Les députés de la commission des libertés civiles ont le 24 avril 2013, par une majorité de 30 voix pour et 25 voix contre, décidé le rejet d’une proposition de directive européenne "concernant l’utilisation des données des passagers aériens (PNR pour "passenger name record") pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière". Celle-ci veut introduire dans les Etats membres la collecte et l’utilisation systématique des données de passagers entrant dans l'UE ou sortant de son territoire.
La Commission européenne avait proposé ce projet de directive en février 2011, en remplacement d’une proposition de directive de 2007 que l’entrée en vigueur du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) avait rendue caduque. Le nouveau projet fut proposé pendant les négociations avec les Etats-Unis d’un nouvel accord PNR, finalement signé en octobre de la même année.
La Commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) avait approuvé l’accord PNR avec les USA le 27 mars 2012, par 31 voix pour, 23 contre et une abstention. Trois semaines plus tard, le 19 avril 2012, le Parlement européen s’était prononcé de manière plus nette en faveur de l’accord.
La proposition de directive quant à elle prévoit d’harmoniser les dispositions des États membres faisant obligation aux transporteurs aériens assurant des vols entre un pays tiers et le territoire d’au moins un État membre de transmettre aux autorités compétentes les données PNR. Elle vise la création d’un fichier et affirme garantir un niveau élevé de protection de la vie privée et des données à caractère personnel. Les eurodéputés libéraux, sociaux-démocrates et de gauche de la commission LIBE en ont toutefois jugé autrement et ont fait front pour adopter une résolution de rejet de la proposition par 30 voix contre et 25 pour. Le texte est jugé intrusif par ses opposants notamment parce qu’il prévoit la conservation des données (rendues anonymes à partir du 31e jour) pendant cinq ans, leur centralisation dans un fichier unique et la collecte de dix-neuf informations (données bancaires inclues), afin que les autorités policières puissent les utiliser dans leur lutte contre le terrorisme et la criminalité lourde.
Avant le vote, le rapporteur de la proposition de directive, le conservateur britannique Timothy Kirkhope (ECR) avait estimé "extrêmement importante" une adoption de la directive la plus rapide possible, alors que seize Etats membres sont en train de mettre en place leur propre système PNR. A l’issue du vote, se disant "extrêmement irrité", il a jugé la position de la Commission LIBE "hypocrite", au regard des échanges déjà effectifs avec les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. "Cet accord nous aurait permis de traquer les terroristes, les trafiquants d'êtres humains et les auteurs d'autres crimes graves et il aurait instauré de puissantes protections pour les données sur les passagers", a-t-il déclaré.
A l’instar de l’eurodéputée française Véronique Mathieu, plusieurs eurodéputés PPE agacés ont, après le vote, reproché aux opposants au texte leur laxisme vis-à-vis de la lutte contre le terrorisme. Dans le même registre, Timothy Kirkhope s’est agacé de l’argument élevé par l'eurodéputée libérale néerlandaise Sophie in't Veld (ADLE), selon lequel l’examination de cette proposition de directive ne faisait pas de sens tant que le Paquet Protection des données n’avait pas encore été débattu. "Je ne veux plus entendre un mot de ces justifications (…) atroces", a-t-il dit. "On va attendre la protection des données mais combien de temps ? (…) Entre temps, des gens vulnérables sont soumis à des menaces, subissent des attaques terroristes, criminelles."
"Nous ne nous sommes pas battus afin de garantir le respect de nos droits quand il s'agissait de voter l'accord PNR entre l'UE et les Etats-Unis pour abandonner maintenant au motif que cette proposition s'applique à l'UE", a expliqué l'eurodéputée libérale néerlandaise Sophie in't Veld à l’AFP. "Créer un système européen de données PNR ne doit pas être une excuse pour aller au-delà de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, ni de le transformer en un outil de recherche et de profilage de suspects inconnus", a-t-elle ajouté.
L’eurodéputée socialiste allemande, Birgit Sippel, s’est opposée à une "fureur de collecte des données", comme le rapporte l’agence DPA : "La directive aurait mis les citoyens en bloc sous le soupçon général, sans aucune plus-value identifiable", estime-t-elle. L’eurodéputé allemand vert, Jan Philipp Albrecht, a pour sa part salué une "bonne nouvelle pour l’Etat de droit européen et les droits des citoyens", considérant que la projet de la Commission est "politiquement enterré".
"Certains députés ont exprimé des inquiétudes sur le résultat du vote et ses conséquences sur la politique européenne de lutte contre le terrorisme. Ils ont demandé à se prononcer sur cette question en plénière. D'autres députés ont, au contraire, exprimé leur satisfaction quant à l'issue du vote et ont estimé que la Commission européenne devait présenter une nouvelle proposition", lit-on dans le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen. La proposition est entre les mains de la Conférence des présidents qui doit décider s’il doit être soumis au Parlement européen réuni en plénière.