Le comité central de l’OGBL qui a réuni le 16 septembre 2014 les responsables du syndicat, aura été l’occasion de faire le point sur l’actualité économique et sociale luxembourgeoise et de mettre en avant les craintes du syndicat quant à des politiques qui pourraient mettre en péril la timide reprise économique qui semble s’annoncer.
Le président de l’OGBL, Jean-Claude Reding a ainsi tout d’abord dressé un état des lieux de la situation économique et sociale, rappelant qu’une série d’institutions (FMI, OCDE) avaient annoncé au printemps 2014 une embellie économique. Une amélioration déjà saluée par le syndicat en juillet, "mais qui soulevait cependant un certain nombre de questions", a-t-il souligné.
Jean-Claude Reding cite ainsi une étude de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon laquelle les risques de stagnation, de déflation et de récession persistent car la reprise serait avant tout technique et resterait menacée par les politiques d’austérité budgétaire. Ces politiques "sont d’un côté centrées sur l’élimination des dépenses, sur le 0 déficit et la diminution de la dette, et de l’autre sur des réformes structurelles qui ont pour objectif de freiner l’évolution des dépenses publiques et des salaires", souligne le président de l’OGBL qui voit là "un dangereux mix" à même de peser sur la reprise.
Pour ce qui est des prévisions de croissance pour 2014 dans la zone euro, qui ont été revues à la baisse pour passer de 1,2 % à 1 %, voire sous cette barre selon l'institut statistique luxembourgeois, le Statec, "on peut se demander ce qui s’est passé", s’interroge Jean-Claude Reding qui conteste l’explication "avancée par certains" selon laquelle la remontée serait une conséquence de l’efficacité des politiques d’austérité et des économies réalisées.
"Si l’on lit les textes de la Commission européenne, il est dit que ce n’est pas vrai", poursuit le président de l’OGBL qui précise que l’institution avance une autre explication, celle de la diminution de la pression sur le pouvoir d’achat dans le monde, voire une augmentation des salaires réels, comme en Allemagne notamment "après des années d’évolution négative".
La tendance serait également positive dans des secteurs industriels d’exportation comme la sidérurgie. "Si le discours selon lequel les pays qui freinent leurs dépenses et l’évolution des salaires sortaient gagnant était vrai, alors le Luxembourg devrait avoir énormément gagné par rapport à l’Allemagne", poursuit-il.
Autre explication de la reprise contestée par le syndicat, celle qui voudrait qu’elle soit issue d’un sursaut du commerce international. "C’est faux, le commerce international reste sous son niveau de 2008-2009, donc la progression est en réalité très lente", estime Jean-Claude Reding, qui dénonce par ailleurs la volonté affichée tant par la Commission européenne que par le Conseil de mettre l’accent sur la compétitivité dans le commerce international afin d’être gagnants dans ce domaines. "Le problème est que lorsqu’il n’y a rien à gagner, au final on aura fait beaucoup d’efforts pour rien", juge-t-il.
Sur la question de l’endettement, Jean-Claude Reding a tenu à rappeler que c’est avant tout l’endettement privé, notamment celui des ménages, qui reste "extrêmement élevé". Par ailleurs, si l’endettement des entreprises ne semble pas inquiétant, le président de l’OGBL appelle à faire la différence entre celles issues du secteur financier et les autres. "Dans le secteur financier, elles ont diminué ce qui n’est pas étonnant vu que les Etats ont dû sauver les banques, mais dans les autres secteurs, elles sont très élevées", poursuit-il, s’inquiétant des conséquences potentielles d’une telle situation. L’OGBL conclut donc à l’échec des politiques d’austérité.
Pour ce qui est précisément du Luxembourg, dont les prévisions de croissance sont de 2,9 % selon le Statec et de 2,6 % selon la Commission, ce qui est "loin d’être mauvais" selon Jean-Claude Reding, l’OGBL s’étonne des recommandations adressées au Luxembourg par la Commission européenne et le Conseil le 2 juin 2014 dans le cadre du Semestre européen 2014.
"L’analyse dit que la situation économique luxembourgeoise va encore s’améliorer en 2015 en raison de la croissance de la demande intérieure", ajoute le responsable syndical. Cependant, malgré cet horizon positif, les recommandations adressées au Luxembourg appellent à davantage d’efforts, et sont donc jugées par l’OGBL "en contradiction avec l’analyse qui dit que la croissance est tirée par la demande intérieure", cela alors que le Luxembourg respecte par ailleurs tous les critères de convergence économique.
Ainsi le Luxembourg se voit-il conseiller d’augmenter le volume de l’imposition indirecte - ce qui peut être traduit selon Jean-Claude Reding par l’abandon des taux de TVA réduit et super-réduit – et de diminuer les pensions de retraite ou encore de réformer l’enseignement et la formation professionnelle pour lutter contre le chômage, ou aussi de baisser le coût salarial, "cela sans distinction aucune parmi les secteurs", déplore le président de l’OGBL.
"On parle également d’activer les chômeurs ce qui signifie en réalité que les prestations de chômage sont considérées trop attractives et qu’il faut donc les réduire pour que les gens s’activent", s’insurge Jean-Claude Reding selon lequel cette discussion serait justifiée avec des taux de chômage de 3 - 4 % mais est inacceptable dans la situation actuelle de chômage massif.
"En résumé, nous avons actuellement une reprise qui est en danger et l’approche des institutions européennes est loin d’être à la hauteur. Même la BCE dit qu’il faut faire attention et a mis en place des mesures que l’on ne l’aurait jamais imaginées voir prendre il y a quelques mois, notamment lorsqu’elle recommande d’augmenter les salaires plutôt que de les bloquer", dit encore le responsable de l’OGBL.
Le syndicat demande donc au gouvernement luxembourgeois, qui présentera son budget 2015 le 15 octobre 2014, de ne pas suivre les recommandations du Semestre européen. Il se dit par ailleurs curieux de voir l’approche de la nouvelle Commission qui prendra ses fonctions le 1er novembre, devait-elle être confirmée par le Parlement européen. "Cela ira vite car les analyses macro-économiques des Etats membres se déroulent en novembre – décembre", poursuit le président qui rappelle d’ailleurs que le choix des paramètres à étudier dans ce cadre n’est pas neutre.
Enfin, répondant à une question de la presse relative aux récentes déclarations de l’Eurogroupe et du Conseil ECOFIN informels selon lesquelles la fiscalité sur le travail devait être réduite, Jean-Claude Reding a estimé que la pression fiscale sur le travail était "parmi les plus faibles" au Luxembourg et qu’en conséquence, "la question ne se pose pas".