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Justice, liberté, sécurité et immigration - Traités et Affaires institutionnelles
Audition des commissaires désignés au Parlement européen – Dimitris Avramopoulos, désigné à la Migration et aux Affaires intérieures, s’oppose à l’idée d’une Europe forteresse face au défi migratoire
30-09-2014


Dimitris Avramopoulos, commissaire désigné à la Migration et aux Affaires intérieures, a été auditionné le 30 septembre 2014 par les eurodéputés de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.

Un diplomate de carrière ancien maire d’Athènes et doté d’une solide expérience ministérielle

Dimitris Avramopoulos , 61 ans, est actuellement ministre de la défense grec .

Elu député en 1993 au sein du parti Nea Demokratia, qu’il a un temps été tenté de quitter pour fonder en 2000 un éphémère parti centriste, Dimitris Avramopoulos est depuis 2010 vice-président du parti du Premier ministre conservateur Antonis Samaras.Dimitris Avramopoulos devant les eurodéputés de la commission LIBE le 30 septembre 2014 (c) Parlement européen

Elu deux fois maire d’Athènes (1995-2002), il a une longue expérience ministérielle, puisqu’il a occupé les portefeuilles du Tourisme (2004-2006), de la Santé (2006-2009) et des Affaires étrangères (2012-2013).

Ce diplomate de carrière indique sur son CV qu’il maîtrise l'anglais, le français et l'italien. Il est connu au sein de la classe politique grecque par un discours plutôt modéré.

Les engagements du candidat commissaire Dimitris Avramopoulos

Dans sa lettre de mission à Dimitris Avramopoulos, Jean-Claude Juncker a accordé une place prépondérante aux questions liées aux migrations. Il y insistait notamment sur la mise en place d’une nouvelle politique encadrant les migrations légales, ainsi que sur la nécessité de gérer et sécuriser les frontières de l’Europe. Dimitris Avramopoulos semble conscient de l’importance de sa mission, la politique qu’il va devoir conduire étant à ses yeux "la pierre de touche de la légitimité du projet européen".

Alors que l’actualité fait de son portefeuille un sujet brûlant, c’est sous les traits d’un défenseur de la dignité humaine qu’a voulu se présenter  Dimitris Avramopoulos devant les parlementaires européens. "Le respect des droits fondamentaux sera le principe directeur de mon travail", avait par ailleurs insisté le ministre grec à plusieurs reprises avant cette audition.

La réponse au défi migratoire n’est en rien une "Europe forteresse", a fait valoir le candidat grec au poste de commissaire dès le début de son audition.

Renforcer les voies légales de migration compte parmi les grands engagements de Dimitris Avramopoulos qui plaide pour tenir compte à la fois des impératifs économiques et humanitaires. Il va ainsi notamment étudier les lacunes de la directive "carte bleue", qui vise à attirer les travailleurs hautement qualifiés dans l’UE, mais il entend aussi clarifier les filières légales pour toutes les catégories de travailleurs qui arrivent aux portes du continent. Pour ce qui est du volet humanitaire, Dimitris Avramopoulos plaide pour encourager les voies d’entrée humanitaires par l’instauration de couloirs humanitaires pour les réfugiés qui pourraient se voir délivrer des visas humanitaires dans les consulats et représentations des Etats membres dans les pays tiers et éviter ainsi de risquer leur vie dans des voyages à l’issue incertaine.

Et s’il s’agit de "s’opposer à toute mesure qui ferait de l’UE une forteresse" et de "ne pas avoir peur de la migration", la réponse qu’entend apporter Avramopoulos à la pression migratoire, c’est aussi de traduire en justice ceux qui tirent profit des migrants en détresse et de veiller à ce que les équipes européennes de gardes-frontières sont opérationnelles et que tous les Etats membres y participent.

"Notre objectif doit être la mise en place de frontières communes", a-t-il assuré à l’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel qui interpellait le ministre grec sur la nécessité d’une gestion communautaire des frontières extérieures de l’UE. Le renforcement de l’agence Frontex devrait ainsi faire partie de l’action que veut mener le commissaire désigné qui a appelé à renforcer ses moyens budgétaires, voire ses missions. Il a insisté sur son opposition à tout refoulement, un engagement relevé par les eurodéputés de nombreux partis.

Au cours de son audition, Dimitris Avramopoulos a aussi évoqué une évaluation de "certains aspects" du règlement Dublin II, sans en écarter une possible révision. S’il n’est pas rentré dans le détail, le candidat commissaire s’est montré sensible aux demandes des Etats du Sud qui demandent depuis longtemps une plus grande solidarité à leur égard en appelant notamment à faire preuve de solidarité envers l’Italie.

La deuxième grande priorité du candidat commissaire sera de garantir la sécurité et la sûreté de l’Europe. "L’espace Schengen est le plus grand accomplissement de l’UE : protégeons-le et renforçons le", a-t-il affirmé devant les députés de la commission LIBE. L’enjeu est pour Dimitris Avramopoulos de respecter les droits fondamentaux, et avec eux le principe de libre-circulation des personnes, tout en intensifiant la lutte contre le terrorisme. A ce titre, le problème des "combattants étrangers" est un de ceux mis en avant par le ministre grec qui a promis des "mesures opérationnelles réellement déterminantes dans la lutte contre le terrorisme". Il s’est à ce titre engagé à veiller à ce qu’un éventuel projet de PNR européen, projet rejeté par le Parlement en avril 2013, respecte le principe de proportionnalité et les droits fondamentaux.

Dimitris Avramopoulos s’est par ailleurs engagé à défendre dans le futur collège des commissaires l’idée de proposer des règles communes applicables à la conservation des données suite à l’arrêt de la CJUE invalidant la directive actuelle, un sujet qui est cher au ministre luxembourgeois de la Justice ainsi qu’il en a fait état le 26 septembre dernier. Mais il va s’agir avant cela de trouver un accord sur la réforme de la protection des données, un dossier "essentiel" pour le candidat commissaire qui a insisté sur le caractère horizontal de ce paquet législatif.

Un candidat commissaire plutôt bien reçu

Si le seul eurodéputé luxembourgeois membre de la commission LIBE, Frank Engel (PPE), semblait satisfait de cette audition et des réponses apportées par Dimitris Avramopoulos, il semble en avoir été de même dans la plupart des groupes politiques. Sa famille politique, le PPE, lui a témoigné sa confiance et a salué un candidat bien au fait de ses dossiers.

Claude Moraes , chef de file du groupe S&D au sein de la commission LIBE, l’a lui aussi trouvé "bien préparé et compétent". Birgit Sippel, porte-parole du groupe, estime qu’il "semble avoir compris que tous les instruments de collecte massive de données doivent être vus à la lumière de l’annulation de la directive sur la rétention de données". Pour autant, elle attend de lui des engagements plus clairs pour ce qui est de la révision des instruments comme l’accord SWIFT (TFTP) ou les accords PNR. Pour ce qui est de la promesse de Dimitris Avramopoulos de respecter les droits fondamentaux dans la lutte contre le terrorisme, elle a été entendue et le groupe entend veiller à ce qu’elle soit tenue.

Chez les Verts, Judith Sargentini a elle aussi fait état d’un sentiment assez positif à l’issue de l’audition. Dimitris Avramopoulos a visiblement su toucher ses auditeurs en parlant "avec dignité" des migrants. Evoquant un politicien expérimenté, l’eurodéputée écologiste attend toutefois de voir s’il s’en tiendra à ses déclarations au sujet notamment du règlement Dublin II, de la rétention de données ou de l’accord PNR.

Les plus critiques auront finalement été les députés du groupe GUE/GL, Malin Bjork déplorant ne pas avoir eu de "réponses concrètes" à ses questions tandis que Cornelia Ernst évoquait un personnage sachant ce que les gens ont envie d’entendre.