Principaux portails publics  |     | 

Développement et aide humanitaire - Emploi et politique sociale - Protection des consommateurs - Santé - Traités et Affaires institutionnelles
Commission Juncker – Les organisations non-gouvernementales inquiètes
12-09-2014


image d'illustration du réseau européen anti-pauvretéA l’issue de la présentation de la future Commission européenne par Jean-Claude Juncker le 10 septembre 2014 et désormais dans l’attente des auditions des commissaires désignés et de leur confirmation par le Parlement européen, les réactions ont continué de se multiplier, notamment parmi les organisations non gouvernementales de toutes sortes.

Le Beuc se félicite de la place réservée à la politique des consommateurs mais met en garde contre une potentielle déréglementation contre-productive

Ainsi, du côté du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), Monique Goyens, sa directrice générale, s’est félicitée dans un communiqué diffusé le 10 septembre, de la "place de choix" réservée aux consommateurs dans la nouvelle Commission, ce portefeuille ayant été attribué à Vera Jourova (tchèque), également en charge de la Justice et de l'Égalité des genres.

"Un commissaire spécifiquement dédié aux consommateurs aurait bien sûr notre préférence, mais lier les questions de consommateurs et les questions de justice peut être un gage de succès. Cette combinaison de responsabilités de l'UE aidera à renforcer l'application des droits des consommateurs, ce qui est une priorité absolue pour les organisations de consommateurs", a déclaré Monique Goyens.

Car selon la directrice générale, les consommateurs étant des moteurs de la croissance dès lors qu'ils ont confiance dans le marché, ils devraient être au premier rang des préoccupations de la nouvelle Commission. Le Beuc se veut néanmoins plus circonspect en ce qui concerne la priorité donnée à l'objectif de "Mieux légiférer", s’inquiétant d'une déréglementation potentiellement contre-productive.

"Il est évident que les lois doivent être efficaces, mais soyons clairs: une réduction unilatérale de la charge réglementaire pesant sur les entreprises n'est pas synonyme de mieux légiférer et ne devrait jamais s'exercer au détriment des consommateurs, de l'environnement ou des travailleurs", lit-on dans le communiqué de l’organisation.

Le Beuc regrette encore que, dans la réorganisation des services de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker ait remis les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux, qui dépendent actuellement de la DG Santé et Consommateurs (SANCO), sous la responsabilité des services de la DG Entreprises et Industrie.

 "Les politiques concernant les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux devraient être conçues pour promouvoir et protéger la santé publique alors que la DG Entreprise a pour mandat de promouvoir la compétitivité de ces industries, pas la santé des consommateurs", estime Monique Goyens. Et de souligner que "la politique des consommateurs affecte de nombreux secteurs et questions clés, y compris la sécurité des produits, la protection des données, les dispositifs médicaux et les services financiers" qui seront pourtant affectés à différents commissaires. "Avec cette structure dispersée, il est crucial que la nouvelle commissaire […] devienne le «chien de garde» des consommateurs pour intégrer leurs intérêts dans toutes les politiques de l'UE", conclut-elle.

Les ONG humanitaires appellent à l’indépendance et à la cohérence d’une véritable politique de développement

De l'avis de la Confédération européenne des ONG de secours et de développement (CONCORD) qui rassemble plus de 1 800 ONG, l'indépendance d'une véritable politique de développement et l'amélioration de la cohérence des politiques seront les enjeux majeurs de la future Commission.

"Le futur commissaire au Développement (le social-démocrate croate Neven Mimica, ndlr) aura la lourde responsabilité de garantir que le développement ne deviendra pas le parent pauvre des intérêts de politique étrangère. Il sera donc crucial que les nouveaux commissaires au Développement et à l'Aide humanitaire et la Gestion des crises travaillent en étroite coopération avec la nouvelle Haute représentante de l'UE. Une grande opportunité est offerte d'améliorer la cohérence et la coordination entre les différentes institutions et DG de la nouvelle Commission", a déclaré Sabine Terlecki, responsable de la confédération, selon un communiqué diffusé le 10 septembre.

CONCORD formule aussi l'espoir que le commissaire Mimica, s'il est confirmé dans ses fonctions par le Parlement européen, se révélera "champion" de la promotion du rôle à jouer par les organisations de la société civile et sera un chef de file pour faire de l'UE un acteur influent dans la formulation du cadre universel et durable pour l'après-2015.

La disparition de la mention de l’inclusion sociale du portefeuille des Affaires sociales inquiète le Réseau européen anti-pauvreté

Le Réseau européen anti-pauvreté (EAPN) a pour sa part salué la désignation de Marianne Thyssen comme commissaire en charge des Affaires sociales, l’appelant à défendre une stratégie efficace sur la pauvreté et à mettre en œuvre en priorité un "plan d'action pour limiter l'austérité et promouvoir activement l'investissement social, la protection sociale et l'emploi de qualité", rapporte un communiqué diffusé le 12 septembre.

EAPN se dit cependant préoccupé par la disparition de la mention de l’inclusion sociale dans le titre du portefeuille attribué à la commissaire - emploi, affaires sociales, compétences et mobilité - de même que par l’absence d’une cible de réduction de la pauvreté dans la planification du président Juncker.

"Le changement de titre est très inquiétant", a déclaré Sérgio Aires, le président d'EAPN, qui souligne "qu’il semble confirmer que l'Europe prend le chemin de la croissance et de l’emploi sans tenir compte de la façon dont cela a un impact sur la pauvreté et les inégalités croissantes. 124 millions de personnes vivent actuellement dans la pauvreté ou courent le risque d’y tomber en Europe. Ce doit être une priorité centrale et explicite dans le portefeuille avec une stratégie explicite et une feuille de route pour l'action. Nous appelons le président Juncker et son nouveau commissaire à corriger de toute urgence à cette situation".

Selon EAPN, "une autre grande préoccupation est la participation. Le président Juncker parle de partenaires sociaux, mais que dire des citoyens? Des organisations de la société civile? Nous lui demandons de préciser comment il va promouvoir le dialogue avec les personnes qui sont les premières victimes des politiques d'austérité actuelles".

L'intérêt général subordonné à la quête de profits, selon l'Alliance européenne pour la santé publique

L'Alliance européenne pour la santé publique (EPHA) s’est pour sa part inquiétée du transfert de la responsabilité des produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux de la DG Santé et Consommateurs vers les services de la DG Entreprises et Industrie, estimant que "cette décision porte atteinte au collège des commissaires et qu’elle va approfondir le fossé entre les institutions et les gens ordinaires".

L'Alliance souligne par ailleurs que cette décision menace la capacité de l'Europe à se préparer à des crises sanitaires majeures, comme les éclosions de maladies infectieuses et les menaces pour la santé liées au changement climatique, tout en subordonnant l'intérêt public à la quête de profits dans les procédures d'autorisation des médicaments.

L’EPHA rappelle que les technologie de la santé et la politique pharmaceutique avaient été transférées à la commissaire à la Santé en 2009 pour, entre autres raisons, faciliter la planification d'urgence (en réponse à l'émergence de la grippe H1N1 et la prétendue incapacité de la DG Entreprise de fournir le leadership et la coordination des vaccins nécessaire) et à harmoniser la gouvernance pharmaceutique entre les Etats membres, qui gèrent tous la politique pharmaceutique dans leurs ministères de la Santé.

"C'est un désastre potentiel. Le président Barroso a pris la décision de renforcer la capacité de l'Europe face à des pandémies, et de mettre la Commission européenne en ligne avec les gouvernements nationaux. Il est décevant que le président élu Juncker estime que ces objectifs se placent à une pâle deuxième place pour apaiser les grandes entreprises", a déclaré Peggy Maguire, président de EPHA. "Il envoie un mauvais message à l'époque où l'Europe est très critiquée: le collège des commissaires doit travailler dans l'intérêt des citoyens et non de maîtres corporatistes anonymes", a poursuivi Peggy Maguire.

Et de rappeler encore que la politique pharmaceutique fait partie intégrante de l'élaboration des politiques de santé publique. Les médicaments constituent une part importante des mesures de prévention et de traitement et sont donc d'une importance clé dans la protection de la santé. L'accès à des médicaments sûrs, efficaces et de haute qualité, accompagnés par une information indépendante et impartiale pour les patients, est une exigence minimale pour les systèmes de santé durables. "Le président élu Jean-Claude Juncker, le collège des commissaires, le Parlement européen et les ministres européens de la Santé doivent tous soutenir une approche globale, cohérente de la santé qui agit dans l'intérêt public", conclut l’EPHA.