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Marché intérieur
Inquiète des négociations de l’Accord sur le commerce des services (TiSA), la Confédération générale de la fonction publique demande l’ouverture d’un débat public
20-08-2014


tisaDans un communiqué de presse diffusé le 20 août 2014 et signé par son secrétaire général, Romain Wolff, la Confédération générale de la fonction publique (CGFP) met en garde contre les conséquences que pourraient avoir l’Accord sur le commerce des Services (TiSA en anglais, pour Trade in Services Agreement), actuellement négocié par l’UE et 22 autres Etats.

La négociation de cet accord a été initiée par les Etats-Unis et l’Australie en mars 2013, suite à l'impasse des négociations multilatérales du cycle de Doha, pour ce qui est du commerce des services. Ainsi, "si un nombre suffisant de membres de l’OMC y participent, le TiSA pourrait être étendu à l'ensemble de l’OMC et ses avantages pourraient profiter également aux pays qui n'y participent pas actuellement", explique la Commission européenne sur la page internet consacrée aux négociations de l’accord TiSA.

L’UE et les 22 Etats prenant part aux négociations, se disent membres du groupe auto-désigné des "très bons amis des services". Ils représentent 70 % du commerce mondial des services. Aucun des grands pays émergents membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) n’en fait partie. Toutefois, l'UE soutient la participation de la Chine et l’Uruguay qui ont demandé à prendre part aux négociations.

Le Parlement européen avait prié la Commission européenne de "défendre les sensibilités européennes en ce qui concerne les services publics et les services d'intérêt général"

"TiSA vise à ouvrir les marchés et améliorer les règles dans des domaines tels que l’octroi de licences, les services financiers, les télécommunications, le commerce électronique, le transport maritime et les travailleurs qui se déplacent temporairement à l’étranger pour fournir des services", explique par ailleurs la commission européenne. L’UE "est le premier exportateur mondial de services: des dizaines de millions de personnes occupent un emploi dans le secteur des services dans l’ensemble de l’Europe. L’ouverture des marchés des services renforcera la croissance et l’emploi", estime-t-elle encore.

"Les services représentent, en 2011, 28 % des exportations de l'Union européenne et plus de la moitié de ses investissements directs étrangers dans les pays tiers", retenait le Parlement européen dans sa résolution du 4 juillet 2013 accordant à la Commission européenne un mandat pour négocier cet accord.

Par ailleurs, dans leur résolution, les eurodéputés précisaient que "les services représentent l'épine dorsale des économies et du commerce au XXIe siècle puisque l'émergence de chaînes de valeur mondiales dépend de la fourniture de services", mais soulignaient également "l'importance des services d'intérêt général pour offrir des filets de sécurité essentiels aux citoyens et pour favoriser la cohésion sociale aux niveaux municipal, régional, national et de l'Union européenne".

Ainsi, leur mandat priait la Commission de "défendre les sensibilités européennes en ce qui concerne les services publics et les services d'intérêt général (au sens des traités de l'UE), dans les domaines de l'éducation publique, de la santé publique, de l'approvisionnement en eau et de la gestion des déchets, et continuer, comme c'est le cas au titre de l'AGCS (Accord général sur le commerce des services, adopté en 1994, ndlr) et des Accords de libre-échange bilatéraux, à ne prendre aucun engagement en ce qui concerne les services audiovisuels et culturels’". 

La CGFP craint "une accélération sans précédent de la libéralisation des services publics"

Néanmoins, le secrétaire général de la CGFP craint que ce soit une toute autre perspective qui ressorte de l’accord TiSA. Le secret qui entoure les négociations nourrit son inquiétude, échaudé qu'il est par l'expérience des négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP). "Un point commun significatif avec le TTIP réside dans le fait que le projet d’accord, comme tous les autres documents de travail, devraient rester secrets. Seul le texte final officiel devrait être rendu public", constate-t-il. Sur sa page internet consacrée aux négociations de l’accord TiSA, la Commission européenne met à disposition divers documents, dont sa proposition de mars 2013, mais prévient en effet que "comme toutes les autres négociations commerciales, celles portant sur l’ACS ne sont pas publiques et les documents concernés ne sont disponibles que pour les seuls participants".

Le fait que dans un article du quotidien français Le Monde du 9 juillet 2014 cité par Romain Wolff, la Commission européenne a garanti que les services publics "ne seraient pas touchés", ne rassure pas davantage la CGFP. Pour l’heure, les documents secrets jusqu’ici révélés, notamment un document de négociation concernant les services dans le secteur financier publié par Wikileaks, "parlent un tout autre langage", déplore Romain Wolff qui estime qu’"une accélération sans précédent de la libéralisation des services publics est tout sauf exclue".

Le texte prévoit notamment que seuls les secteurs cités explicitement dans les accords ne puissent pas être libéralisés. "Ce qui ouvrira la possibilité de libéraliser par défaut tous les nouveaux secteurs de l'économie, de la santé à l'éducation, en passant par l'énergie", expliquait le journal Le Monde, dans un second article daté du 9 juillet 2014. Le document de WikiLeaks montre par ailleurs que les Européens et les Américains réclament une clause qui gèlerait le niveau de régulation maximal à la date de la signature.

Afin de "ne pas être mis devant le fait accompli, au détriment de nous tous", le secrétaire général de la CGFP appelle à l’ouverture d’un débat public. "Au Luxembourg, il n’y a eu pour l’instant ni débat public, ni question parlementaire à ce sujet", constate le syndicaliste. Il s’agirait de suivre le même processus qui ce qui a été fait pour le TTIP. C’est d’ailleurs à l’occasion de l’audition sur le TTIP organisé le 11 juillet 2014 à la Chambre des députés que le TiSA a été évoqué une première fois.

Ce jour-là, en effet, le député CSV Laurent Mosar avait alors mentionné l’existence des négociations sur TiSA  pour préciser que c’était dans ce dernier cadre, et non durant les négociations du TTIP, que l’avenir des services serait traité. Dans une question parlementaire au sujet de l’accord de libre-échange négocié entre l’UE et le Canada (CETA), posée le 20 août 2014, le député CSV Laurent Mosar, a mentionné de nouveau TiSA, pour le désigner, avec les accords TTIP et CETA, comme un des trois textes qui représentent "un danger pour le savoir en réseau et pour ses usagers".

La Chambre des députés a rapporté toutefois que le 7 juillet 2014, quatre des six nouveaux eurodéputés s’étaient entretenus du sujet avec les membres de la Commission des Affaires étrangères et européennes. "Face aux craintes de certains députés, les représentants du ministère des Affaires étrangères ont assuré que le service public tel que la gestion de l’eau potable ainsi que les normes sociales et environnementales en Europe ne seraient pas impactés par un accord", expliquait le compte-rendu de la Chambre des députés. "Par ailleurs, l’objectif est de trouver un accord plurilatéral qui pourrait être approuvé ultérieurement par des pays émergeants qui ne participent pas à ces négociations (non-publiques) pour l’instant."

Dès septembre 2013, la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Confédération européenne des syndicats (CES) avaient mis en garde contre les conséquences que pourraient avoir l’accord TiSA. "Les vrais bons amis des services doivent s’assurer que la réalisation et le maintien de l’accès universel à des services publics de qualité sont au cœur de l’accord", disait leur communiqué de presse commun. Les deux syndicats exprimaient également leur inquiétude envers l’intention manifestée par la Commission européenne d’inclure un règlement des différends investisseurs-États "qui pourrait s’avérer catastrophique pour l’espace politique", et qui par la suite, a suscité les oppositions à la fois contre le TTIP et le CETA.  

Les négociations doivent reprendre, pour un 8e round, le 21 septembre 2014 à Genève. A l’issue du précédent round, le 18 juin 2014, le représentant américain au commerce extérieur, Michael Froman, avait déclaré que "le cadre de base de l’accord est en place, les offres d’accès au marché intérioeur, ont été échanges, et le travail sur des secteurs spécifiques comme les télécommunications est les services financiers bat son plein".