Le Parlement européen a adopté le 23 octobre 2014 le rapport "De Backer" sur le semestre européen qui demande un suivi plus strict et plus démocratique des recommandations par pays de politique économique et budgétaire. Adopté le 13 octobre 2014 par la commission des affaires économiques et monétaires, le rapport du député belge Philippe De Backer (ALDE) demande notamment à la Commission de présenter des rapports trimestriels au Parlement européen sur les "mesures mises en place afin d'assurer l'avancée de la mise en œuvre des recommandations par pays et sur les progrès déjà réalisés". Les Etats membres sont invités "à s'expliquer sur les raisons du non-respect des recommandations auprès de la commission compétente" du Parlement.
Le rapport demande à la Commission de "renforcer le processus du semestre européen", notamment en ce qui concerne la conception et le suivi des recommandations, et de présenter des propositions indiquant de quelle manière "le caractère contraignant" peut être "renforcé". Il appelle la Commission à faire une priorité de la gouvernance du marché unique et de pleinement prendre en considération la stratégie Europe 2020 dans la mise en œuvre du semestre européen.
La commission des affaires économiques et monétaires critique dans le texte que les résultats obtenus par les États membres en matière de mise en œuvre des recommandations par pays sont "très faibles" et estime qu'il y a "un manque de cohérence" entre les engagements européens et la mise en œuvre des recommandations au niveau national. Il cite des données fournies par la Commission, selon lesquelles seulement 10 % des recommandations pour 2013 ont été pleinement mises en œuvre et que 45 % des recommandations n'ont que peu progressé ou n'ont pas progressé du tout.
Afin d’accroître le contrôle démocratique, le rapport recommande de renforcer l'appropriation des recommandations par les parlements nationaux et de les leur présenter avant leur adoption par le Conseil. Il souligne également l'importance de "l'implication précoce et la plus large possible" du Parlement européen.
Le rapport "prie instamment" la Commission de formuler des "recommandations concrètes" à l'attention des États membres, y compris aux pays où des programmes d'assainissement économique sont en cours, pour assurer que les Etats entament des réformes stimulant la croissance et non seulement des mesures d'assainissement budgétaire. Il souhaite en plus un "un cadre juridique amélioré" pour l'aide financière et la Troïka (UE, BCE, FMI) afin de garantir "une responsabilité démocratique".
La Commission est également invitée à faire plus de pression sur les Etats membres, en faisant "pleinement usage de toutes les mesures prévues par le droit de l'Union" pour assurer que "tout État membre adopte, dans les délais, les politiques économiques et financières adaptées à sa situation". Le rapport réclame également l'adoption de dispositions juridiques sur des "orientations de convergence" établissant "un nombre très limité d'objectifs pour les mesures de réforme les plus urgentes pendant une période définie".
Quant au pacte de stabilité, le rapport recommande de faire usage de sa flexibilité, en notant que "les niveaux déjà élevés de dette publique ne permettent pas une augmentation importante des dépenses", et propose un "transfert des dépenses des domaines non productifs vers les domaines productifs". Il qualifie "l'endettement excessif" de plusieurs États membres dans la zone euro comme une "charge énorme sur les générations futures" et note un "manque de progrès accomplis dans la réduction des niveaux d'endettement privé excessifs".
La commission des affaires économiques et monétaires "se félicite" du paquet investissement de 300 milliards d’euros annoncé par le futur président de la Commission, et demande à la Commission de le "concrétiser sans délai".
Le texte rappelle que l’Union économique et monétaire est "loin d'être achevée" et appelle la Commission d’améliorer la coordination économique et budgétaire, en prenant en considération les "déséquilibres macroéconomiques" au sein de l'Union. Il lui demande de présenter "une proposition sur la représentation extérieure unique de la zone euro", conformément à l'article 138 du TFUE, afin que l’Union s’exprime "d’une seule voix".
Quant au financement des entreprises, le rapport évoque un manque d’accès au financement, notamment pour les PME, et demande à la Commission de "proposer sans tarder des mesures d'achèvement du marché intérieur des capitaux afin d'améliorer l'allocation des capitaux aux entreprises et ainsi revitaliser l'économie réelle". A l’adresse des Etats membres, le rapport les invite à "simplifier leurs régimes fiscaux afin de rétablir un environnement favorable pour les entreprises", notamment en réduisant la charge fiscale pesant sur le travail.
Pour conclure, la commission des affaires économiques et monétaires se dit "très préoccupé" par le fait que l'Union est encore "très loin des objectifs de la stratégie Europe 2020 en matière sociale et d'emploi, et notamment de l'objectif de réduction de la pauvreté, étant donné que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté, au lieu de diminuer, a augmenté de 10 millions entre 2010 et 2012". Il déplore "qu'un nombre trop réduit de recommandations par pays abordent la question des travailleurs pauvres ou du sans-abrisme".
Le 21 octobre 2014, les eurodéputés ont débattu du rapport en session plénière. Philippe De Backer (ALDE), rapporteur sur le semestre européen, a déclaré que les États membres devraient approuver le processus du semestre européen pour stimuler la compétitivité et la croissance économique ainsi que moderniser les systèmes de sécurité sociale et le marché du travail, selon un communiqué du Parlement européen.
S’exprimant au nom de la Commission européenne, le commissaire sortant chargé des Affaires économiques et monétaires Jyrki Katainen a déclaré que le semestre européen a été un "outil très utile" pour identifier et coordonner les réponses politiques aux défis auxquels l’Union a fait face. "La crise du marché de la semaine dernière nous rappelle la nécessité de rester sur la voie de la réforme", a-t-il dit.
Selon le député Bas Eickhout (Verts/ALE), le rapport montre clairement qu’il existe une majorité pro-européenne au Parlement qui souligne l’importance du semestre et "c’est aussi un appel très clair au Conseil et aux États membres de prendre ce processus plus au sérieux".
Vu la faible implémentation des recommandations par les Etats membres susmentionnée, le député Dariusz Rosati (PPE) a réclamé plus de discipline pour les réformes dans les États membres et demandé que les parlements nationaux soient plus impliqués pour améliorer le contrôle démocratique.
Tibor Szanyi (S&D) a mis en garde que les réformes structurelles peuvent être trompeuses et causer la pauvreté. Il a proposé de se concentrer sur les investissements, la lutte contre l’évasion fiscale et la libre circulation des travailleurs pour augmenter la croissance économique.
Sampo Terho (ECR) s’est montré critique sur l’approche fédéraliste du semestre européen. "Nous ne pouvons pas considérer que la prise de décision ne relève plus des États membres et des parlements démocratiquement élus", a-t-il dit.
La députée Sylvie Goulard (ALDE) a regretté que la discussion dans certains États membres montre qu’une conscience claire de l’interdépendance des politiques économiques dans l’Union européenne soit toujours manquante.
Marisa Matias (GUE/NGL) a déclaré que "les politiques économiques générales ont été désastreuses. Si vous voulez vraiment l’assainissement budgétaire, il faut résoudre le vrai problème : le chômage".
Finalement, le député britannique non inscrit Steven Woolfe a déclaré que l’Union européenne n’a pas soutenu les citoyens : "le taux de chômage dans la zone euro est de 16,8 en moyenne (…) Notre produit national brut et notre produit intérieur brut baissent d’année en année, les niveaux de productivité sont faibles, et les taux de suicide élevés. Réveillez-vous et admettez-le : l’euro est un échec".