Le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté le 10 septembre 2014 la nouvelle organisation de la prochaine Commission et plus particulièrement la répartition des portefeuilles parmi les commissaires désignés par les Etats membres, dont la liste avait été rendue publique le 5 septembre 2014. Il s’agit d’"une équipe forte et expérimentée pour faire bouger les choses", selon le titre du communiqué de presse diffusé à cette occasion.
En conférence de presse, Jean-Claude Juncker a commencé par saluer le travail de son prédécesseur José Manuel Barroso en soulignant qu’il avait dû relever le défi de l’élargissement et avait su accroître en matière politique et financière le pouvoir de la Commission.
Concernant la Commission qu’il préside désormais, Jean-Claude Juncker a fait savoir qu’elle détenait "la dernière chance, de présenter aux citoyens de l’Europe une Union européenne plus grande et plus ambitieuse pour les grands enjeux, plus petite et plus modeste pour les petits dossiers." "Il faut faire mieux, il faut faire moins mais il faut le faire en ayant à l’esprit qu’il faut rapprocher l’UE et donc la commission européenne, des citoyens", a-t-il déclaré. Pour atteindre cet objectif, Jean-Claude Juncker a donné une nouvelle structure organisationnelle à la Commission européenne.
La nouvelle Commission se voit ainsi "simplifiée" pour se concentrer sur les grands défis politiques de l'UE : la lutte contre le chômage par la création d'emplois décents, la promotion de l'investissement, l'accès de l'économie réelle au crédit bancaire, la création d'un marché numérique connecté, la formulation d'une politique étrangère crédible et l'indépendance énergétique de l'UE.
Le nouveau Collège des commissaires sera ainsi composé de sept vice-présidents, dont la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, nommée par le Conseil le 30 août 2014. Jean-Claude Juncker a choisi de confier des missions spécifiques que ces sept vice-présidents "seront tenus de mener à bien".
Chacun d’entre eux sera responsable d'une équipe de projet. Les vice-présidents auront ainsi la charge d'un certain nombre de projets prioritaires bien définis et piloteront et coordonneront le travail d'un certain nombre de commissaires. "Ce ne seront ni des superviseurs, ni des super commissaires", tout comme il n’y aura pas de "commissaires de second rang", a prévenu Jean-Claude Juncker.
Ces équipes de projet reflètent les domaines-clés des orientations politiques de la future Commission, tels qu’ "un nouvel élan pour l'emploi, la croissance et l'investissement", "un marché unique du numérique connecté", "une Union plus résiliente sur le plan de l'énergie" ou encore "une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable".
Selon Jean-Claude Juncker, ce mode de travail devrait permettre une "coopération beaucoup plus poussée" entre les différents domaines de responsabilités, plusieurs commissaires travaillant en étroite collaboration avec les vice-présidents, au sein de formations dont la composition pourra évoluer en fonction des besoins et de la mise sur pied progressive de nouveaux projets. Tous les membres du collège collaboreront ainsi de manière dynamique, en rupture avec les approches figées et cloisonnées traditionnelles, lit-on dans le communiqué de la Commission.
Pour exemple, l’on peut notamment citer l’équipe de projet "Un nouvel élan pour l'emploi, la croissance et l'investissement", dont le chef d'équipe est Jyrki Katainen, vice-président chargé de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité, qui sera donc amené à piloter et coordonner les travaux de plusieurs commissaires dont les portefeuilles sont notamment les suivants: affaires économiques et financières; emploi, affaires sociales, compétences et mobilité des travailleurs; politique régionale; marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME; stabilité financière, services financiers et union des marchés de capitaux; économie numérique et société numérique; action pour le climat et énergie; transports et espace.
Jean-Claude Juncker précise d’ailleurs que dans le nouveau Collège, commissaires et vice-présidents seront mutuellement dépendants. Un commissaire aura en effet besoin de l’appui d’un vice-président pour ajouter une nouvelle initiative au programme de travail de la Commission ou à l’ordre du jour du Collège, ces derniers ayant ainsi "un rôle de filtre stratégique", selon le président élu de la Commission. Parallèlement, un vice-président dépendra des contributions des commissaires de son équipe de projet pour mener à bien la tâche qui lui est assignée. Chaque membre de la Commission se voit confier un portefeuille, certains portefeuilles étant relativement vastes et de nature horizontale, d'autres étant plus spécialisés. "Tous les membres du Collège devront jouer leur rôle dans cette nouvelle organisation collaborative du travail", dit encore le communiqué de presse de la Commission européenne.
Enfin, la Commission Juncker comprendra un premier vice-président, en la personne de Frans Timmermans, qui sera chargé de l'amélioration de la réglementation, des relations interinstitutionnelles, de l'Etat de droit et de la Charte des droits fondamentaux. Il sera le bras droit du président : il sera notamment chargé de veiller à ce que toute proposition de la Commission respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité. En tant qu'adjoint du président, il supervisera les relations de la Commission européenne avec les autres institutions européennes et suppléera ce dernier le cas échéant. Il aura un accès direct à toutes les directions générales.
Jean-Claude Juncker accordera d’ailleurs une attention particulière à l'avis du premier vice-président ainsi qu’à celui de la vice-présidente pour le budget et les ressources humaines, Kristalina Georgieva pour ce qui est de la présentation de nouvelles initiatives de la Commission, cela compte tenu de la priorité spécifique donnée au programme "Mieux légiférer" (dit programme REFIT) ainsi qu’aux contraintes budgétaires.
Pour composer son équipe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a dû tenir compte d’équilibres politiques, géographiques et de genre à la tête de la Commission.
Jean-Claude Juncker se savait attendu sur la question de la représentation des femmes au sein de la Commission européenne. Depuis son élection et les premières tractations, il a souvent été rapporté que le président de la Commission européenne peinait à faire nommer des femmes par les Etats membres. A l’heure de présenter son équipe, ce dernier a rappelé qu’il n’en avait encore que trois à la fin du mois de juillet et qu’il avait dû passer le mois d’août au téléphone pour améliorer ce résultat.
Finalement, elles sont neuf à figurer parmi les 28 commissaires de la Commission Juncker. "Ce n’est pas une avancée pour l’égalité des genres", a admis le président de la Commission européenne, "mais au moins ce n’est pas un pas en arrière, alors que le risque en était grand". La sous-représentation des femmes est compensée par le fait que "trois femmes fortes et compétentes" obtiennent chacune une des sept vice-présidences de la Commission européenne, tandis que les autres femmes sont nommées commissaires à des fonctions importantes, telles que la justice, la compétitivité, l’industrie, l’emploi et les affaires sociales.
Jean-Claude Juncker met par ailleurs en avant les compétences de son équipe, dans laquelle figurent 9 anciens Premiers ministres, 8 membres ayant une connaissance approfondie en affaires étrangères, 11 membres ayant une connaissance solide en matière économique et financière. Il y a huit anciens membres du Parlement européen tandis que 9 commissaires ont pris part activement à la campagne pour les élections européennes et contribueraient ainsi à donner à la Commission une "légitimité démocratique".
Jean-Claude Juncker s’est choisi pour vice-présidents des personnalités qui, soit "ont une invraisemblable expérience en affaires européennes", comme c’est le cas de Frans Timmermans et Kristina Georgieva, soit ont déjà été premier ministre, connaissant ainsi le rôle de "quelqu’un qui coordonne, (…) qui évolue en ayant à l’esprit les grandes priorités gouvernementales".
Du point de vue de l’équilibre politique, il y a 8 commissaires membres des Socialistes et Démocrates (S&D), 14 membres du Parti populaire européen (PPE), 5 de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe (ADLE) et un issu du Groupe des conservateurs et des réformateurs européens (ECR). Jean-Claude Juncker a d'ailleurs fait savoir qu’il considérait les commissaires non pas comme des fonctionnaires mais comme des politiciens et qu’ils doivent ainsi "se considérer comme des personnes portant un projet politique".
Le président de la Commission européenne a également tenu à souligner que "les Commissaires ne sont pas des représentants des intérêts de leur Etat membre". Il considère comme faisant partie de son devoir de veiller à ce que les commissaires ne confondent pas les intérêts d’Etats membres avec ceux de l’UE. "Je serais très regardant", a-t-il prévenu. Faute de quoi, il imposerait au commissaire pris la main dans le sac de changer de portefeuille.
Jean-Claude Juncker a encore fait savoir qu’il entendait "présider collégialement", et être "le grand coordinateur des un peu moins grands coordinateurs", à savoir ses vice-présidents. Paraphrasant De Gaulle, il s’est estimé "trop vieux pour commencer une carrière de dictateur".
Les attributions des 27 commissaires européens, qui oeuvreront sous la présidence de Jean-Claude Juncker (Luxembourg, PPE), sont :
Désormais, l’ensemble du collège des commissaires, y compris le président et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-présidente de la Commission européenne, sera soumis à un vote d'approbation du Parlement européen. Ce vote sera précédé par des auditions des commissaires désignés, par les commissions parlementaires compétentes, conformément à l’article 118 du règlement du Parlement européen. Sur la base de l'approbation du Parlement européen, la Commission est officiellement nommée par le Conseil européen, conformément à l’article 17, paragraphe 7, du traité sur l'Union européenne (TUE).