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Economie, finances et monnaie
Un rapport de l’Autorité bancaire européenne révèle comment certaines banques contournent la législation européenne sur le plafonnement des bonus des cadres dirigeants des banques
15-10-2014


European Banking Authority, EBAL’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié le 15 octobre 2014 un rapport dans lequel elle analyse la manière dont la directive 2013/36/UE dite Capital Requirements Directive ou CRD IV est appliquée en ce qui concerne les politiques de rémunération menées par les instituts de crédit et les compagnies d’investissement de l’UE en matière de bonus ou rémunérations variables versés aux cadres dirigeants.

La nouvelle règle, adoptée au printemps 2013 et entrée en vigueur début 2014, plafonne les rémunérations variables ou bonus des banquiers à 100 % du montant de leur rémunération fixe, et à 200 % en cas de décision exceptionnelle des actionnaires. Ces mesures avaient été prises après les scandales qui ont émergé lors de la crise financière internationale, les rémunérations variables ayant été identifiées comme des incitants à des prises de risque spéculatives qui ont mis en danger l’existence, voire causé la faillite de différents établissements financiers, et eu des effets de contamination sur les marchés financiers et les dettes publiques.

L’enquête de l’ABE a porté sur 39 banques sur base des données livrées par les autorités de surveillance nationale des 28 Etats membres de l’UE. Elle révèle que dans six Etats membres, des primes appelées "role-based allowances" ou "market-value allowances" ont été payées à des dirigeants de banques et présentées comme des rémunérations fixes, ce qui a permis à ces institutions de dépasser le plafond des bonus fixé par la nouvelle directive CRD IV.

Suite à cela, l’ABE a émis un avis à l’adresse de la Commission européenne et des autorités compétentes afin que les autorités nationales de surveillance veillent à ce que les pratiques en matière de primes ou rémunérations variables soient en conformité avec la législation européenne.          

En effet, dans la plupart des cas analysés par l’ABE, les rémunérations fixes des cadres dirigeants ont été augmentées et des primes discrétionnaires appelées "role-allowances" ont été introduites qui selon l’autorité ont un impact sur le plafonnement du ratio entre rémunération fixe et variable telle qu’il est prescrit par la directive CRD IV. Autrement dit, les règles de la nouvelle directive sont contournées.

Le rapport décline les caractéristiques de ces primes. Elles sont présentées comme une rémunération fixe additionnelle, mais ne sont pas intégrées dans le salaire de base et ne sont pas pensionnables. Elles sont accordées pour une période limitée. Elles sont liées à un rôle, à des responsabilités et à l’ancienneté dans l’entreprise. Elles ne sont pas explicitement liées à des performances. Elles sont aussi destinées à empêcher le départ de l’entreprise. Elles sont versées à un nombre limité et identifiable de cadres dirigeants et sont régulièrement revues. Elles dépassent les 100 % du salaire de base. Elles sont versées de manière discrétionnaire et peuvent donc varier à la hausse ou à la baisse. Elles sont payées en partie ou entièrement par des instruments financiers et soumis à des périodes de rétention. La plupart de ces caractéristiques sont considérées par l’ABE comme étant celles de rémunérations variables. 

Pour être considérées comme des éléments d’une rémunération fixe, ces primes devraient être permanentes et liées explicitement et de manière transparente à un rôle de responsable dans l’institution financière. Elles devraient être fixées par contrat, non-discrétionnaires et non-révocables. Ce qui n’est pas le cas. Elles ne sont donc pas conformes selon l’ABE à la directive CRD IV. Partant de là, l’ABE exige que les institutions financières qui recourent à ce genre de primes changent leurs politiques de rémunérations et rétablissent le ratio exigé par la directive CRD IV entre les composantes fixes et variables des rémunérations de leurs cadres pour être en conformité avec la loi. D’autre part, les autorités de surveillance de l’UE et des Etats membres qui ont connaissance de "role-allowances" qui correspondent aux caractéristiques analysées dans le rapport devraient "prendre des mesures de surveillance appropriées qui reflètent les résultats de l’enquête et de l’avis de l’ABE". Cela afin "d’être sûr que ces institutions ne contournent pas le plafonnement des bonus et d’autres exigences inscrites dans la directive CRD IV". Ces mesures devraient être prises d’ici le 31 décembre 2014.

L’ABE produira, au plus tard mi-2015, un guide détaillé sur les politiques de rémunération dans le secteur bancaire qui devrait déboucher sur un outil de régulation plus détaillé.

Le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services financiers, Michel Barnier, a salué les conclusions de l'ABE. Les primes visées prouvent que les banques n'ont pas tiré toutes les leçons de la crise financière, a-il fait savoir. "Le respect à la fois de la lettre et de l'esprit de la loi  est un préalable au retour de la confiance et de la stabilité dans notre système bancaire", a-t-il encore dit. "En clair, il n'y a pas de 3ème catégorie de rémunération : celle-ci est soit fixe, soit variable", a-t-il déclaré dans un communiqué.

A noter que le Royaume-Uni n'a pas accepté la limitation des bonus et a porté l'affaire des bonus bancaires devant la Cour de justice européenne.