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Audition des commissaires désignés au Parlement européen – Choisi pour l’Education, la Citoyenneté, la Jeunesse et la Culture, le Hongrois Tibor Navracsics est mis en difficulté par son passé de ministre du gouvernement Orban
06-10-2014


Choisi pour l’Education, de la Citoyenneté, de la Jeunesse et de la Culture, le Hongrois Tibor Navracsics est mis en difficulté par son passé de ministre du gouvernement Orban lors de son audition devant le Parlement (European Union 2014 - Source EP)Désigné aux portefeuilles de l’Education, de la Citoyenneté, de la Jeunesse et de la Culture dans la prochaine Commission européenne, le conservateur hongrois du Fidesz (affilié au PPE), Tibor Navracsics, s’est prêté au jeu de l’audition et des questions-réponses par les députés européens des commissions de la culture et de l’éducation (CULT), de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) ainsi que des pétitions (PETI) du Parlement européen, le 1er octobre 2014.

Une audition tendue lors de laquelle le commissaire désigné à fait face à de nombreuses critiques des députés quant à son passé de ministre de la Justice du gouvernement conservateur de Viktor Orban, alors que la Hongrie s'est illustrée ces dernières années par ses bras de fer avec l'UE pour ses lois très controversées sur les médias et ses réformes de la justice.

Le sort du candidat commissaire s’annonce encore incertain : suite à l’audition, la commission CULT a préféré reporter au 6 octobre sa décision, alors que les groupes ALDE et GUE/NGL et une majorité des députés S&D ont indiqué qu'ils voteraient contre la nomination du Hongrois comme celui des Verts qui assimile cette désignation à une "provocation".

Finalement, Tibor Navracsics s’est vu adresser six questions écrites supplémentaires, dont certaines sur la loi hongroise sur les médias et sa compatibilité  avec les valeurs de l'UE. Mais malgré une prise de distance avec le gouvernement dont il est issu, le Hongrois ne semble pas avoir convaincu les députés de la commission CULT qui s’est prononcée par 14 voix contre, 12 pour et une abstention à la question de savoir si le candidat était "qualifié" pour assumer "les fonctions particulières" qui lui ont été confiées, rapporte l’AFP.

L’Agence France Presse cite des sources européennes anonymes selon lesquelles Jean-Claude Juncker pourrait retirer au candidat le volet "Citoyenneté" de son portefeuille. Du côté de l’agence allemande DPA en revanche, on indique que si les membres de la commission CULT ont rejeté la candidature de Tibor Navracsics comme commissaire en charge de la culture, ils l’acceptent sur le principe comme futur membre de la Commission.

Les priorités du commissaire désigné

Né en 1966 à Veszprém, en Hongrie, Tibor Navracsics est titulaire de diplômes en droit et d’un doctorat en sciences politiques. Entre 2010 et 2014, il fut ministre de l'Administration publique et de la Justice du gouvernement du Premier ministre Viktor Orban. Il était devenu ministre des Affaires étrangères et du Commerce suite aux élections hongroises de 2014.

Lors de son audition – tout comme dans ses réponses écrites aux questions des eurodéputés – Tibor Navracsics a cité six objectifs auxquels il s'attachera prioritairement: une éducation au cœur de la politique européenne pour la croissance et l'emploi ; assurer la prospérité des industries créatives et culturelles à l'ère numérique ; la modernisation des universités européennes ; la lutte contre le chômage des jeunes ; favoriser la participation des jeunes à la vie politique et sociale ; et enfin la revalorisation de la citoyenneté européenne.

Le commissaire candidat a par ailleurs l'intention de s’emparer des thématiques du sport – protection des jeunes athlètes et lutte contre le dopage, les matchs truqués et la violence – et du multilinguisme, celui-ci promettant de promouvoir et de défendre toutes les langues. Tibor Navracsics a encore insisté sur l'importance d'investir dans les écoles, même en temps de crise, pour affronter l'avenir. Il s’agit ainsi de moderniser les systèmes éducatifs de manière à améliorer leur qualité et leur accessibilité tout au long du cursus éducatif et de "convaincre les États membres que c'est un bon retour sur investissement", a-t-il dit, assurant aussi que la culture n'est pas qu'un élément de la compétitivité et qu’il faut plus de crédits à disposition de ce secteur. "Aucune négociation commerciale ne doit saper la culture", a-t-il encore assuré.

Le bon portefeuille pour le bon commissaire ?

Face aux critiques, son discours d'ouverture a été l’occasion pour Tibor Navracsics d’afficher son attachement à l’idée européenne. "Être commissaire, c'est être un Européen engagé, cela veut dire représenter l'intérêt européen et rien d'autre, c'est servir le citoyen européen", a-t-il assuré. Reconnaissant que les relations entre la Hongrie et l'UE étaient "passées par une période extrêmement difficile, une longue polémique", le commissaire désigné a toutefois affirmé que "nous sommes unis par les mêmes valeurs", citant "liberté, démocratie, Etat de droit, dignité humaine et respect des droits de l'Homme". "J'y suis personnellement et profondément attaché", a-t-il encore dit aux députés européens.

Attaqué à de multiples reprises par de nombreux députés qui ont rappelé au commissaire candidat les lois hongroises liberticides qu'il avait lui-même défendues en tant que ministre de la Justice, Tibor Navracsics a rejeté toute autocritique. Assurant que "tous les problèmes" dans la loi hongroise controversée sur les médias "ont été réglé", il a affirmé soutenir "très fermement l'idée de la pluralité et de la liberté d'expression et la liberté des médias". "S'il y a des tendances antieuropéennes dans la politique hongroise, je lutterai contre en tant que commissaire", a-t-il encore promis. "Nous devons tourner nos regards vers l'avenir".

Faisant allusion à la suppression du statut fiscal des ONG de gauche ou au fait qu’une soixantaine, accusées de soutenir des "activités politiques", sont sous le coup d'une enquête depuis juin, plusieurs députés ont dénoncé les menaces qui pèsent sur la société civile en Hongrie. "J'ai personnellement de bonnes relations avec les ONG, vous ne trouverez pas d'informations sur un conflit durant mon mandat […] Je veux coopérer avec les ONG", a répondu le candidat.

Dans ses réponses à la nouvelle série de questions écrites qui lui ont été adressées, Tibor Navracsics semblait néanmoins prendre davantage de distance avec le gouvernement dont il est issu. "La liberté et le pluralisme des médias sont d'une importance clé pour la société démocratique", écrit-il notamment rapporte l'agence de presse hongroise MTI le 6 octobre 2014. "Je regrette que parfois par le passé le gouvernement hongrois, auquel je n'appartiens plus, n'ait pas donné assez d'importance à cet aspect important", y indique le candidat.

"Un certain nombre d'aspects" du projet de loi sur les médias que la Hongrie a dû amender sous pression européenne "ne reflétaient pas mes vues personnelles", ajoute-t-il, en réponse à une question lui demandant s'il est prêt à "condamner officiellement et publiquement et prendre ses distances" avec la politique de Viktor Orban. Et de promettre encore que "il ne prendr[a] d'instructions auprès d'aucun gouvernement et institution et [s]'abstiendr[a] de toute action incompatible avec [s]es devoirs".

Les réactions des groupes politiques européens

Pour le PPE (la famille politique à laquelle appartient le commissaire désigné), "Tibor Navracsics a clairement montré qu'il est un vrai européen", selon la coordinatrice PPE de la commission CULT, Sabine Verheyen. "Au cours de l'audience, il a précisé qu'il a démissionné de son poste de ministre en Hongrie afin de se concentrer pleinement et sans réserve sur un poste de commissaire européen. Pour cette raison, il est très regrettable que les discussions sur la politique nationale hongroise aient dominé le débat sur ses qualifications en tant que commissaire européen. Ces députés auraient dû faire leurs devoirs: les questions sur le secteur des médias ne tombent pas dans le portefeuille de Tibor Navracsics".

Du côté des S&D, l’on regrette au contraire une prestation "qui a provoqué la déception et les inquiétudes d’une majorité d’eurodéputés". L’eurodéputée et vice-présidente S&D Tanja Fajon a indiqué que si "lors de la réunion d’hier, le commissaire désigné Navracsis a promis de respecter les valeurs de l’UE et de les appliquer dans toute l’UE" et que les S&D applaudissent "chaleureusement cette conversion à la religion de l’UE, nous attendions de lui, dans le même esprit, qu’il prononce quelques paroles de repentance au sujet de sa vie antérieure". Pour la députée Petra Kammerevert, porte-parole S&D pour l’enseignement et la culture, "M. Navracsics était tout aussi peu convainquant par rapport à la connaissance de son portefeuille". En effet, "il n’a avancé aucune idée concrète sur la manière dont il entend développer les trois programmes qui tombent sous sa compétence, à savoir Erasmus+, l’Europe créative et l’Europe pour les citoyens", a-t-elle estimé.

Le député Curzio Maltese (GUE / NGL) considère pour sa part qu’ "ayant déjà occupé les postes de ministre de la Justice et de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de M. Orban, Tibor Navracsics est politiquement responsable de la mise en œuvre de réformes restrictives qui ont concentré de plus en plus de pouvoirs dans les mains d'un seul parti et d’un seul homme, notamment la réforme des médias et celle du système judiciaire hongrois ".

Le groupe des Verts/ALE considère pour sa part Tibor Navracsics comme "un homme volubile et éloquent, mais absolument pas enclin à l'autocritique. Il refuse de reconnaitre le rôle qu'il a joué dans l'introduction de la loi très controversée sur la liberté de la presse en Hongrie. Ses réponses étaient toujours imprécises et sa compréhension des questions posées assez relative".