de la directive détachement des travailleurs pour garantir que le dumping social n'a pas de place dans l'Union européenne

Jean-Claude Juncker entend lutter contre le dumping social, le dumping fiscal et l’évasion fiscale. "Je renforcerai notamment la coopération administrative entre autorités fiscales et veillerai à l'adoption, au niveau de l'UE, d'une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés et d'une taxe sur les transactions financières."

"La crise n'est pas terminée tant qu'il y a 25 millions de chômeurs. Elle sera terminée quand le plein emploi sera instauré", a-t-il dit. Pour cela, il faut "mieux coordonner nos politiques économiques et rester exigeant sur la nécessaire mise en place de réformes structurelles pour croissance".

Les adaptations de la gouvernance économique comprendront "un réexamen, axé sur la stabilité, du paquet législatif relatif à la gouvernance économique ("six-pack") et du paquet législatif relatif à la surveillance budgétaire ("two-pack") comme le prévoit cette législation, des propositions visant à encourager de nouvelles réformes structurelles, en faisant appel, si nécessaire, à des incitations financières supplémentaires et au moyen d'une capacité budgétaire ciblée au niveau de la zone euro, ainsi qu'une proposition visant à rendre plus efficace la représentation externe de notre Union économique et monétaire.

TTIP : Juncker veut écarter la protection des  données

Jean-Claude Juncker s’est dit favorable à la conclusion du TTIP entre l’UE et les Etats-Unis, soit "les deux plus grandes démocraties et les deux plus vastes espaces économiques du monde". Néanmoins, cet accord ne doit pas se faire à n’importe quel prix. "Nous ne pouvons pas abandonner nos normes en matière de santé, sociale, de protection des données", a-t-il dit, soulignant d’ailleurs qu’il ne souhaitait pas que la protection des données et la sécurité alimentaire fassent l’objet de négociations.

Il a aussi rejeté une justice "parallèle" pour régler les différends entre Etats et investisseurs. "Nous sommes des espaces de droit, appliquons le droit", a-t-il dit. Il a aussi jugé que les négociations doivent être "entourées d’une transparence maximale".

"La protection des données est un droit fondamental revêtant une importance particulière à l'ère numérique. En plus de finaliser rapidement les travaux législatifs sur les règles communes de l'Union en matière de protection des données, nous devons aussi faire reconnaître ce droit dans le cadre de nos relations extérieures. À la suite des révélations récentes concernant une surveillance de masse, nos partenaires proches que sont les États-Unis vont devoir nous convaincre que les arrangements concernant la 'sphère de sécurité' sont réellement sûrs, s'ils veulent qu'ils soient maintenus", lit-on également dans son programme.

Un commissaire en charge des droits fondamentaux

Afin de préserver les valeurs de l’Union européenne, Jean-Claude Juncker entend nommer un commissaire responsable de l’application de la charte des droits fondamentaux. "Nous sommes crédibles à l’égard du reste du monde si nous sommes exigeants à l’intérieur", juge-t-il. Ce commissaire aura également pour mission de conclure l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'homme, qui est une obligation en vertu du traité de l'UE.

Il entend par ailleurs convaincre le Conseil d’adopter le plus rapidement possible la directive anti-discrimination, "au moins dans ses grandes lignes".

Pour une nouvelle politique d’immigration légale

Au sujet de l’immigration, "qui au quotidien occupe nos citoyens", Jean-Claude Juncker se savait attendu par les partis d’extrême droite entrés au Parlement à l’issue des élections du 25 mai. Il entend proposer une politique commune en matière d’asile. "Nous devons réfléchir sur l’immigration légale dont l’Europe aura besoin", en prenant exemple sur les  USA, le Canada et l’Australie, a-t-il dit. Il s’agit de "faire de l'Europe une destination de choix pour les talents". D’ailleurs, le président élu de la Commission européenne souhaite nommer un  commissaire chargé de la migration.

Jean-Claude Juncker a par ailleurs déclaré qu’il fallait "protéger nos frontières extérieures". "Luttons contre les bandes criminelles qui font de l’argent avec le malheur des autres. Aidons ceux qui viennent chez nous avant qu’ils ne prennent le bateau", a-t-il déclaré. Il a estimé que dans la gestion des flux de migrants, il fallait mettre en œuvre une meilleure solidarité entre le Nord et le Sud de l’Europe. "Ce n’est pas le problème de Grèce, de l’Italie ou de Malte, mais celui de l’Europe toute entière", estime-t-il.  

Pas de nouveaux élargissements dans les cinq prochaines années

Le nouveau président de la Commission européenne estime qu’il y a un besoin de toute urgence d’une Politique étrangère et de sécurité commune. Il entend veiller à ce que la haute représentante ne soit plus freinée par ministres des affaires étrangères du Conseil européen. Il faut une représentation unique vers l’extérieur par le (la) haut(e) représentant(e), qui doit avoir un champ d’application très entendu et être soutenu par autres commissaires. "L’UE n’est pas un contre-projet à l’OTAN, les deux doivent travailler ensemble", a-t-il estimé. En matière de défense, il y un besoin de renforcer la coopération.

Jean-Claude Juncker a souligné qu’il n’y aurait pas de nouveaux élargissements dans les cinq années à venir, car il paraît "inimaginable" qu’un pays puisse remplir tous les critères d’ici. Toutefois, les négociations continueront. "Et d’autres pays européens ont besoin d’une perspective européenne crédible", a-t-il dit aux Etats des Balkans occidentaux.

Enfin, pêle-mêle, le nouveau président de la Commission européenne a évoqué son souhait d’instituer des salaires sociaux minimums et revenus minimums d’insertion européens. Il estime que les services publics et d’intérêt général doivent être préservés et non pas soumis aux caprices de l’époque. Il a aussi rapidement évoqué l’Afrique, "si souvent malheureuse et si souvent oubliée, riche en ressources naturelles et en êtres humains". "N’abandonnons pas l’Afrique", a-t-il dit, estimant que "tant que chaque jour 25 000 enfants meurent de faim, l’Europe n’a pas fini ses travaux".

Jean-Claude Juncker a poursuivi par un plaidoyer en faveur de l’euro qui "nous protège". "Si pendant les événements de l’Ukraine, la crise financière, nous étions toujours dans l’ancien système européen, l’Europe aujourd’hui serait en guerre monétaire", a-t-il souligné sous la désapprobation de la partie eurosceptique de l’hémicycle. 

"Je ne veux pas d’une Europe qui occupe les gradins de l’histoire, qui observe les autres lorsqu’ils font, agissent, avancent. Je veux une Europe qui occupe le milieu du terrain, une Europe qui soit un modèle pour les autres", a-t-il conclu en appelant à s’inspirer de la patience, du courage et de la détermination de trois grands Européens : Jacques Delors (son ami et maître, dit-il), François Mitterrand, qui a dit que "les nationalismes mènent à la guerre, Helmut Kohl "le plus grand Européen" qu’il ait connu.

Les réactions des groupes politiques

Le PPE : poursuivre les réformes et assurer la stabilité de l’UE

pe-juncker-ppeLe président du groupe PPE au Parlement européen Manfred Weber, issu de la même famille politique que Jean-Claude Juncker, s’est félicité d’un "bon jour pour l’Europe". En tenant compte du résultat des élections européennes du 25 mai 2014, le Conseil européen a pris "un bon départ", a-t-il dit. Si le processus des candidats têtes de liste fortement défendu par le Parlement européen "peut être discuté", les démocrates devraient s’accorder sur le fait que connaître les candidats aux postes avant les élections est une avancée, a estimé l’eurodéputé allemand.

Selon le président du PPE, la priorité de la prochaine Commission devra notamment être la poursuite des réformes afin d’assurer la stabilité de l’UE, mais également de mettre l’accent sur la croissance et la réindustrialisation de l’Europe.

Manfred Weber est longuement revenu sur la nécessité des réformes structurelles "que beaucoup craignent" mais qu’il s’agit selon lui de mieux expliquer. "Il faut faire clairement comprendre aux citoyens que ces réformes sont nécessaires" pour ne pas transférer ce fardeau aux jeunes générations. Selon le président du groupe PPE, le monde connaît des changements fondamentaux qui se produisent de manière parallèle et simultanée, conduisant à une "redistribution du bien-être dans le monde". Dès lors, "s’accrocher aux structures existantes est synonyme de marche arrière".

Manfred Weber veut une Europe qui soit construite de manière "pragmatique" et moins "technique" et qui "contribue à l’idée européenne". Le député européen a souligné que chaque pays avait ses expériences historiques et que tous "ont réussi à construire quelque chose ensemble". Leurs conquêtes - la démocratie parlementaire au Royaume-Uni, la défense des droits de l’Homme en France, etc. - sont devenues entre temps des acquis communautaires.

Selon le président du groupe PPE, l’UE est le seul acteur qui prenne des positions fortes sur des sujets comme la lutte contre le travail des enfants, la protection de l’environnement ou la résolution pacifique des conflits. "Je souhaite une Europe qui soit fière de ses conquêtes, de ses acquis, de ses origines et de ses nations et qui porte sa diversité vers l’extérieur", a-t-il poursuivi.

S&D : les références à l’économie sociale de marché ont plu, mais les sociaux-démocrates auraient souhaité plus de clarté sur la flexibilité dans les politiques budgétaires

Parlant au nom du groupe Socialistes et démocrates, l’Italien Gianni Pittella a commencé son interlocution par l’évocation des actes de guerres survenus dans la bande de Gaza, attribuant à l’UE le devoir de stopper le conflit. "Personne ne peut fermer les yeux", a-t-il dit. Cette actualité tout comme la commémoration des vingt ans du massacre de Srebenica doivent selon lui rappeler quel est "le sens profond, la raison d’être du projet européen".

"Ce n’est pas qu’une Union économique et monétaire mais quelque chose de plus, un projet de civilisation, de solidarité, de paix", a-t-il déclaré. "Toutes les règles doivent être au service de la vie de nos citoyens", a-t-il dit par la suite en évoquant la nécessité d’une nouvelle relance économique, et la fin d’une austérité jugée aveugle.

"L’Europe est embourbée dans une stagnation profonde. Toute une génération a perdu espoir dans l’avenir», remarque l’eurodéputé. Parmi les erreurs du passé sur lesquelles il faut s’appuyer, la politique d’austérité est la première. Alors qu’il fallait relancer l’investissement pour contrecarrer le recul de la demande, et développer les dépenses sociales pour aider les victimes de la crise, une "vision comptable" a présidé à la réduction des investissements et des dépenses sociales.

L’heure d’un rééquilibrage est désormais venue. "Certains semblent obsédés avec la remise en équilibre des dépenses publiques. Si un jeune dut deux est chômeur, "est-il plus important d’avoir de l’ordre dans nos budgets ou de l’ordre dans la société et dans nos vies ?", a-t-il interrogé. ?

pse"Si nous sommes dans cette crise, c’est aussi parce qu’il y a eu des dizaines de sommets intergouvernementaux sans décisions, et que les décisions prises ont été confuses et inefficaces." Il faut donc renforcer la démocratie, a souligné Gianni Pittella, déclarant être satisfait des propositions faites par Jean-Claude Juncker en la matière. L’eurodéputé a rappelé à Jean-Claude Juncker qu’il devait sa nomination au Parlement. Le contrôlé démocratique du Parlement sur la Commission sera renforcé. L’Etat de l’Union ne sera plus un simple exercice rhétorique mais un véritable contrôle annuel de que fait la Commission", a-t-il prévenu.

"Certaines références nous ont plu beaucoup, dont les allusions au social et à l’économie sociale de marché", a-t-il poursuivi. Les socialistes sont aussi satisfaits des réponses apportées durant le discours pour plus d’investissements et plus de solidarité pour la gestion de l’immigration. Le groupe S & D a aussi apprécié d’entendre que ses revendications en termes de politique de réindustrialisation - ramener le poids de l'industrie dans le PIB de l'UE de moins de 16 % aujourd'hui à 20 % d'ici 2020- , de  lutte contre le dumping social et le dumping fiscal, de  démocratisation de la troïka et d’extension de la garantie pour la jeunesse, ont été reprises. "Nous sommes fiers de ces conquêtes", a dit l’eurodéputé.

Les socialistes auraient souhaité "plus de clarté" sur la flexibilité en termes de programme budgétaire. "Sur ce dossier, nous serons intransigeants, a prévenu Gianni Pittella. Les pays qui veulent une réforme ambitieuse ne doivent pas être étouffés par des règles comptables."

Les conservateurs eurosceptiques ont voté contre Jean-Claude Juncker mais ont souhaité un "agenda pour l’avenir"

Le président du groupe ECR,  Syed Kamall, a de son côté rappelé que son groupe attendait des changements significatifs dans le fonctionnement de l’UE et émis des doutes que Jean-Claude Juncker puisse faire preuve du leadership nécessaire à leur réalisation. Le groupe ECR veut ainsi "une Europe de la coopération et non centralisée" ainsi qu’un ordre du jour "pour 2050, pas pour le passé".

Evoquant la distribution des postes entre les grandes familles politiques, l’eurodéputé britannique a par ailleurs critiqué "un butin partagé dans des arrière-boutiques", et rappelé que son groupe (de la même famille que le Premier ministre britannique, David Cameron, qui s’est opposé jusqu’à la dernière minute à la désignation de Jean-Claude Juncker par le Conseil européen) ne souscrivait pas au processus des candidats têtes de liste et estimait que Jean-Claude Juncker n’était pas "la bonne personne pour mener les réformes".

Syed Kamall a par ailleurs appelé à ce que la prochaine Commission soit celle "d’une nouvelle ère", avec un meilleur budget, des investissements en matière de recherche et de développement, des accords plus transparents, des investissements pour assurer la sécurité énergétique et de nouvelles règles sur la propriété intellectuelle. Il s’agit par ailleurs d’identifier les obstacles au marché intérieur "afin de les aplanir" et surtout "de parler avec les entreprises". En outre, il faut "rétablir la confiance en la libre-circulation", a-t-il encore dit.

Appelant à construire le siècle qui s’ouvre et à répondre aux aspirations des citoyens, le président du groupe ECR a confirmé que son groupe voterait contre Jean-Claude Juncker, mais qu’il voulait "un agenda pour l’avenir" afin de peut-être le soutenir dans le futur.

Les Libéraux européens prônent la discipline budgétaire

Guy Verhofstad (ALDE) a évoqué un "jour historique", voit la naissance "une fois pour toutes d’une vraie démocratie européenne". "Ceux des grands groupes qui votent contre Juncker se mettent du côté des anti-Européens", a-t-il estimé.   

Les Libéraux ont apporté leur soutien au candidat qui a repris plusieurs de leurs propositions et notamment celle de "cesser de faire le choix entre austérité et croissance", mais concilier les deux. "S’il n’y a pas de discipline budgétaire, la croissance n’est pas possible à moyen terme, il faut l’accepter. Si nous voulons la croissance, nous devons aller au-delà de la discipline budgétaire et avoir un paquet croissance comme vous l’avez proposé", a-t-il dit.

Les libéraux ont aussi apprécié les déclarations sur l’immigration, notamment légale et l’on appelé à instaurer un véritable équilibre entre les sexes dans la Commission.

"Ne faites pas comme vos prédécesseurs, utilisez votre droit d’initiative, n’appelez pas Rome et Berlin avant de faire une proposition", a conseillé Guy Verhofstad au nouveau président de la Commission européenne. Il faudra "créer une vision pour l’Europe", ce qui signifierait plus d’intégration. "C’est ainsi que nous sortirons de la crise comme nous l’avons fait dans les années 80", a-t-il conclu.

La GUE/NGL dénonce l’idée qu’il n’y aurait pas d’alternative aux politiques radicales de marché, à la libéralisation et à la destruction des services publics

De son côté, la présidente du groupe de la GUE/NGL, Gabriele Zimmer a regretté ne pas partager "l’euphorie générale" quant à la démocratisation du processus de désignation du président de la Commission européenne. Si elle juge qu’il s’agit bien d’une "étape franchie" sous l’influence du Parlement européen, "il ne s’agit pas d’une grande victoire de la démocratie", a-t-elle estimé.

L’eurodéputée allemande y voit plutôt l’expression "d’un balbutiement, d’un petit pas" et dénonce "la réduction de la démocratie à l’occupation de certains postes". Et de critiquer une démocratie "de façade" qui par ailleurs "s’effrite". Gabriele Zimmer a notamment estimé que le résultat des élections et la forte poussée des eurosceptiques, des tenants du retour à l’échelon national et de l’abstentionnisme signifiaient l’échec de tous les partis démocratiques.

La présidente de la GUE/NGL dénonce par ailleurs le discours selon lequel il n’y a pas d’alternative aux politiques radicales de marché, et donc à la libéralisation et la destruction des services publics notamment, un discours déjà porté à l’époque par la Première ministre britannique Margaret Thatcher, a-t-elle dénoncé. Au contraire, "l’Europe a besoin de rupture" et ne peut pas être dans la continuité.

Si la volonté exprimée par Jean-Claude Juncker de "démocratiser la troïka" lui semble positive, la députée européenne regrette de ne pas avoir reçu de réponses sur la manière dont il entend avancer dans ce sens. "Quelles réponses sur le rôle de la Commission au sein de la troïka, sur la crise de la dette et sur l’analyse de la dette ?", s’interroge-t-elle. De même, si Jean-Claude Juncker annonce vouloir replacer le social au centre des politiques, Gabriele Zimmer souligne que ce discours "a déjà été entendu". S’agira-t-il notamment de mettre en place de véritables minimas sociaux permettant de lutter efficacement contre la pauvreté ?

"Nous attendons de vous que vous vous attaquiez aux problèmes concrètement", a-t-elle encore lancé à Jean-Claude Juncker, soulignant qu’il n’aurait pas les voix du groupe qu’elle préside, mais que son groupe restera attentif aux politiques menées et soutiendra celles qui vont selon ses députés dans le bon sens.

Les Verts divisés sur leur soutien à Jean-Claude Juncker, doutant de sa capacité de remplacer le dogme de la concurrence par une convergence des systèmes sociaux des Etats membres

L’eurodéputé belge Philippe Lamberts, pour le groupe Verts / ALE, a rappelé que le grand nombre de jeunes chômeurs et d’Européens vivant sous le seuil de pauvreté  ainsi que le fait que 10 % des citoyens possèdent 60 % de la richesse, met en jeu "l’existence même de nos sociétés". Au même titre que le dérèglement climatique et l’extinction massive des espèces d’ici 2050.

Il a fustigé la soumission des gouvernements aux marchés financiers et aux chantages de sociétés réputés "too big to fail", l’influence des experts ainsi que la remise en cause de notre liberté et de la démocratie par la quête du profit.

Il s’est interrogé sur la capacité de Jean-Claude Juncker à remplacer le dogme de la concurrence par une convergence des systèmes sociaux des Etats membres. Philippe Lamberts, dans ce contexte, a évoqué REFIT, un programme qui, sous couvert de lutter contre la bureaucratisation, viserait à réduire les normes européens.

Il a aussi évoqué les doutes de son groupe sur la capacité de Jean-Claude Juncker à faire entendre la voix de l’Europe, et non plus être "la risée de Poutine" ou "considérée comme quantité négligeable dans la résolution d’autres conflits".

Il n’est pas plus certain que Jean-Claude Juncker soit "l’homme d’une redémocratisation des institutions européennes et de l’Europe", qui impliquerait véritablement les Parlements nationaux mais aussi les acteurs sociaux chaque fois qu’un projet législatif les concerne. "Nous avons besoin de démocratie beaucoup plus participative, et que les lobbys soient renvoyés à leur business, celui de la défense d’intérêts particuliers".

"Nous ne pouvons pas oublier qui sont ceux vous soutiennent. Les trois familles qui vous soutiennent sont aussi celles qui sont au pouvoir en Europe depuis des décennies. Si elles voulaient faire quelque chose, elles l’auraient déjà fait", a-t-il dit, pour expliquer qu’une partie du groupe Verts/ALE n’apporterait pas son soutien au candidat du PPE.

Pour les eurosceptiques de Nigel Farage, la désignation de Jean-Claude Juncker comme candidat s’apparente à un "coup d'Etat, un putsch à l'encontre des Etats nations"

Nigel Farage, président du groupe eurosceptique EFDD, a pour sa part raillé "la démocratie en action" mise en avant par certains groupes, dénonçant l’absence de Jean-Claude Juncker sur les bulletins de vote des élections européennes pour lequel "personne n’a donc voté" ainsi que  l’obtention du siège de président du Parlement européen par "le perdant", Martin Schultz.

Par ailleurs, le fait qu’un seul candidat soit présenté pour le poste de président de la Commission évoque à l’eurodéputé britannique "l’ère soviétique", le président du groupe EFDD s’emportant en outre contre un vote à bulletins secrets. "Il faut être responsables de nos actions, [ce type de vote] est une insulte aux électeurs", a-t-il estimé.

Nigel Farage a également dit ne pas faire confiance à Jean-Claude Juncker lorsque celui-ci aurait assuré "ne pas croire aux Etats-Unis d’Europe" lors de son audition devant les membres du groupe EFDD, soulignant que l’ancien Premier ministre luxembourgeois était une "cheville ouvrière" du processus d’intégration.

Lors du référendum de 2005 organisé en France sur la question du traité constitutionnel, Jean-Claude Juncker aurait dit que quel que soit le résultat, le processus d’intégration se poursuivrait, a encore accusé Nigel Farage. "Vous êtes un des acteurs au cœur de ce processus, de ces accords qui sont conclus derrière des portes closes", a-t-il encore lancé à l’adresse de Jean-Claude Juncker, dont la désignation comme candidat s’apparente à un "coup d'Etat, un putsch à l'encontre des Etats nations", a-t-il estimé. "Les eurosceptiques n’ont pas gagné ces élections, mais ce n’est pas fini".

Pour la dirigeante de l’extrême droite française, Jean-Claude Juncker est  "le gardien de l’enfer européiste"

Marine Le Pen, présidente du Front National, parti d’extrême-droite vainqueur des élections européennes en France,  s’est exprimée comme eurodéputé non inscrit. Elle a estimé que son pays, la France, a envoyé "un message très clair : non à l’Europe de Bruxelles, non à l’immigration massive organisée, non à la dilution de nos identités, oui à nos nations".

Selon, l’UE est devenue "un projet fou". Or, "les conservateurs et les socialistes, selon leurs vieilles et détestables habitudes, se sont répartis les postes, niant tout désir de changement", pense-t-elle.

Elle a contesté la légitimité du candidat. "Vous n’êtes pas l’élu du peuple. Vous n’avez pas été choisi par le peuple français ni par aucun autre", lui a-t-elle lancé, avant de juger qu’il tenait son pouvoir de textes imposés aux peuples. "Vous dirigiez un paradis fiscal, vous êtes maintenant gardien de l’enfer européiste",  a-t-elle par ailleurs lancé à l’ancien premier ministre luxembourgeois. La tâche des "patriotes" qu’elle dit représenter, consiste à "envoyer votre commission et vos structures européennes aux oubliettes de l’histoire", a-t-elle prévenu pour conclure.

La réplique de Jean-Claude Juncker ne s’est pas fait attendre : "Je remercie Mme Le Pen de ne pas voter pour moi. Je ne veux pas avoir l'assentiment de ceux qui rejettent, qui excluent. Merci, Madame, de ne pas voter pour moi !" a-t-il lancé, juste avant que les eurodéputés ne votent sur sa nomination à la tête de la Commission européenne.