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Le bilan de la compétitivité industrielle dans l’UE est mitigé selon deux nouveaux rapports présentés par la Commission européenne
25-09-2013


Le commissaire européen en charge de l'industrie Antonio Tajani devant les courbes qui montrent la baisse de la compétitivité industrielle dans l'UE, le 25 septembre 2013La Commission européenne a présenté, le 25 septembre 2013, deux rapports sur la compétitivité industrielle, d’une part des Etats membres et d’autre part des industries européennes. Ces analyses doivent préparer le terrain du Conseil "Compétitivité" des 26 et 27 septembre qui lancera le débat politique en vue du Conseil européen de février 2014 consacré à la compétitivité industrielle et à la croissance. Mais elles mettent en évidence un bilan jusqu’à présent mitigé en la matière pour l’Union européenne.

Si  les deux rapports indiquent "que les États membres ont progressé dans l'amélioration de l'environnement des entreprises, des exportations et de la durabilité", la Commission précise que de nombreux problèmes subsistent. La stratégie de réindustrialisation de l’Europe, présentée par la Commission le 10 octobre 2012 et qui se donne pour objectif de porter la part de l’industrie manufacturière de 15 % du PIB de l’Union à 20 % d’ici à 2020, peine à porter ses fruits.

Le constat est en effet contrasté selon le vice-président de la Commission et commissaire chargé de l’industrie et de l’entrepreneuriat, Antonio Tajani, qui présentait les deux rapports à Bruxelles. "En dépit d’une timide amorce de relance, l’UE n’est pas encore parvenue à s’extraire de la crise. Bien que le secteur manufacturier se redresse pour le deuxième mois consécutif, grâce à l’évolution positive des exportations, l’érosion de la base industrielle se poursuit", a-t-il déploré.

En un an, la part de l’industrie dans le PIB européen a reculé 15.5 % en 2012 à 15,1 %. Or, précise la Commission, celle-ci est à l'origine de 80 % des innovations d'origine privée, représente 75 % des exportations et joue un rôle de premier plan dans la création d'emplois.

La situation sur le marché du travail est d’ailleurs jugée encore plus "dramatique" par le commissaire Tajani, qui a rappelé que dans les Etats membres du sud de l’UE, les taux de chômage, en particulier des jeunes, étaient de près de 50 %. "Pour renverser cette tendance, il faut une reprise beaucoup plus forte. Or, contrairement aux États-Unis, l’UE est encore loin d’avoir retrouvé les niveaux antérieurs à la crise", a poursuivi Antonio Tajani qui a estimé que "l’économie européenne avait besoin d’une base industrielle solide pour réaliser les objectifs d'Europe 2020".

Compétitivité en baisse

En termes de compétitivité, les résultats présentés concordent avec le rapport sur la compétitivité globale du Forum économique mondial publié début septembre 2013. Ce dernier mettait en évidence un recul général des économies des États membres de l’UE en la matière, attribué aux "efforts déployés pour lutter contre l’endettement [qui] ont probablement détourné l’attention des problèmes liés à la compétitivité", a commenté le commissaire en charge. Celui-ci a par ailleurs insisté sur le fait que les deux nouveaux rapports "montr[ai]ent que la crise trouve son origine dans le creusement de l’écart de compétitivité entre les économies européennes".

Le premier rapport sur le niveau de compétitivité industrielle des États membres met en effet en évidence quatre groupes qui présentent de nombreuses différences parmi les Etats membres:

  • celui des pays à forte compétitivité parmi lesquels l’Allemagne, le Danemark, la Suède, l’Autriche et le Luxembourg;
  • celui des Etats qui présentent un niveau supérieur à la moyenne de l’UE (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Finlande, France et Espagne), mais qui doivent encore faire des réformes selon la Commission;
  • celui des pays dont la compétitivité se situe dans une fourchette moyenne à inférieure (Italie, Chypre, Portugal, Slovénie, Malte et Grèce) et dont la situation n’évolue guère et enfin;
  • les Etats à faible compétitivité (Estonie, Pologne, Slovaquie, République tchèque, Croatie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Bulgarie), mais dont la Commission juge qu’ils sont en progrès.

Des disparités qui seraient à la base de l’érosion de la compétitive européenne, "la convergence entre les pays à l'industrie la plus compétitive et ceux qui présentent des performances moyennes [étant] à l’arrêt" selon la Commission, mais pas uniquement.

Des faiblesses…

Selon les  rapports sur la compétitivité industrielle des Etats membre et des industries européennes, les principaux points faibles sont les suivants:

  • La difficulté d’accès aux financements et la baisse des investissements, qui constituent "d'importants obstacles dans la quasi-totalité des États membres" alors que "la demande intérieure reste anémique", selon Antonio Tajani. Depuis 2007, les investissements ont ainsi chuté de 350 milliards d’euros (tombant de 21,1 % à 17,7 % du PIB), a-t-il ajouté. "En 2001, l’UE attirait 45 % du total des investissements étrangers. Aujourd’hui, ce pourcentage avoisine les 20 %.";
  • les prix élevés de l’énergie, en hausse dans presque tous les Etats membres pour avoisiner désormais "respectivement, le double et le triple de celui des États-Unis et de la Chine" ce qui pose "un sérieux problème à l'industrie";
  • et l’efficacité des administrations publiques, qui dans certains Etats membres "doit être considérablement amélioré, de même que le lien entre l'enseignement et les entreprises. Des efforts supplémentaires doivent être consentis pour encourager l'innovation et commercialiser ses résultats", analyse encore la Commission.

Ces facteurs négatifs seraient ainsi à l’origine de la dégradation de la situation dans deux domaines jugés vitaux pour la compétitivité: la productivité et l’emploi, deux domaines où l’UE est en recul par rapport aux États-Unis et au Japon.

Selon les chiffres présentés par la Commission, le niveau de productivité moyen de l’UE continue à se détériorer. Il se situe à 126, contre 132 au Japon et 135 aux États-Unis. En termes de  chômage également, la situation "est encore plus défavorable" pour le commissaire Tajani. Son taux est de 7 % aux USA, de  3.8 % au Japon contre 11 % dans l’UE.  L’industrie serait d’ailleurs la première touchée. Elle a perdu plus de 3,8 millions d’emplois depuis 2008.

… et des forces

Les rapports relèvent néanmoins également divers points positifs dans l’évolution industrielle européenne:

  • les exportations, principal moteur de l’activité industrielle selon la Commission, sont en hausse. En 2012,  l'UE a dépassé les États-Unis et le Japon enregistrant un excédent commercial de 365 milliards d’euros en 2012;
  • les performances en matière d’innovation se sont améliorées depuis 2008, bien que l’UE reste encore en-deçà des performances des Etats-Unis. "L’Europe ne dépasse les USA de peu que dans trois des huit secteurs clés pour la course mondiale au leadership technologique et commercial: l’industrie aérospatiale, l’industrie pharmaceutique et les équipements de télécommunication. Dans les secteurs de la biotechnologie, des équipements informatiques, de l’internet, des semi-conducteurs et des logiciels, les États-Unis ont plusieurs longueurs d’avance sur nous", a jugé le commissaire en charge;
  • l'environnement des entreprises s’est amélioré dans la plupart des États membres, une réalité cependant commune au reste du monde, soulignent les rapports;
  • enfin, la plupart des États membres ont amélioré le socle de compétences de leur main-d’œuvre.

Recommandations contre une désindustrialisation des Etats membres

Les résultats des deux rapports ont ainsi poussé le commissaire Antonio Tanjani à parler d’un "processus de désindustrialisation en cours dans la plupart des Etats membres".  "Malgré l’action vigoureuse entreprise par la Commission dans le cadre d’Europe 2020 pour relancer la compétitivité et en dépit des réformes engagées par beaucoup d’États membres, il subsiste encore de profonds déséquilibres structurels. L’écart de productivité reste profond, certains États membres pâtissant d’une fiscalité pénalisante, d’une administration publique inefficace ou de délais de justice trop longs, sans parler de la faible capacité d’innovation, des coûts de l’énergie ou de l’inadéquation des infrastructures", poursuit le communiqué de la Commission.

Les rapports émettent donc une série de recommandations afin de "libérer le potentiel industriel". Ils préconisent ainsi de faciliter les activités courantes des entreprises (relations avec l’administration); de réduire les coûts de production (énergie, matières premières, etc.); d’améliorer l'accès des entreprises, notamment les PME, aux marchés financiers et aux marchés de capitaux, qui doivent s’ouvrir davantage; de faciliter les investissements dans les nouvelles technologies et l’innovation, en mettant notamment l’accent sur les six domaines prioritaires définis dans la communication de 2012 sur la politique industrielle; et enfin de veiller à ce que les compétences et la disponibilité de la main-d’œuvre européenne soient en adéquation avec les besoins de l’économie du XXIe siècle (recherche et formations "proches du marché").

Selon le commissaire Tanjani, les pistes d’actions sont donc connues, mais "répéter comme un mantra la nécessité de réformes que nous attendons parfois depuis dix ans ne nous fera pas progresser. Je voudrais donc aujourd’hui insister avec force sur la gouvernance qui permettra de leur donner corps", a-t-il déclaré. En vue du premier Conseil européen consacré à l’industrie en février 2014, il a appelé à la mise en œuvre d’un véritable "pacte pour l’industrie qui, dans le cadre d’Europe 2020, permettra d’accélérer – tant au niveau de l’UE qu’au niveau national – le processus de réforme indispensable pour attirer de nouveaux investissements industriels". Ce pacte est actuellement en cours de définition selon le commissaire.

Les chiffres au Luxembourg

Pour ce qui est du Luxembourg, le rapport juge que le pays est bien placé dans l’UE en termes de compétitivité globale, mais il  souligne également des faiblesses. "Le rapport coût-compétitivité de l’économie reste le principal des défis à moyen et long terme du Luxembourg, en raison d’une évolution salariale élevée et d’une croissance lente de la productivité", peut-on lire dans le document de la Commission.

Le coût élevé du travail, qui augmenterait d’ailleurs plus vite que dans les pays voisins, surtout dans l’industrie manufacturière, est ainsi pointé du doigt de même que la dépendance des services financiers, "premier moteur de croissance des décennies passées", même si le rapport souligne "de bon progrès vers une économie plus diversifiée et axée sur la connaissance". Mais de préciser encore que le développement d’une stratégie de spécialisation intelligente pourrait encourager un meilleur financement de la recherche et de l’innovation.

En termes d’emploi, la situation des travailleurs peu qualifiés, en particulier les migrants et les jeunes, reste préoccupante selon le rapport qui recommande une participation plus large des adultes à l’éducation tout au long de la vie pour affronter le "chômage structurel du pays".