Le 2 juin 2014, la Commission européenne a publié ses recommandations par pays. Présentées dans le cadre du Semestre européen, ces recommandations se concentrent sur les objectifs qui peuvent raisonnablement être atteints dans les 12 à 18 mois qui suivent leur publication pour rendre la croissance plus vigoureuse, plus durable et plus inclusive, conformément à la stratégie à long terme de l’UE pour la croissance et l’emploi, Europe 2020. Elles devront être examinées et approuvées par les dirigeants et ministres de l'UE en juin, puis adoptées formellement par les ministres des finances de l’UE en juillet.
Dans son examen annuel de la croissance présenté le 13 novembre 2013, la Commission avait déjà fait connaître ses cinq priorités générales à court terme : procéder à un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance; revenir à des prêts bancaires en faveur de l'économie; promouvoir la croissance et la compétitivité pour aujourd'hui et demain; lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise, et, enfin, moderniser l'administration publique. A cette dernière priorité s’est substitué le développement d’une fiscalité moins préjudiciable à la croissance dans les cinq défis identifiés par la Commission européenne pour ses recommandations.
Entre temps, la Commission européenne a reçu de chacun des Etats membres son Programme de stabilité et de croissance (PSC) et son Programme national de réforme (PNR). Le Vice-Premier ministre luxembourgeois et ministre de l’Économie, Étienne Schneider, et le ministre des Finances, Pierre Gramegna, avaient présenté le 25 avril 2014 les grandes orientations des programmes nationaux.
Dans son mémo diffusé le 2 juin 2014, la Commission européenne commence par constater que les Etats membres ont accompli des progrès depuis les recommandations qui leur furent adressées en 2013. "Des règles plus strictes adoptées pendant la crise – notamment dans le cadre du semestre européen – aident les États membres à renforcer leur économie et à jeter les bases d’une croissance plus durable", souligne-t-elle.
La Commission constate que "la croissance est de retour, y compris dans la plupart des pays touchés par la crise". Seuls deux Etats membres, à savoir Chypre et la Croatie devraient connaître une contraction de leur économie en 2014, tandis qu’en 2015, toutes les économies de l’UE devraient avoir renoué avec la croissance.
Ensuite, la Commission constate que "l'assainissement des finances publiques se poursuit". Dans les pays les plus vulnérables, "les réformes engagées (…) portent leurs fruits", poursuit la Commission. Ainsi, l’Irlande en décembre 2013, l’Espagne en janvier 2014 et le Portugal en mai 2014, ont terminé leur programme d’assistance financière. Ces trois pays sont désormais pleinement intégrés dans le semestre européen, tout en étant soumis à la surveillance post-programme, consistant en "de courtes missions techniques sur place deux fois par an et l'élaboration subséquente de rapports par la Commission, en liaison avec la Banque centrale européenne", précise la Commission.
Pour leur part, la Grèce et Chypre font encore l'objet d'une surveillance régulière dans le cadre de programmes d’assistance financière de l’UE et du FMI, et ne sont pas concernés par les recommandations. Mais pour ces deux pays, la situation a évolué puisque "la Grèce devrait renouer avec la croissance en 2014, tandis que la situation à Chypre s’est stabilisée".
La Commission européenne fonde aussi son optimisme sur le fait que la correction des déséquilibres est en cours, comme en témoigne l'amélioration des comptes courants d’un bon nombre de pays. En mars 2014, pour la première fois depuis l'instauration de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), la Commission a constaté que deux pays (Danemark et Malte) ne connaissent plus de déséquilibres, tandis que l'Espagne ne connaît plus de déséquilibres excessifs.
Enfin, "la situation sur le front de l'emploi devrait s'améliorer dès cette année, quoique modérément", rappelle la Commission européenne qui se satisfait que plusieurs États membres (Espagne, Portugal, Italie et France) ont engagé "de profondes réformes en vue d'améliorer la capacité d'adaptation de leur marché du travail".
Toutefois, la reprise est jugée "inégalement répartie et fragile", rendant nécessaire la poursuite des réformes économiques structurelles. "Nous ne sommes pas là où nous voulons être, particulièrement en ce qui concerne le haut niveau du chômage", a dit le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, dans sa déclaration face à la presse. "Notre priorité est claire : croissance et emplois. Ce que les citoyens européens veulent de nous est clair : ils veulent plus de résultats concrets", a-t-il poursuivi.
"Cette année, la priorité n'était plus de répondre à l'urgence de la crise, mais de renforcer les conditions nécessaires à une croissance durable et à la création d'emplois dans une économie d'après-crise", lit-on encore dans le Mémo de la Commission européenne. "Nous croyons que les Etats membres doivent jouer désormais leur rôle en transposant ces réformes, même si nous savons que parfois elles sont impopulaires", a pour sa part poursuivi le président de la Commission, en conclusion de son intervention, indiquant que sept pays en la matière seront suivis de près : la France, l’Italie, l’Espagne, la Slovénie, l’Irlande, le Portugal, la Croatie et la Hongrie.
Les recommandations de la Commission européenne recoupent cinq domaines prioritaires, qualifiés de "défis" par cette dernière.
Le premier défi réside dans la lutte contre le chômage et les conséquences sociales de la crise, tandis que le chômage en 2013, est resté "très élevé", avec un taux de 10,8 %.
S’appuyant sur le tableau de bord destiné à prendre en compte la dimension sociale de l’UEM, présenté le 2 octobre 2013, les recommandations de la Commission suggèrent des réformes nécessaires "pour soutenir la création d’emplois, renforcer la capacité d'adaptation des marchés du travail et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale". "Dans certains États membres, le revenu disponible a diminué et on considère que près d’un quart de la population de l’UE est à présent menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale", reconnaît par ailleurs la Commission.
Cette dernière attire l’attention sur l’augmentation du taux de chômage des jeunes, de 15,8 % à 23,4 % entre 2008 et 2013. Or, contrairement à ses recommandations, "certains pays (Bulgarie, Grèce, Italie, Slovaquie et Roumanie) ont réduit ces dernières années les dépenses publiques dans le domaine de l'éducation", déplore-t-elle.
Pour faciliter la transition de l'école vers le marché du travail, la Commission a fait des recommandations sur les services publics pour l'emploi, l'éducation, la formation et l'apprentissage. Elle fait référence notamment à la garantie pour la jeunesse, qualifiée de "réforme structurelle majeure", et dont la mise en œuvre fait face à des "difficultés particulières" en Espagne, Italie, Slovaquie, Croatie, Pologne, Bulgarie, Irlande et au Portugal.
L'accent doit aussi être mis davantage sur la lutte contre le chômage de longue durée et sur l'aide à l'emploi, notamment en renforçant les services publics pour l'emploi et en favorisant les emplois durables de qualité. Le Luxembourg et douze autres pays ont reçu des recommandations en ce sens.
La participation des femmes au marché du travail doit pour sa part être encouragée en Autriche, en Allemagne, en Irlande, en Italie, à Malte et en Pologne, grâce notamment à la création de structures de garde d'enfants abordables et de qualité.
"Pour favoriser la création d'emplois, les salaires doivent pouvoir s'adapter à l'environnement économique et continuer à évoluer en fonction de la productivité", juge la Commission. Elle se réjouit que la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne ont pris des mesures en vue de décentraliser leurs systèmes de fixation des salaires, alors que la Belgique et le Luxembourg sont au contraire invités à plus d’efforts concernant l'indexation des salaires. La Commission souligne que "le niveau des salaires minimums peut aussi être un facteur déterminant de l'évolution générale des salaires", notamment dans des recommandations adressées à la Bulgarie, à la Roumanie, à la Slovénie, au Portugal, à l’Allemagne et à la France.
La Commission met aussi l’accent sur le champ d'application, l'adéquation et la conception des allocations de chômage et de l'aide sociale en Bulgarie, en Croatie, en Hongrie, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, au Portugal et en Roumanie, de manière à "trouver un équilibre entre le soutien au retour à l'emploi et la garantie d'un revenu suffisant en cas d'aggravation de la pauvreté".
Le second défi consiste dans la réduction de la dette et l’assainissement des finances publiques. La Commission recommande la fin des procédures de déficit excessif concernant l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, le Danemark, la Slovaquie et les Pays-Bas. Ainsi, seulement onze Etats membres, accusant un déficit de plus de 3 % du PIB, contre encore 24 en 2011, sont encore concernées par cette procédure. Il existe notamment "un certain nombre d'États membres connaissant des déséquilibres excessifs (Italie, Croatie et Slovénie), et d’autres où le sérieux des déséquilibres est tel qu’il peut avoir des retombées néfastes (France, Irlande, Espagne et Hongrie)", précise plus loin la Commission.
La Commission européenne ajoute que, bien qu’elle ait dépassé le critère de la dette publique (60 % du PIB), la situation budgétaire de la Finlande ne justifiait pas l'ouverture d'une PDE, car elle s’explique par ses contributions à des opérations de solidarité en faveur de pays de la zone euro.
La dette devrait cependant atteindre un niveau record en 2014 et doit être placée "sur une trajectoire régulièrement descendante", notamment dans les pays où elle dépasse la barre des 100 % du PIB : en Belgique, en Irlande, en Grèce, en Espagne, en Italie, à Chypre et au Portugal.
La Commission européenne souligne toutefois qu’il faudra "préserver les dépenses favorables à la croissance dans des domaines tels que l’éducation, la recherche, l’infrastructure ou l’innovation", comme elle l’indique dans ses recommandations à la République tchèque, à l’Italie, aux Pays-Bas, à la Pologne, au Royaume-Uni et à l’Espagne.
La Commission attire l’attention sur la nécessité d'atteindre les objectifs budgétaires à moyen terme dans les recommandations concernant l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, la Lettonie et les Pays-Bas.
La Commission souligne que "la gestion des coûts du vieillissement de la population – en particulier ceux liés aux retraites et aux soins de santé – constitue aussi un problème pour la viabilité des finances publiques" et précise qu’elle a envoyé des recommandations en ce sens à 19 États membres.
"Bien que 23 États membres aient légiféré ces dernières années pour repousser l'âge du départ à la retraite, il reste encore beaucoup à faire pour combler le possible futur déficit de financement dans plusieurs pays", dit-elle, en citant parmi ces derniers le Luxembourg.
La Commission signale que l'augmentation prévue des dépenses publiques liées à l'âge résultera, à plus de 70 %, des soins de santé et des soins de longue durée. Elle a adressé à 15 États membres des recommandations sur la nécessité d’assurer l'efficacité économique et la viabilité des systèmes de santé et demandent que des réformes concrètes et ciblées soient menées afin d’optimiser le secteur hospitalier, de renforcer le secteur des soins primaires et de rationaliser les dépenses pharmaceutiques.
Au-delà des aspects budgétaires, l’accès à des soins de santé de qualité est devenu un objectif exprès des pouvoirs publics, traduit dans 3 recommandations adressées à la Lettonie, à la Roumanie et à l’Espagne.
Aller vers une fiscalité moins préjudiciable à la croissance constitue un troisième défi, alors que pendant la crise, "de nombreux pays ont privilégié les hausses d'impôts aux réductions des dépenses".
"Compte tenu de l'étroitesse des marges budgétaires dans les États membres", nombre de recommandations préconisent "d'alléger la lourde charge fiscale du travail" et de déplacer cette charge "vers des taxes aux effets de distorsion moins grands, telles que les taxes sur la consommation, les taxes sur la pollution et les taxes foncières récurrentes".
Douze États membres sont invités à réaliser cette translation : l'Autriche, la Belgique, la République tchèque, la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Roumanie et l’Espagne. "Cet effort peut être accompagné de mesures visant à accroître les incitations financières au travail et à réduire le coût du travail relativement élevé pour les travailleurs peu qualifiés", précise la Commission européenne.
Onze Etats membres (dont le Luxembourg, ainsi que la Belgique, la Croatie, l'Allemagne, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, la Hongrie, la Pologne et le Royaume-Uni) ont reçu des recommandations les invitant à élargir leurs bases d’imposition. "Il peut s'agir, par exemple, de revoir les exonérations ou les taux réduits de TVA, lorsque leur efficacité n'est pas avérée, et éventuellement de réduire aussi le taux normal de TVA", suggère la Commission.
Les recommandations portent aussi sur l’amélioration de la gouvernance fiscale dans 16 États membres, dit la Commission. "Un certain nombre d'entreprises multinationales ont recours à des stratégies de planification fiscale, qui tirent avantage des disparités entre les systèmes fiscaux, pour réduire leur charge fiscale globale." C’est un problème "abordé pour la première fois dans les documents adoptés aujourd’hui", dit la Commission, sans mentionner le Luxembourg.
"La stabilisation des marchés financiers masque les disparités entre les États membres", souligne la Commission européenne, qui constate par ailleurs que les conditions de financement, notamment pour les PME, restent difficiles en Italie, en Grèce, en Espagne, en Lituanie, en Slovénie, en Croatie et à Chypre. Le quatrième défi identifié par la Commission européenne consiste ainsi à stabiliser davantage le secteur bancaire et de trouver d’autres formes de financement.
La Commission considère que "le rétablissement des canaux du crédit doit aussi passer par l'achèvement de la restructuration du secteur bancaire et l'assainissement des bilans bancaires" et a envoyé des recommandations en ce sens à l’Autriche, à l’Allemagne, à l’Italie, à l’Irlande, au Portugal, à l’Espagne et à la Slovénie.
Elle suggère aussi la mise en place de mécanismes de garantie de prêts ou le développement de marchés d'obligations d'entreprises, comme l'ont fait le Danemark, l'Estonie, l'Italie et le Portugal. D’autres, à savoir la République tchèque, l’Allemagne, l’Espagne, l’Estonie, les Pays-Bas et le Portugal, ont mis en place des marchés du capital-risque.
"Les réformes structurelles contribuent à renforcer la concurrence, à réduire les prix (au bénéfice des consommateurs) et, enfin, à créer les conditions indispensables aux entreprises pour se développer, investir et créer des emplois", rappelle la Commission européenne, en abordant le cinquième et dernier défi, à savoir le renforcement de la compétitivité et de la croissance. Elle déplore que les réformes structurelles dans les secteurs clés « ont peu progressé depuis 2013". "Nous sommes toujours derrière nombre de nos concurrents en termes de marché intérieur", a indiqué José Manuel Barroso.
La Commission a émis cette année un certain nombre de recommandations sur le secteur des services, les infrastructures d'énergie et de transport, les systèmes de R&D et le droit de la concurrence.
Dans les services, secteur représentant plus de 70 % du PIB de l'UE et 67 % de l'emploi total, et dans lequel les réglementations nationales restreignent les activités des entreprises ou des particuliers, les recommandations mettent particulièrement l'accent sur la réforme du secteur de détail (Belgique, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Italie et Espagne), des professions réglementées (Autriche, République tchèque, France, Pologne et Slovénie) et des administrations publiques (Autriche, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Italie, Malte, Roumanie et Slovaquie).
En termes d’efforts d’interconnexions de réseaux d'énergie et de transport, la Commission a estimé que l'Allemagne, la Roumanie, l'Italie et la Pologne ont accompli peu de progrès, tandis que la France et l’Espagne sont distinguées. Onze États membres sont invités à accélérer leurs projets d'interconnexion avec des États membres voisins.
Enfin, la Commission européenne estime que les systèmes de recherche et d'innovation doivent être modernisés, alors que l'écart en matière d'innovation s'est creusé dans l'UE. Des recommandations ont dès lors été adressées à la Belgique, à la République tchèque, à l’Estonie, à l’Espagne, à la Finlande, à la France, au Luxembourg, à la Lettonie, à la Pologne et à la Slovaquie.