Des interrogatoires ou des "tests" pour établir l’homosexualité d’un demandeur d’asile sont contraires à la dignité humaine, a jugé le 2 décembre 2014 la Cour de justice de l’UE (CJUE) dans un arrêt qui fait suite à une demande du Conseil d’Etat des Pays-Bas.
Trois demandes d’asile, ressortissants de pays tiers, avaient été rejeté par les autorités compétentes au motif que leur orientation sexuelle n’était pas établie. Les trois demandeurs d’asile, qui avaient invoqué leur crainte d’être persécutés dans leurs pays d’origine en raison de leur homosexualité, ont interjeté appel contre ces décisions.
Saisi du litige, le Conseil d’État s’interroge sur les éventuelles limites qu’imposerait le droit de l’Union quant à la vérification de l’orientation sexuelle des demandeurs d’asile, explique le communiqué. Il invoque notamment les articles 3 (droit à l’intégrité) et 7 (droit à la vie privée) de la Charte des droits fondamentaux.
Pour rappel, le Conseil d’État avait déjà demandé il y a un an à la CJUE si les ressortissants de pays tiers qui sont homosexuels peuvent être considérés comme formant un "certain groupe social" susceptible d’être persécuté en raison de leur orientation sexuelle, en référence à la Directive 2004/83/CE concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes. La CJUE avait confirmé cette interprétation.
Selon la CJUE, les déclarations d’un demandeur d’asile relatives à son orientation sexuelle peuvent "peuvent nécessiter confirmation", mais les modalités d’appréciation doivent "être conformes au droit de l’Union et, notamment, aux droits fondamentaux garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tels que le droit au respect de la dignité humaine et le droit au respect de la vie privée et familiale". De plus, cette évaluation doit être "individuelle et tenir compte du statut individuel ainsi que de la situation personnelle du demandeur".
Dans son arrêt du 2 décembre 2014 dans les affaires jointes C-148/13, C-149/13 et C-150/13, la Cour estime qu’une évaluation sur la seule base de notions stéréotypées associées aux homosexuels ne permet pas aux autorités de tenir compte de la situation individuelle et personnelle du demandeur concerné et que l’incapacité d’un demandeur d’asile de répondre à de telles questions n’est pas un motif suffisant pour conclure au défaut de crédibilité du demandeur.
Des interrogatoires concernant les détails des pratiques sexuelles du demandeur sont contraires aux droits fondamentaux garantis par la Charte et, notamment, au droit au respect de la vie privée et familiale, juge la Cour. Par conséquence, elle estime que certaines "preuves" n’ont pas de valeur nécessairement probante et pourraient porter atteinte à la dignité humaine, tel que l’accomplissement d’actes homosexuels, ainsi que l’ont proposé certains demandeurs d’asile selon la Cour, la soumission à d’éventuels "tests" en vue d’établir l’homosexualité ou des enregistrements vidéo d’actes intimes. "Autoriser ou accepter un tel type de preuves emporterait un effet incitatif à l’égard d’autres demandeurs et reviendrait, de facto, à imposer à ces derniers de telles preuves", met-elle en garde.
La CJUE conclut qu’il ne saurait être conclu à un défaut de crédibilité du seul fait que si un demandeur d’asile n’ait pas d’emblée déclaré son homosexualité, compte tenu du caractère sensible des informations ayant trait à la sphère personnelle d’une personne. Ainsi, l’obligation prévue dans la Directive 2004/83/CE de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer la demande de protection internationale aussi rapidement que possible est "tempérée par l’exigence de mener l’entretien en tenant compte de la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la demande, notamment de la vulnérabilité du demandeur", note la Cour.