Principaux portails publics  |     | 

Entreprises et industrie - Commerce extérieur - Economie, finances et monnaie
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (ALE/Verts) et les deux députés luxembourgeois Laurent Mosar et Justin Turpel s’inquiètent des tribunaux d’arbitrage prévus dans l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA)
21-08-2014


ceta-source-chambre-commerce-caL’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (ALE/Verts) a reproché le 18 août 2014 à la Commission européenne d’introduire "par la petite porte" des tribunaux d’arbitrage dans l’accord économique et commercial global (CETA en anglais) entre l’UE et le Canada. Claude Turmes accuse José Manuel Barroso, le président sortant de la Commission européenne, de vouloir faire passer l’accord dans le silence lors de la pause estivale et juste avant de quitter son poste, selon le communiqué.

L’UE et le Canada se sont mis d’accord le 5 août 2014 sur la version finale de l’accord qui a été conclu en octobre 2013, selon un communiqué du gouvernement canadien. Le texte doit encore être approuvé par les 28 Etats membres de l’UE, avant d’être signé en septembre. La chaîne allemande ARD a publié sur son site internet le texte consolidé qui n’était pas destiné à publication mais qui a "fuité".

Claude Turmes dénonce le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS en anglais) qui est contenu dans ce texte et qui "sape le pouvoir réglementaire de gouvernements et parlements élus démocratiquement", selon l’eurodéputé. Il appelle à ne pas signer l’accord CETA car cela ouvrirait la porte à l’introduction du RDIE dans d’autres traités tels que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). L’inclusion du mécanisme RDIE dans le TTIP avait suscité les inquiétudes de la société civile et des ONG qui craignent entre autres une vague de poursuite contre les Etats, ce qui avait amené la Commission européenne à lancer en mars 2014 une consultation publique sur le sujet.

Claude Turmes demande également la publication intégrale du texte et appelle la Commission sortante à laisser le travail à la Commission suivante pour que la société civile et tous les acteurs concernés puissent évaluer l’accord.

Le groupe S&D au Parlement européen appelle la Comission à écouter les préoccupations exprimées par le Parlement

Le président du groupe S&D au Parlement européen, Gianni Pittella, s’est également exprimé contre l’inclusion du mécanisme RDIE dans l’accord CETA et appelé la Commission européenne à "écouter les préoccupations exprimées par le Parlement européen et le groupe S&D", dans un communiqué du 26 août 2014. "Il appartiendra au Parlement européen – la conscience démocratique de la politique commerciale de l’UE – de ratifier ou non l’accord CETA", estime-t-il. Il appelle l'UE à suivre l’exemple de l’Australie qui n’a pas, jusqu’à présent, inclu le mécanisme RDIE dans ses traités avec les Etats-Unis et le Japon.

Gianni Pittella rappelle que plusieurs Etats membres de l’UE, dont notamment l’Allemagne, ont des "réserves importantes" contre les tribunaux d’arbitrage. Ainsi, Sigmar Garbiel, le ministre de l’Economie allemand, va soumettre l’accord au Bundestag, selon son porte-parole. Fin juillet, des sources européennes avaient rapporté que l’Allemagne s’opposerait au paraphe de l’accord dans sa forme actuelle en raison de l’inclusion du mécanisme RDIE.

L’accord CETA permettrait "aux entreprises américaines d'utiliser leurs bureaux canadiens pour lancer des procédures d'arbitrage", estime Justin Turpel

Au Luxembourg, deux députés ont déposé des questions parlementaires à ce sujet. Laurent Mosar (CSV) demande à Etienne Schneider, ministre luxembourgeois de l’Economie, de lui confirmer que cet accord a "bien été conclu" et de lui fournir les "dispositions principales", dans une question parlementaire déposée le 21 août 2014. Il souhaite connaître la position du gouvernement concernant le mécanisme RDIE, tout en jugeant que la mise en place de "règles internationales restrictives" de tels accords "représente un danger pour le savoir en réseau et pour ses usagers". Laurent Mosar veut aussi savoir si le gouvernement va soumettre l'accord à la Chambre des Députés "pour discussion et, le cas échéant, pour approbation".

Comme Claude Turmes, le député Justin Turpel (Déi Lénk) reproche à la Commission européenne sortante de "s’efforce[r] de signer le CETA, avant que la nouvelle commission, qui pourrait être amenée à changer de position, soit mise en place et avant que la large opposition à cet accord ne devienne trop visible", dans une question parlementaire urgente déposée le 21 août 2014 en raison d’une réunion extraordinaire du Conseil européen le 30 août 2014, mais dont le caractère "urgent" n’a pas été retenu. Selon lui, l’inclusion du RDIE dans l’accord CETA permettrait "aux entreprises américaines d'utiliser leurs bureaux canadiens pour lancer des procédures d'arbitrage" ce qui rendrait "inefficace" l’exclusion du RDIE dans l’accord avec les Etats-Unis (TTIP).

Dans ce contexte, Justin Turpel rappelle la position du gouvernement luxembourgeois qui avait affirmé début juillet 2014 que "le Luxembourg est d'avis qu'un tel système n'est pas nécessaire avec un pays membre de l'OCDE", dans une réponse à une autre question parlementaire de Justin Turpel. Dans sa question actuelle, Justin Turpel veut savoir si le gouvernement maintient son opposition au système d’arbitrage et s’il est d’accord pour intervenir au Conseil européen du 30 août 2014 pour "empêcher l'ancienne commission de parapher ou signer un accord qui devrait faire l'objet d'une analyse approfondie". Le député veut également savoir si le gouvernement est d’accord à demander à ce que le projet d’accord et le mandat de négociation soient publiés et qu’ils fassent l’objet d’un débat public.