Le 11 septembre 2014, la Commission européenne a publié comme chaque année deux rapports sur la compétitivité industrielle dans l’UE qui se proposent "de fournir des indicateurs fondés sur des données probantes et qui faciliteront l’élaboration des politiques au niveau de l’UE et des États membres."
Le premier rapport, intitulé "Soutenir la croissance des entreprises" (Helping Firms Grow), présente une évaluation quantitative des performances compétitives des industries de l’UE et apporte des réponses empiriques à des questions importantes dans le débat sur la politique industrielle.
Le deuxième rapport, intitulé "Réindustrialiser l’Europe" (Reindustrialising Europe), livre une évaluation, fondée sur des indicateurs, de l’application de la politique industrielle à l’échelle de l’UE et des États membres, avec une ventilation par pays.
La conclusion des deux rapports est selon le communiqué de la Commission que "malgré les difficultés économiques actuelles, l’industrie manufacturière de l’UE possède un certain nombre d’atouts concurrentiels qui devraient être mieux exploités afin de stimuler la croissance économique." Et elle ajoute : "Néanmoins, pour éviter un blocage de la croissance, l’UE et les États membres doivent s’attaquer sans délai à un certain nombre de points préoccupants: l’investissement, l’accès au financement, l’administration publique, l’accès aux marchés étrangers, l’innovation ainsi que les prix de l’énergie."
La Commission distingue quatre groupes d’Etats membres en termes de performances et de progression éventuelle dans le domaine de la compétitivité :
A noter qu’en 2013, le Luxembourg figurait parmi les Etats membres affichant une compétitivité forte et en voie d’amélioration. Il figure maintenant dans le groupe des États membres affichant une compétitivité forte, mais en stagnation ou en déclin.
Le Luxembourg fait également partie d’un groupe d’Etats membres qui ont vu la part de l’industrie manufacturière dans leur PIB baisser plus que la moyenne UE qui est de 0,7 %. Font aussi partie de ce groupe de pays la Finlande, Malte, la Suède, la Belgique, Chypre, l’Italie, la France, la Slovaquie, le Danemark et le Royaume Uni.
Dans l’ensemble, les atouts concurrentiels de l’UE dans le secteur manufacturier demeurent intacts:
Les exportateurs européens sont ainsi mieux placés dans la plupart des secteurs de l'industrie manufacturière Ils disposent d'avantages comparatifs dans la plupart des secteurs manufacturiers, y compris ceux à forte intensité technologique, comme l'industrie des produits pharmaceutiques, ou ceux caractérisés par une intensité moyenne - forte, par exemple les secteurs des produits chimiques, des machines et équipements, des véhicules à moteur et d'autres matériels de transport.
La valeur ajoutée par l'Union aux produits manufacturés qu'elle exporte est de l'ordre de 85 %, un chiffre comparable à la part des intrants nationaux dans les exportations japonaises ou américaines de ces mêmes produits. La part des intrants nationaux dans les exportations chinoises ou sud-coréennes est beaucoup plus faible, car les biens exportés de ces pays dépendent davantage de biens intermédiaires et services étrangers, dont plus de 5 % proviennent de l'Union européenne.
Les États membres de l’UE ont également mis en œuvre une série de stratégies visant à accroître la compétitivité depuis le début de la crise en 2008.
La réalisation des objectifs de réindustrialisation reste néanmoins incertaine. Les objectifs de réindustrialisation fixés pour 2020, à savoir une industrie manufacturière représentant 20 % du produit intérieur brut (PIB), des dépenses de recherche et développement atteignant 3 % du PIB et une formation brute de capital fixe égale à 23 % du PIB, sont loin d’être atteints. La part de l'ensemble de l'industrie manufacturière n'était plus que légèrement supérieure à 15 % du PIB en 2013 alors qu'elle se situait à 18,5 % en 2000. Le recul de l’industrie au cours des vingt-cinq dernières années est entre autres imputable à la baisse des prix des biens manufacturés par rapport à ceux des services. Ce résultat est la conséquence d'une augmentation plus forte de la productivité dans l'industrie manufacturière.
Depuis 2008, l’industrie manufacturière a par ailleurs perdu 3,5 millions d’emplois et la pression de la concurrence externe sur les prix a entraîné une contraction des marges dans certains États membres. La dynamique d’investissement a été freinée par la baisse de la demande et de la disponibilité des crédits.
La reprise dans l'Union européenne a été lente. Alors que la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, l'Estonie et d'autres ont déjà retrouvé et dépassé les niveaux les plus élevés de production enregistrés dans l'industrie manufacturière avant la récession, la plupart des États membres produisent toujours moins qu'avant la crise, certains pays, notamment la Grèce et Chypre, ne décollant pas, ou que très peu, du niveau le plus bas atteint depuis le début de la récession.
L’analyse des données émanant des deux rapports conduit la Commission à enjoindre les Etats membres à "envisager d’éventuelles mesures" dans plusieurs domaines.
Dans ses conclusions sur le Luxembourg, le rapport 2014 sur la compétitivité des États membres atteste au Grand-Duché de bonnes performances générales en termes de compétitivité. Comme en 2013, il dit que "le rapport coût-compétitivité de l’économie reste le principal des défis à moyen et long terme du Luxembourg". Et si les conclusions n’évoquent plus directement l’évolution salariale élevée et une croissance lente de la productivité, ces éléments ont leur place dans le texte, et sont mises directement en relation avec l’autre problème évoqué par les conclusions : "la constante détérioration de la balance commerciale", même si celle-ci est compensée par celle des services. Selon le rapport, le déficit commercial reflète "une perte structurelle de compétitivité-coût" qui a "conduit entre 2002 et 2012 en tant que résultat d’une hausse des salaires et d’une productivité lente (sluggish dans le texte, ndlr) à une hausse du coût salarial unitaire 1,5 fois plus rapide que dans l’UE15 et 4 fois plus rapide qu’en Allemagne, érodant ainsi la position compétitive du pays".
Les conclusions disent également que "l’écosystème luxembourgeois de recherche et d’innovation reste très faible, avec ses composantes publiques qui ne sont pas encore en mesure de jouer un rôle décisif pour favoriser une croissance basée sur l’innovation», et cela malgré les efforts entrepris par les autorités publiques. Le rapport parle de déconnexion entre le système de recherche publique et le secteur privé, dont les investissements en R&D sont tombés de 1,53 % du PIB en 2000 à 1 % en 2012.
En termes d’emploi, la situation des travailleurs peu qualifiés, en particulier les migrants et les jeunes, reste préoccupante selon le rapport qui recommande en des termes pratiquement identiques à ceux de 2013 une participation plus large des adultes à l’éducation tout au long de la vie pour affronter le "chômage structurel du pays", tout en soulignant "les très nombreuses initiatives dans ce sens de la part du gouvernement et du secteur privé".
Autre point difficile : "le Luxembourg continue d’être confronté au défi d’atteindre ses objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre".
La Commission mise sur le fait que les résultats de ces rapports seront utilisés dans l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes au niveau européen et national. Ils viendront alimenter les discussions du Conseil "Compétitivité" des 25 et 26 septembre 2014 ainsi que les recommandations de la Commission sur les politiques de réforme budgétaire et structurelle des États membres au cours du processus du semestre européen 2015.
Dans son mémo sur le rapport sur les Etats membres, la Commission explique que "s’il est important d’empêcher l’industrie manufacturière de décliner, c’est parce qu’elle joue un rôle capital dans la prospérité économique de l’Union." Et d’ajouter : "L’industrie représente plus de 80 % des exportations, de la recherche privée et de l’innovation en Europe. Elle fournit près d’un quart des emplois du secteur privé, faisant souvent appel à de la main-d’œuvre hautement qualifiée, et chaque emploi créé dans l’industrie manufacturière génère à son tour entre 0,5 et 2 emplois dans d’autres secteurs."