Dès l’annonce par le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de la nouvelle organisation de la prochaine Commission ainsi que de la répartition des portefeuilles de compétences entre les commissaires désignés par les Etats membres, le 10 septembre 2014, les réactions se sont multipliées, notamment politiques.
Au Luxembourg, d’où Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Grand-Duché de manière ininterrompue pendant 17 ans jusqu’en 2013, est originaire, l’actuel Premier ministre, Xavier Bettel (DP, libéral), s’est dit satisfait de la distribution des postes telle qu’annoncée. Cité par le quotidien luxembourgeois Tageblatt dans son édition du 11 septembre, il a évoqué une "Commission forte", composée de membres – 5 anciens premiers ministres, 4 vice-premiers ministres, 19 anciens ministres, 7 commissaires sortants et 8 anciens membres du Parlement européen – qui témoignent d’une "haute compétence".
"Il semble que ce soit une Commission, forte, politique, ce qui est exactement le signal dont l'Europe a besoin. Le choix des commissaires et de leurs ressorts me réjouit autant que l'orientation collective accrue de la Commission", a-t-il aussi répondu au quotidien Luxemburger Wort qui le rapporte dans son édition du 11 septembre.
Xavier Bettel s’est également réjoui de la présence de neuf femmes dans le nouveau collège des commissaires alors que seules quatre étaient pressenties au début du processus de formation de la Commission. Le Premier ministre luxembourgeois a aussi salué le "nouveau fonctionnement horizontal de la Commission européenne" dont le président sera désormais épaulé de sept vice-présidents chacun responsable d'une équipe de projet et qui piloteront et coordonneront le travail d'un certain nombre de commissaires.
En termes d’équilibres politiques, le Premier ministre luxembourgeois se satisfait également du poids de la famille libérale, à laquelle il appartient, dans la prochaine Commission. Avec deux vice-présidences et trois postes de commissaires pour les libéraux de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), Xavier Bettel estime que l’équilibre politique est atteint. Enfin concernant la nomination controversée du britannique eurosceptique Jonathan Hill comme commissaire chargé de la stabilité financière, des services financiers de l'Union des marchés de capitaux, Xavier Bettel a rappelé que, comme n'importe quel autre commissaire, il devra "engager une politique pour 28 pays et mettre ses intérêts purement nationaux de côté".
De son côté, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn (LSAP, socialiste), a également salué la formation de la nouvelle Commission européenne, jugeant qu’elle mettait davantage l’accent sur les priorités européennes, répondant ainsi aux préoccupations des électeurs du dernier scrutin européen, selon des propos rapportés par le Tageblatt.
Selon Jean Asselborn, tous les partisans d’une Europe intégrée et fonctionnelle sont d’ailleurs convaincus que la Commission devrait être le gouvernement actuel de l'UE, et non le Conseil européen, au sein duquel les chefs d’Etat et de gouvernement ont le dernier mot. Or, le Conseil considèrerait trop de questions à travers le prisme nationaliste et déciderait donc en conséquence.
La nouvelle organisation horizontale est également saluée par le ministre des Affaires étrangères, qui souligne que s’il est trop tôt pour prévoir son efficacité, elle témoigne du fait que la Commission doit fonctionner en collège, être une équipe qui travaille ensemble. La nouvelle Commission Juncker incarnerait ainsi un nouveau dynamisme, a encore dit Jean Asselborn au quotidien Luxemburger Wort.
Le temps des "One-man show", qui caractérisait un certain fonctionnement de la Commission jusqu’à présent selon le ministre, semblerait par ailleurs terminé. Mais si l’organisation voulue par Jean-Claude Juncker traduit donc un renouvellement, il s’agit désormais selon le ministre d’en attendre les premiers résultats.
Par ailleurs, Jean Asselborn se félicite tout particulièrement que le rôle de premier vice-président de la Commission ait été confié à Frans Timmermans. Selon le ministre luxembourgeois, l’ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères jouera un rôle important dans la coordination des travaux de la Commission.
Le ministre Asselborn espère également que les travaux du Conseil des ministres des Affaires étrangères (Conseil "Affaires générales") profiteront de l’expérience de Frans Timmermans pour récupérer un rôle plus important. Dans le passé, la position du Conseil Affaires générale a été affaiblie par le fait que les chefs d’Etat et de gouvernement auraient tendance à reporter systématiquement les décisions importantes pour finalement prendre les décisions définitives dans leurs propres réunions. Avant de souvent faire volte-face en raison d’intérêts nationaux.
La priorité donnée par Jean-Claude Juncker au projet "Un nouvel élan pour l'emploi, la croissance et l'investissement" est par ailleurs considérée de la plus grande importance, selon le ministre Asselborn, cela quelles que soient les personnes impliquées, rapporte encore le Tageblatt. De même, Jean Asselborn se félicite en particulier du lien qui est fait entre la lutte contre le chômage et la croissance ainsi qu’entre la compétitivité et les exigences du dialogue social, selon le Luxemburger Wort.
Selon le ministre, la Commission sera avant tout jugée sur la manière dont le programme d'investissement de 300 milliards d'euros annoncé par Jean-Claude Juncker pour assurer le redressement économique sera mis en place. La Commission devra dans ce cadre répondre à deux questions primordiales : d’où viendra l’argent et comment sera-t-il utilisé ? Le Tageblatt rapporte encore que selon Jean Asselborn, la Commission sera impuissante si les Etats membres ne participent pas financièrement. Et le ministre de souhaiter que l’on mette dans l’UE la même énergie pour la croissance et la prospérité économique, que pour l'austérité, ce qui ne pourra être réalisé que via des investissements, plaide-t-il.
Le ministre luxembourgeois de l’Economie, Etienne Schneider (LSAP, socialiste), a également commenté la présentation de la prochaine Commission européenne, appelant à ne pas préjuger de son travail. "Il faut laisser une chance aux nouveaux commissaires. Beaucoup ne sont connus que par leur nom, désormais ils doivent montrer s’ils seront à la hauteur de leurs tâches au niveau international. Pour cela, cependant, ils ont besoin de temps", a répondu le ministre au quotidien Tageblatt.
Selon Etienne Schneider, le plus grand défi pour la nouvelle Commission sera de veiller à ce que "tous les commissaires unissent leurs forces et travaillent ensemble", ce qui sera la tâche principale de Jean-Claude Juncker. "Je fais confiance à Jean-Claude Juncker en raison de ses longues années d'expérience pour insuffler une attitude constructive entre les commissaires", a-t-il dit au Tageblatt. Etienne Schneider est en outre particulièrement satisfait que le nouveau président de la Commission soit en faveur d’une "ré-industrialisation" de l’Europe. Enfin, sur le choix de confier le portefeuille des Affaires économiques et financières au Français Pierre Moscovici, Etienne Schneider a estimé que la situation économique difficile en France n'est pas la faute du nouveau commissaire qu’il juge "techniquement compétent". Il s’agirait d’abord de lui "donner une chance", a-t-il encore souligné.
Le ministre luxembourgeois du Travail, de l'Emploi et de l’Economie solidaire, Nicolas Schmit (LSAP, socialiste), a lui aussi estimé qu’il fallait laisser une chance à la nouvelle Commission Juncker, dont le travail sera important pour le développement futur de l'Union européenne dans les prochaines années, selon des propos rapportés par le Tageblatt.
Le ministre Schmit soulève néanmoins une série de questions sans réponses à ses yeux, à commencer par le grand nombre de vice-présidents qui seront chargés de coordonner une énorme quantité de travail. Rien que pour le Marché intérieur, pas moins de cinq commissaires seront responsables, dont quatre vice-présidents, relève Nicolas Schmit. Des conflits de compétences seraient également nombreux dans le domaine économique où l’on retrouve trois commissaires responsables de matières économiques, dont deux vice-présidents, tout comme dans le secteur financier notamment. La même confusion existerait toujours selon Nicolas Schmit dans le domaine social pour lequel la commissaire aux affaires sociales, la Belge Marianne Thyssen, sera épaulée de trois vice-présidents également actifs dans ce domaine.
Selon le Tageblatt, Nicolas Schmit s’est dit surpris que le dialogue social ne soit plus de la compétence de la commissaire aux affaires sociales, mais qu’il ait été confié au vice-président aussi chargé de l’euro. Et de s’interroger sur "qui coordonnera les coordinateurs" ainsi que sur l’influence réelle qu’auront les nouveaux commissaires sur leurs administrations (DG, directions générales) respectives ? Pour le ministre du Travail, il sera en tous les cas nécessaire, si l’UE veut réussir à sortir de la crise, de remettre l'économie sur ses pieds, tout en renforçant la dimension sociale dans l'UE.
Quant au député européen vert Claude Turmes, il a réagi via le réseau social Twitter, estimant dans un message daté du 10 septembre que "la fusion des portefeuilles du climat et de l’énergie est un mauvais signal envoyé en vue du sommet climat à Paris en 2015".