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Parlement européen - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Emploi et politique sociale
La présidence italienne du Conseil veut relancer la proposition de révision de la directive sur le congé de maternité, bloquée depuis plus de trois ans et sous menace d’être retirée par la Commission
15-07-2014


Le Parlement européen à l'issue du vote sur le rapport Estrela le 20 octobre 2010 © European Parliament / Pietro Naj-OleariLa présidence italienne du Conseil de l'Union européenne a déclaré vouloir relancer une proposition de révision de la directive sur le congé de maternité, bloquée depuis plus de trois ans faute d’une position commune entre Etats membres, lors d’un débat en séance plénière au Parlement européen à Strasbourg le 15 juillet 2014.

Le sujet est d’autant plus important que la Commission européenne a récemment envisagé de retirer la proposition dans le cadre de son programme d'allégement administratif, suscitant l’émoi du lobby européen des femmes.

Le projet de révision de la directive qui date de 1992 a été proposé par la Commission européenne en 2008 et prévoyait d’étendre le congé maternité de 14 à 18 semaines. Le Parlement européen a adopté en octobre 2010 sa position qui allait plus loin, en prévoyant un congé maternité minimal de 20 semaines. Les Etats membres qui étaient censés discuter sur le projet législatif n’ont pas trouvé de consensus et n’ont pas adopté de position.

"Nous pensons que ça vaut le peine de réessayer", a déclaré Sandro Gozi, secrétaire d'État italien chargé des Affaires européennes. "On pourrait réexaminer la proposition pour voir si les conditions (d'un accord) existent et essayer d'éviter qu'elle ne s'enlise", a ajouté Sandro Gozi, observant toutefois que l'entreprise s'annonçait "difficile" en raison de "divergences très importantes" entre Etats membres.

Siim Kallas, le vice-président de la Commission européenne, a soutenu que la proposition "a été bloquée dans le processus législatif pendant trop longtemps" et qu’il "n’y a pas eu de progrès du tout pendant trois ans, malgré des efforts considérables". "Il a été impossible de s’engager dans des négociations sérieuses", a-t-il lancé, tout en préconisant une opportunité pour un "nouveau départ" et un "texte plus moderne".

Vu que le projet de révision est bloqué depuis plus de trois ans, la Commission européenne a envisagé de le retirer, dans le cadre de son programme REFIT d'allégement administratif et législatif, selon un communiqué du 18 juin: "La Commission considère comme une bonne pratique de gestion législative le fait de retirer des propositions bloquées en phase législative afin de permettre un nouveau départ ou de trouver d'autres moyens d'atteindre l'objectif législatif visé". Le texte cite plusieurs propositions, dont celles sur les "travailleuses enceintes".

Plusieurs eurodéputées montent au créneau

Mais plusieurs eurodéputés ont fait part de leur impatience. "Nous ne pouvons plus attendre, c'est une urgence", a ainsi souligné la socialiste italienne Alessandra Moretti (S&D), fraîchement nommée en tant que rapporteur du projet, en remplacement d’Edite Estrela (S&D). Elle a évoqué "l’occasion de construire une nouvelle Europe de l’espoir pour les citoyens", selon un communiqué du groupe S&D. Toutefois, comment peut-on parler d’espoir lorsque les femmes sont obligées de choisir entre donner la vie ou épargner de l’argent pour survivre ?", a-t-elle dit. "Alors que la droite invoque l'argument du coût d'une telle mesure, nous souhaitons rappeler que l'égalité des droits ne se monnaye pas", a fait valoir de son côté l'élue écologiste française Karima Delli lors du débat, appelant à ne pas "enterrer ce projet".

A part l’allègement de la durée du congé maternité à 20 semaines, certains Etats membres se heurtent aussi à la proposition du Parlement européen d’introduire un congé de paternité. L’autre point de litige est la question du salaire : alors que la proposition du Parlement européen prévoit 100 % de salaire pendant 16 semaines, la Commission avait proposé une rémunération de 100 % obligatoire seulement au cours des six premières semaines, et pour les semaines restantes, elle avait recommandé d'accorder le plein traitement, ce qui n’est pas contraignant, mais prôné un montant obligatoire qui ne serait pas inférieur à un congé de maladie. "Certains pays ont bloqué la question principalement parce qu’ils sont contre l’extension du nombre de semaines ou contre le fait que ces semaines soient entièrement payées", a expliqué Iratxe Garcia Pérez (S&D), l'eurodéputée espagnole et nouvelle présidente de la commission des droits de la femme dans une interview publié par le Parlement européen le 15 juillet 2014.

Le groupe S&D a vivement critiqué la proposition de la Commission de retirer le texte. "C’est une honte que le Conseil de l’UE ait été incapable d'aboutir à une décision au cours des quatre dernières années. Or, nous devons de toute urgence actualiser la loi européenne de 1992 concernant le congé de maternité, afin de tenir compte de l’évolution de nos sociétés", a déclaré la Belge Marie Arena, porte-parole du groupe en matière de droits des femmes et d’égalité des sexes, dans un communiqué. Elle a jugé qu’il est "crucial d’assurer la sécurité et la santé des femmes enceintes et de faire en sorte qu’elles ne risquent pas de perdre leur emploi ou ne soient pas confrontées à une quelconque forme de discrimination".

L’idée de la Commission de retirer la proposition a également alerté le lobby européen des femmes qui avait adressé le 4 juillet 2014 une lettre à Jean-Claude Juncker, futur président de la Commission, lui demandant de rejeter cette proposition de retrait de la directive et de remettre cette question à l'agenda. "La décision de retirer cette directive est scandaleuse car des femmes enceintes (ou potentiellement) sont prises en otage, mais les hommes aussi, puisque la directive inclut des provisions sur le congé de paternité, car il n'y a pas de directive pour ce type de congé", a écrit Joanna Maycock, la secrétaire générale de l'association.