Afin de préciser les nouvelles règles de l’UE sur les rémunérations variables (notamment les bonus et les primes) telles que prévues par la directive sur les exigences de fonds propres (CRD IV), la Commission européenne a adopté le 4 mars 2013 un règlement délégué établissant les critères de recensement des catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement financier (dits «preneurs de risques significatifs»). Ces normes techniques règlementaires permettront ainsi de recenser les preneurs de risques dans les banques et les entreprises d’investissement tels que visés par la directive CRD IV et ainsi de mettre concrètement en application les règles relatives au plafonnement des rémunérations variables.
Le 20 juillet 2011, tirant les leçons de la crise financière, la Commission européenne avait proposé un cadre harmonisé en matière de supervision et d’exigences prudentielles afin d’encadrer davantage les quelque 8 000 banques présentes en Europe.
Outre des exigences renforcées en termes de fonds propres, les dispositions de ladite directive, entrée en vigueur le 17 juillet 2013, ont introduit pour la première fois dans l’UE des règles harmonisées applicables au ratio entre les composantes fixes (le salaire) et variables (les bonus et autres primes) de la rémunération totale annuelle pour les preneurs de risques significatifs. Cette limitation des bonus des banquiers et autres preneurs de risques significatifs des entreprises d’investissement était une revendication majeure du Parlement européen qui avait défendu son introduction lors de la négociation de la directive.
Pour mémoire, en vertu de ces dispositions qui ont pris effet le 1er janvier 2014, la composante variable de la rémunération totale ne doit pas excéder 100 % de sa composante fixe (ratio 1:1). Sous certaines conditions les actionnaires pourront néanmoins porter ce ratio maximal jusqu’à 200 % de la composante fixe de la rémunération totale, une décision qui nécessitera les voix d'au moins 65 % des actionnaires détenant la moitié des actions ou 75 % des voix en l'absence de quorum.Ces exigences s’appliquant à tous les membres du personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’établissement concerné, les établissements sont dès lors tenus de recenser, en tout état de cause, l’ensemble de ces preneurs de risques significatifs, en tenant compte de tous les risques pertinents.
"Les normes techniques de réglementation ont été élaborées par l'Autorité bancaire européenne (ABE), et la Commission européenne, en les entérinant, renforce les règles harmonisées applicables à la rémunération du personnel des banques et des entreprises d’investissement dans l’UE. Ces normes établissent, pour toute l'UE, une seule et même méthode de recensement des preneurs de risques significatifs, fondée sur une combinaison de critères qualitatifs et quantitatifs et devant être appliquée par tous les établissements soumis à la CRD IV", détaille le communiqué diffusé par la Commission.
Le règlement délégué adopté par la Commission prévoit que, d'une manière générale, sont considérés comme ayant une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement les membres de son personnel qui remplissent au moins l’un des critères énoncés dans les normes techniques:
Soit l’un des quinze critères qualitatifs simples ayant trait à la fonction (rôle et pouvoir décisionnel) des membres du personnel (par exemple, être membre de l’organe de direction de l’établissement, appartenir à la direction générale de l'établissement, ou avoir le pouvoir d'engager l’établissement de manière significative en termes d'expositions au risque de crédit);
Soit l’un des critères quantitatifs simples ayant trait au niveau de la rémunération totale, en termes absolus ou relatifs, du membre du personnel concerné. À cet égard, un membre du personnel auquel ne s'applique aucun des critères qualitatifs peut néanmoins être considéré comme un preneur de risques significatifs si:
Les normes techniques de réglementation autorisent les établissements à réfuter, dans des conditions très strictes et toujours sous contrôle prudentiel, la présomption selon laquelle certains membres du personnel seraient des preneurs de risques significatifs s'ils sont considérés comme tels uniquement sur la base des critères quantitatifs visés précédemment.
Ainsi, lorsque la rémunération totale accordée est égale ou supérieure à 500 000 euros, l'éventuelle réfutation de la présomption selon laquelle le membre du personnel concerné serait un preneur de risques significatifs doit être notifiée à l’autorité compétente;
Lorsqu’elle est égale ou supérieure à 750 000 euros, ou que le membre du personnel fait partie des 0,3 % des membres du personnel les mieux rémunérés de l'établissement, l’accord préalable de l’autorité compétente est requis;
Lorsqu’elle est égale ou supérieure à 1 million d’euros, l'autorité compétente doit informer l'Autorité bancaire européenne de son intention avant de prendre sa décision.
Dans chaque cas, il reviendra aux seuls établissements d'apporter la preuve que, malgré le niveau très élevé de la rémunération, le membre du personnel en question n'a en réalité pas d'incidence significative sur le profil de risque de l’établissement.
La Commission européenne s’est félicitée, par la voix du commissaire en charge du marché intérieur, Michel Barnier, de l’introduction prochaine des nouvelles règles : "Certaines banques trouvent tous les moyens d'éluder les règles en matière de rémunération. L’adoption de ces normes techniques est une étape importante pour garantir que les dispositions en matière de rémunération de la directive [CRD IV] sont appliquées de façon cohérente dans l’ensemble de l’UE. Ces normes permettront d'identifier clairement les personnes qui sont effectivement visées par les nouvelles règles de l’UE relatives aux primes, ce qui est indispensable si l'on veut éviter que ces règles ne soient détournées."
Le commissaire a par ailleurs prévenu que "la Commission restera attentive à ce que les nouvelles règles soient pleinement appliquées".
Le Parlement européen et le Conseil disposent désormais d’un mois pour exercer leur droit de regard, cette période d’examen pouvant être prolongée de deux mois supplémentaires à leur demande. A son terme, les normes techniques de réglementation seront publiées au Journal officiel de l’Union européenne et entreront en vigueur le vingtième jour suivant la date de leur publication. Comme c'est le cas pour tout règlement de l'UE, leurs dispositions seront directement applicables dès le jour de leur entrée en vigueur.