L’actuel commissaire européen en charge de la politique des consommateurs, le social-démocrate croate Neven Mimica, a passé le 29 septembre 2014 son audition devant le Parlement européen en tant que commissaire désigné pour s’occuper de la Coopération internationale et du Développement. Une audition qui s’est déroulée "sans encombres" selon des observateurs avisés, les députés l’ayant trouvé "convaincant" comme membre du collège des commissaires et pour mener à bien les tâches spécifiques qui seront les siennes.
Âgé de 61 ans, Neven Mimica est membre de la Commission européenne depuis juillet 2013, quand son pays, la Croatie, est devenu membre de l’UE. Ancien diplomate et ministre des Affaires européennes, il a fait valoir dans ses réponses écrites son expérience pour l’exercice de son futur mandat. Il a mis en avant son travail de diplomate en Égypte, qui lui a permis d’approfondir son intérêt pour les pays tiers, notamment en Afrique. Il a évoqué sa participation active en 1994 à la conférence internationale sur la population et le développement au Caire. En 2012, il a présidé la délégation croate à la conférence "Rio+20" sur le développement durable et a coordonné la participation de la Croatie "à ce processus essentiel pour le cadre de développement pour l’après-2015."
Les toutes premières priorités du mandat de Neven Mimica, telles que définies dans sa lettre de mission, sont au nombre de deux :
Premièrement, il s’agit de préparer les positions de l’Union et prendre part activement aux négociations sur le cadre pour l’après-2015. Le commissaire désigné veut "une lutte plus efficace contre la pauvreté grâce à une stratégie plus complète englobant les dimensions sociale, économique et environnementale". Il brigue un accord global sur les moyens financiers et non financiers de la mise en œuvre par tous les acteurs.
Dans ce cadre, il plaide pour que l’UE définisse "une offre solide, s’appuyant sur une confirmation claire de l’engagement de 0,7 % en matière d’aide publique au développement (APD)" et un renforcement de la cohérence des politiques au service du développement. Pour lui, "le cadre pour l’après-2015 doit viser à un développement inclusif et durable dont la réduction des inégalités persistantes est l’une des pierres angulaires" et "une approche fondée sur les droits, y compris les droits de l’homme, doit être au cœur de nos actions de coopération et de développement."
Neven Mimica lie les objectifs ambitieux en matière de climat et d’énergie à ceux du développement durable et de l’éradication de la pauvreté. Il veut que le nouveau cadre de l’après-2015 soit "cohérent et en synergie avec la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui est le cadre principal en matière de climat". Il veut donc intégrer systématiquement des objectifs en matière de climat et d’énergie dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des programmes et projets de développement. "Dans le domaine relevant de ma responsabilité, je tiens à assurer la réalisation de l’engagement consistant à consacrer au moins 20 % du budget à des actions de lutte contre le changement climatique", a-t-il écrit.
Deuxièmement, il s’agit de lancer des négociations en vue de la conclusion d’un accord post-Cotonou, qui constitue selon le Parlement européen un des fondements juridiques de la coopération de l’UE au développement. L’accord arrivera à échéance en 2020 et l’UE a cinq ans pour élaborer le projet d’un nouveau cadre UE-ACP. Un des points d’achoppement est le dialogue politique sur les droits de l’homme, qui souffre selon le Parlement européen de lacunes. S’y ajoute la lutte contre les paradis fiscaux et contre l'évasion fiscale.
Neven Mimica est pour une étroite collaboration avec la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/vice-présidente afin de renforcer le partenariat stratégique de l’Union avec l’Afrique.
Il entend par ailleurs coopérer avec d’autres commissaires, comme ceux chargés de domaines d’action comme l’aide humanitaire et la gestion des crises, la migration, l’environnement et la pêche, l’action pour le climat et l’énergie, le commerce ou l’agriculture.
Pour Neven Mimica, "la cohérence des politiques, le non-chevauchement et le renforcement de l’efficacité de l’aide supposent un accord clair sur les priorités et les modalités de travail, ainsi qu’une coopération et une concertation au quotidien." Et d’ajouter : "Les crises dans les pays tiers, comme la crise de l’Ebola, demandent une réponse commune coordonnée immédiate, mais nous rappellent également la nécessité de mettre en place des politiques intégrées et coordonnées à moyen et long termes."
Le PPE a soutenu l’approche de Neven Mimica. Davor Ivo Stier, son porte-parole pour la commission du développement a soutenu les priorités que sont la réduction de la pauvreté, la bonne gouvernance et une approche basée sur les droits de l’homme pour le cadre de l’après-2015 et a émis l’espoir que le commissaire honorera ses engagements.
Le groupe S&D a identifié chez Neven Mimica "une forte volonté politique tout comme la capacité et les connaissances nécessaires" pour mener à bien ses tâches et engagements. La députée européenne Ame Lietz (S&D) a salué l’intention du commissaire de mettre en place des approches plus préventives et coordonnées, notamment en cas de défis mondial, comme c’est le cas avec l’épidémie d’Ebola. Le député Knut Fleckenstein (S&D), vice-président de la commission des Affaires étrangères, a émis l’espoir que Neven Mimica soit un "commissaire politique" qui a pris des engagements sur la lutte contre l’évasion fiscale, et la promotion des droits de l’homme, "y inclus les droits à la santé sexuelle et reproductive".
Le député européen libéral luxembourgeois, Charles Goerens, a eu "une très bonne impression" de la prestation de Neven Mimica. "Ce n’est pas quelqu’un qui chauffe la salle, mais il maîtrise son dossier", a-t-il déclaré, mettant en avant son sens politique et son potentiel. Charles Goerens a apprécié sa sensibilité pour l’Afrique, "plutôt rare chez les politiques qui viennent d’Europe centrale". Il l’a cependant jugé "évasif" sur la question du financement des actions contre le changement climatique. Charles Goerens n’est pas d’accord avec une démarche qui consisterait à financer la majeure partie des actions contre le changement climatique dans les pays-cible de la politique de développement et de coopération par le budget "développement". Il est de son côté pour des financements additionnels, notamment dans la lutte contre la pauvreté. Il lui semble aussi que le futur commissaire au développement et à la coopération ne disposera pas des mêmes marges de manœuvre politiques que, par exemple, son collègue à l’action humanitaire.