Le matin du 24 juillet 2014, la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a convié la presse le long de la Sûre sur les sites de Micheleau, Willspull et Erpeldange pour une visite de terrain consacrée aux espèces dites envahissantes considérées comme les plus menaçantes pour la flore et la faune luxembourgeoise. La ministre était accompagnée des experts du Musée national d’histoire naturelle, qui mène depuis plus de dix ans des recherches scientifiques au sujet des espèces envahissantes, tout comme des membres de l’Administration de la Nature et des Forêts.
Pour mémoire, les espèces exotiques envahissantes sont des plantes, des animaux ou d’autres organismes introduits par l’homme en dehors de leur aire de répartition naturelle et qui ont pour propriété d’être très résistantes, de se reproduire et de se propager rapidement. Elles représentent une menace considérable pour l’écologie, l’économie et parfois même pour la santé, du fait qu’elles font concurrence aux espèces indigènes, qu’elles causent des dégâts graves et qu’elles peuvent transmettre des allergies ou des infections. En Europe 10 à 15 % des quelque 11 000 espèces non indigènes sont réputées causer ces effets négatifs. Elles sont considérées comme la deuxième cause mondiale d’extinction des espèces.
Lors de la présentation, la ministre de l’Environnement a mis en évidence qu’au Luxembourg ce sont surtout trois plantes de ce type qui se sont implantées de manière très importantes : la balsamine géante, la renouée du Japon et la berce géante.
La balsamine géante comme la renouée du Japon, arrivées en Europe à l’origine en tant que plantes ornementales, menacent désormais les espèces indigènes à cause de leurs populations très denses. Elles provoquent en outre une érosion élevée le long des cours d’eau parce qu’elles n’ont pas de racines prononcées et qu’elles ne maintiennent pas les sols. Malgré des dispositifs de lutte mis en place contre ces espèces, leur population a augmenté de manière très importante au cours des dernières années, "celle de la renouée du Japon a même augmenté de 57 %", explique le docteur Christian Ries, conservateur de la section écologie au musée.
La berce géante, qui est arrivée du Caucase au 19e siècle, contribue également à l’éviction des plantes indigènes et à l’érosion, mais contrairement aux deux espèces évoquées précédemment, elle produit aussi une sève qui peut entraîner des brûlures cutanées graves (au deuxième/troisième degré) en cas de contact. C’est la raison pour laquelle son élimination nécessite l’utilisation de vêtements de protection qui recouvrent tout le corps y compris les mains et le visage. En outre, ces plantes sont souvent très hautes et elles doivent être éliminées entièrement avec beaucoup de précaution pour éviter que des graines se dispersent et ne germent par la suite.
"Par conséquent maîtriser la berce est une affaire pénible qui nécessite beaucoup de temps", explique Jean-Pierre Arend, membre de l’administration de la Nature et des Forêt (ANF). Laurent Schley, le directeur adjoint de cette administration, ajoute que malgré tout, la campagne d’éradication systématique contre la Berce du Caucase, menée par l’ANF depuis 2008, se déroule bien, de sorte qu’environ 15 000 individus de cette plante dangereuse ont déjà pu être éliminés. Un succès qui est avant tout dû à la collaboration étroite des agents d’autres administrations comme l’Administration de la Gestion de l’Eau ou l’Administration des Ponts et Chaussées.
Des inventaires systématiques réalisés pendant plusieurs années montrent qu’une des sources principales de la propagation des espèces envahissantes sont les cours d’eau, ce qui explique que leur population au bord des rivières soit très dense. De ce fait, Carole Dieschbourg souligne qu’une collaboration entre les Etats membres est importante et indispensable pour une lutte efficace contre les espèces invasives, du fait que de nombreux fleuves traversent plusieurs pays. La lutte régionale et nationale doit donc être élargie au cadre européen.
Une telle collaboration est prévue par le nouveau règlement concernant la maîtrise du danger que représentent les espèces envahissantes proposé en septembre 2013 par la Commission européenne. Le règlement comprend une liste des espèces invasives préoccupantes, qui seront interdites dans l’UE, et prévoit la prévention (contrôles pour éviter leur introduction), la détection précoce, une réaction rapide tout comme la lutte contre ces espèces ou leur confinement. La Commission espère que des mesures ciblées et communes permettront de baisser les coûts liés aux dommages causés qui sont estimés à 12 milliards d’euros par an dans l’UE. Selon la ministre il est probable que le règlement entrera en vigueur le 1er janvier 2015.