Le Comité des représentants permanents des 28 Etats membres auprès de l’Union européenne (COREPER) a décidé le 24 juillet 2014 d’élargir les mesures restrictives de l'UE liées à la situation dans l'est de l'Ukraine et à l'annexion illégale de la Crimée. Cette extension avait été demandée par le Conseil "Affaires étrangères" du 22 juillet 2014 à la suite de l’attentat contre le vol MH17 de la Malaysian Airlines à Donetsk, probablement abattu par un missile sol-air – et pour lequel la responsabilité des rebelles séparatistes ukrainiens pro-russes est pointée du doigt par les USA – qui a fait 298 victimes le 17 juillet dernier.
Le COREPER a ainsi ajouté à la liste des personnes et entités qui font l'objet d'un gel des avoirs et d'une interdiction de visa qui recensait déjà 72 personnes et 2 entités "15 personnes et 18 entités supplémentaires responsables d'actions allant à l'encontre de l'intégrité territoriale de l'Ukraine", peut-on lire dans un communiqué diffusé par le service de presse du Conseil.
Les représentants permanents sont également parvenus à un accord sur l'élargissement des critères de désignation. "Ceci permettra d'imposer un gel des avoirs et des interdictions de visa aux personnes et entités qui soutiennent activement les décideurs russes responsables de l'annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l'est de l'Ukraine ou qui tirent avantage de ces décideurs", poursuit le communiqué.
Parmi les personnalités visées par cette extension des sanctions se retrouvent notamment plusieurs responsables des services de renseignement intérieurs et extérieurs russes accusés d'avoir "contribué à l'élaboration de la politique du gouvernement russe menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine" ainsi que plusieurs responsables des séparatistes ukrainiens pro-russes. L'on y retrouve également le président de la République de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, en raison de ses "déclarations en faveur de l'annexion illégale de la Crimée et en faveur de l'insurrection armée en Ukraine".
Pour ce qui est des entités sanctionnées, la liste de l'UE vise désormais les entités séparatistes autoproclamées, à savoir notamment les "Républiques populaires" de Donetsk et de Lougansk, de même que plusieurs groupes séparatistes armés, notamment la "Garde de Lougansk", l'"Armée du Sud-Est", la "Milice populaire du Donbass" ou encore le "Bataillon Vostok".
Par ailleurs, 9 autres entités se situant en Crimée et à Sébastopol et "dont la propriété a été transférée en violation de la loi ukrainienne" sont également visées par les sanctions. S'y retrouvent notamment plusieurs compagnies publiques ("Kerch ferry", "Sevastopol commercial seaport", "Sevastopol commercial seaport", "Universal-Avia"), de même qu'un complexe hôtelier ("Nizhnyaya Oreanda").
Au total, se sont ainsi 87 personnes qui font désormais l'objet de sanctions de l'UE en raison de la situation en Ukraine tandis que les entités touchées par ces sanctions sont au nombre de 20. Les instruments juridiques concernant l'entrée en vigueur de ces deux décisions ont été adoptés par procédure écrite par le Conseil le 25 juillet 2014 et ont été publiés au Journal officiel de l’UE le même jour.
Par ailleurs, le communiqué du Conseil précise que le Comité a aussi discuté des mesures supplémentaires visant à limiter les échanges commerciaux avec la Crimée et Sébastopol ainsi qu'à y restreindre les investissements. Enfin, la Commission et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) ont présenté les résultats des travaux préparatoires sur de nouvelles mesures ciblées et des propositions de mesures à prendre, notamment en matière d'accès aux marchés des capitaux, de défense, de biens à double usage et de technologies sensibles, y compris dans le secteur énergétique. Celles-ci ont donné lieu à un échange de vues des représentants permanents qui devaient les réexaminer le 25 juillet 2014.
La situation en Ukraine a également été largement évoquée lors de la réunion de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés luxembourgeoise, le 24 juillet 2014, face aux membres de laquelle le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a dressé un bilan de la situation internationale.
"La Russie a besoin d'exercer une pression sur les séparatistes pour qu'ils déposent les armes", a notamment expliqué le chef de la diplomatie luxembourgeoise selon des propos rapportés par le quotidien luxembourgeois Luxemburger Wort, le ministre déplorant qu’actuellement, il ne semble pas qu’il y ait une volonté suffisante en ce sens à Moscou. Dès lors, "de nouvelles sanctions sont probablement inévitables", a-t-il dit.
Selon le ministre, ces sanctions seront concentrées sur le gel des avoirs et des visas vers l’UE de nouvelles personnes et entités, quant à la phase dite 3 des sanctions – qui prévoit des sanctions économiques significatives – qui concernerait essentiellement quatre secteurs économiques, à savoir l’armement, l’énergie, les technologies à double usage (civile et militaire) et les finances, Jean Asselborn a expliqué que l’UE s’en approchait. "Nous n’en sommes pas encore là" a-t-il cependant dit, toujours selon le Luxemburger Wort, tout en jugeant "dommage" d’en être arrivé à ce stade. "Cela ne profite ni à l'UE, ni à la Russie", a regretté Jean Asselborn. Ces sanctions auraient en effet des répercussions sur l’économie européenne et luxembourgeoise.
Le CSV a de son côté appelé à ce que tout soit fait pour parvenir à un cessez-le feu permanent et à une solution politique dans le conflit ukrainien. Pour le parti chrétien-social, tout doit être fait pour faire la lumière sur la chute du vol MH17 et que les responsables soient traduits en justice, appelant à ce que tous les obstacles soient levés pour permettre le travail des experts internationaux.
Le parti Déi Lénk, par la voix du député Serge Urbany, a de son côté estimé que " parce que l’abattage de l'avion de ligne malaisien dans l'est de l'Ukraine est tout particulièrement répréhensible, les résultats de l’enquête internationale sur les responsabilités doivent être attendus avant que ne soient prises de nouvelles sanctions politiques et judiciaires".
Le parti de gauche manifeste donc son opposition à de nouvelles "sanctions unilatérales" contre la Russie alors "qu’il est exclu" que ce pays ait ordonné l’abattage de l’avion, estime le député qui souligne que la situation en Ukraine "est complexe" et que les responsabilités sont "partagées". "Les manipulations sont importantes de tous les côtés, même dans les pays occidentaux", juge-t-il.
En Ukraine, l’annonce de la dissolution de la coalition gouvernementale au Parlement ukrainien, condition pour pouvoir organiser des élections législatives anticipées, a provoqué la démission immédiate du Premier ministre Arseni Iatseniouk, faisant craindre une crise politique dans le pays qui fait face à une rébellion armée dans l’est de son territoire.
La chute du gouvernement a été provoquée par le retrait de la coalition parlementaire, le 24 juillet 2014, de deux partis politiques, Oudar – de l'ex-boxeur Vitali Klitschko, allié du président Porochenko –, et Svoboda ("liberté") – issu de la droite nationaliste. Elle devrait provoquer la tenue d'élections législatives anticipées au plus tôt dans trois mois, suivant une promesse faite par le président ukrainien dès son élection le 25 mai 2014, Petro Porochenko ayant d’ailleurs salué cette décision des deux partis.
En revanche, le Premier ministre Arseni Iatseniouk, qui est membre du parti Batkivchtchina ("patrie"), de Ioulia Timochenko, la plus importante force de la coalition, a directement dénoncé "un crime" qui aura des conséquences "dramatiques" pour le pays et a annoncé sa démission qui doit encore être entérinée par le Parlement. "J'annonce ma démission compte tenu de la dislocation de la coalition parlementaire, qui bloque les initiatives gouvernementales", a-t-il dit devant les députés ukrainiens.
"Notre gouvernement n'a pas de réponse aux questions 'avec quoi payer demain les salaires ? comment faire le plein de blindés et financer l'armée ?' (…) Qui votera des lois impopulaires ayant en tête les élections ?", s'est-il interrogé. "Il est inacceptable d'échanger le sort du pays contre des intérêts politiques étroits. C'est un crime moral et politique", t-il poursuivi.