Le président de la BCE, Mario Draghi, a annoncé à la sortie du Conseil des gouverneurs de la BCE qui s’est réuni le 4 décembre 2014 que le principal taux directeur de la banque centrale, celui de ses opérations principales de refinancement, restera inchangé à 0,05 %, et qu’elle a commencé dans le cadre d’ores et déjà décidé des nouvelles mesures non conventionnelles de politique monétaire avec le rachat de titres ABS et d'obligations sécurisées appelé QE à l’européenne, QE étant un acronyme pour "quantitative easing" ou "assouplissement quantitatif". Ce programme est censé s’étaler sur deux ans. La BCE a également révisé substantiellement à la baisse ses prévisions macroéconomiques.
Dans sa déclaration, Mario Draghi a insisté sur le fait que cette politique destinée à faire reculer une trop faible inflation va néanmoins " renforcer le fait qu’il y a des différences significatives et croissantes en termes de cycle de la politique monétaire entre les plus grandes économies avancées", et ce dans un contexte marqué non seulement par une inflation très basse, mais aussi par une croissance du PIB plus faible que prévue et une dynamique monétaire morose.
Le Conseil des gouverneurs évaluera également l’impact de la chute des prix du pétrole sur l’évolution à moyen terme de l’inflation et aura recours, en cas d’un risque de prolongement excessif de l’actuelle période de basse inflation, à d’autres mesures non-conventionnelles qui auront pour objectif un taux d’inflation en-dessous, mais proche de 2 %. Interrogé par les journalistes, Mario Draghi a indiqué que la BCE n'avait "pas besoin d'unanimité" au sein du conseil des gouverneurs pour déclencher d’autres opérations de "QE", alors que la banque centrale allemande ne cache pas son opposition à un rachat de dette publique par la banque centrale de la zone euro.
Après avoir déjà révisé à la baisse ses prévisions de croissance en septembre 2014, la BCE a dû procéder à une nouvelle révision, de nouveau à la baisse, tout insistant sur le fait que "la perspective d’une reprise modeste reste d’actualité". Mario Draghi et ses pairs sont convaincus que leurs mesures de politique monétaire soutiendront la demande intérieure, tout comme y contribueront selon la BCE les meilleures conditions de financement, la consolidation budgétaire, les réformes structurelles et la baisse des prix de l’énergie qui accroissent le revenu disponible pour les ménages. Par ailleurs, la reprise globale devrait stimuler la demande extérieure. Un frein à la croissance découle par contre selon la BCE du taux élevé du chômage, des capacités économiques non-utilisées et des politiques d’ajustement des bilans dans les secteurs public et privé. S’y ajoutent les risques géopolitiques qui minent la confiance des investisseurs et la lenteur des réformes structurelles de certains Etats membres de la zone euro.
Concrètement, la BCE prévoit en 2014 une croissance réelle du PIB de 0,8 % au lieu de 0,9 %, un chiffre déjà révisé à la baisse en septembre 2014, une croissance de 1 % en 2015, au lieu de 1,6 %, et une croissance de 1,5 % en 2016, au lieu de 1,9 %. L’inflation est elle aussi révisée - 0,5 % en 2014 au lieu de 0,6 %, 0,7 % en 2015 au lieu de 1,1 % et 1,3 % au lieu de 1,4 % en 2016. La consommation privée s’aligne sur ces tendances avec une hausse de 0,8 % seulement au lieu de 0,7 % en 2014, de 1,3 % en 2015 au lieu de 1,4 % et de 1,2 % en 2016 au lieu de 1,6 %. La consommation publique sera basse, avec 0,9 % en 2014, 0,5 % en 2015 et 0,4 % en 2016. Les investissements sont eux aussi revus à la baisse, avec 0,7 % en 2014 au lieu de 1,1 %, 1,4 % en 2015 au lieu de 3,1 % et 3,2 % au lieu de 3,9 % en 2016.
Face à cette situation et aux risques qui l’ont créée la BCE se tient prête à prendre de nouvelles mesures de politique monétaire, d’autant plus que ces chiffres n’ont pas encore pu tenir compte de la baisse récente du prix du pétrole. Mario Draghi a néanmoins rappelé que la politique monétaire qui relève des compétences de la BCE vise d’abord à garantir la stabilité des prix sur le moyen terme et à soutenir l’activité économique. Mais il appartient aux entreprises de revoir leurs produits et aux Etats membres de réformer leur marchés du travail, d’améliorer l’environnement dans lequel évoluent les entreprises et de mener une politique budgétaire en accord avec les règles du Pacte de stabilité et de croissance. Le plan Juncker "contribuera aussi à la reprise", a déclaré Mario Draghi. A ce sujet, Mario Draghi a expliqué que la BCE n'avait pas vocation à financer directement ce plan, mais, à travers sa politique monétaire et son rôle de superviseur européen, elle peut s'assurer de la santé du secteur bancaire qui pourrait être appelé à y contribuer.