Principaux portails publics  |     | 

Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration - Politique étrangère et de défense
Au cours d’un débat sur le rapport du Sénat américain sur les pratiques de la CIA, les eurodéputés indignés ont plaidé en faveur d’une enquête sur la possible complicité des Etats membres et appelé à ce que les responsables soient portés en justice
17-12-2014


Le 9 décembre 2014, la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement (SSCI) a publié le résumé d'un rapport récemment déclassifié sur les programmes de détention et d’interrogation de la CIA mis en place dans le cadre de la lutte contre le terrorisme conduite par le président Georges W. Bush suite à l'attaque du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center. La commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement (SSCI)  a publié le 9 décembre 2014 un rapport sur les pratiques de la CIA dans la lutte anti-terrorisme

Ce rapport de 525 pages confirme l'utilisation de la torture et d'autres traitements dégradants à l'égard de personnes suspectées d'être des terroristes. 

Le 11 décembre 2014, la Commission avait réagi, tandis que plusieurs eurodéputés, et notamment le groupe des libéraux, demandaient à ce que le sujet soit porté à l’ordre du jour  de la session plénière du mois de décembre.

Le 17 décembre 2014, un débat a donc eu lieu sur le sujet au Parlement européen, et les parlementaires ont dénoncé comme un seul homme le fait que les valeurs fondamentales aient pu être foulées au nom de la lutte contre le terrorisme. Ils ont aussi été nombreux à demander qu’une enquête soit ouverte sur la possible complicité des États membres dans ces pratiques, tout en soulignant la nécessité de poursuivre les responsables. Une résolution devrait être mise au vote en février.

"Ce rapport nous place tous face à nos responsabilités"

Benedetto Della Vedova, sous-secrétaire d’Etat italien venu parler au nom de la présidence italienne du Conseil de l’UE, a souligné que les États-Unis sont un partenaire important de l’Union européenne dans la lutte contre le terrorisme. "L’UE s’est engagée à interdire totalement la torture et les traitements inhumains et dégradants", a-t-il déclaré avant d’ajouter que Barack Obama a interdit la torture dès qu’il est devenu Président des États-Unis.

Le commissaire en charge de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté, Dimitris Avramopoulos, a pour sa part dénoncé de toutes ses forces la torture : "Ce n’est pas simplement mal, c’est un crime. La torture ne devrait jamais être utilisée et ceux qui en sont responsables doivent être sanctionnés", a déclaré le commissaire. Il a également ajouté que les efforts pour lutter contre le terrorisme doivent respecter le droit international. "Ce rapport nous place tous face à nos responsabilités", a insisté le commissaire à la fin du débat, en soulignant aussi que "l’UE n’avait jamais accepté de telles pratiques". Ce qui ressort du rapport, c’est l’importance du contrôle démocratique, a aussi souligné le commissaire.

 "Les droits fondamentaux des personnes sont sacrés et ne peuvent être violés", a déclaré Monika Hohlmeier (PPE), ajoutant qu’on ne peut défendre la torture et les interrogatoires brutaux.

"La torture est illégale, immorale et inacceptable", a déclaré Tanja Fajon (S&D).  "La participation de l’Europe sous n’importe quelle forme dans n’importe quel type d’activité illégale de la CIA est honteuse, indigne de la démocratie, des fondements et des valeurs de l’UE", a-t-elle dénoncé en déplorant que rien n’avait été fait malgré l’enquête et les recommandations du Parlement européen. "Ceux qui sont responsables doivent rendre des comptes", a-t-elle souligné en demandant une enquête et des réponses claires des Etats membres. Tanja Fajon demande aussi "un contrôle effectif des services de renseignement et de leurs activités" et des "mesures pour assurer que quelque chose de similaire ne puisse plus jamais arriver en Europe".

Sa collègue Birgit Sippel, qui est porte-parole du S&D sur les sujets relevant de la commission LIBE, affirme que les Etats membres de l’UE "ne peuvent plus prétendre n’avoir rien su des atrocités brutales commises par la CIA sur le territoire de l’UE" et elle attend de la part des Etats membres, dont certains ont selon elle "aidé la CIA à mettre en place un régime de terreur", qu’ils "mènent une enquête approfondie" et "lancent les procédures pénales contre les personnes responsables".

Selon Mark Demesmaeker (ECR), "l’UE dit défendre l’honneur et les valeurs et respecter les droits de l’homme". Il a souligné que l’UE a perdu une partie de la confiance des citoyens en coopérant avec les programmes de la CIA.

"Non, Monsieur Obama, nous ne pouvons pas tirer un trait sur ça tant que les responsables n’ont pas été traduits en justice", a déclaré Sophie in ‘t Veld (ALDE). "Nous savons que tous les États membres étaient impliqués dans une certaine mesure, certains davantage, d'autres moins, mais tous étaient au courant des principaux éléments du programme et ils devraient en avoir honte", a accusé l’eurodéputée en appelant "ces pays" à "jouer franc jeu et être responsables de leurs actes". "Les anciens dirigeants de l'UE qui étaient membres des alliances d'espionnage 'Five Eyes' et 'Nine Eyes', par exemple Tony Blair, doivent désormais être interrogés sur leurs connaissances et leur rôle dans le programme de torture de la CIA. Il ne faudrait pas exclure de futures poursuites, ici ou aux États-Unis", a affirmé la parlementaire.

Sa collègue Angelika Mlinar (ALDE) a elle aussi demandé à ce que les Etats membres de l’UE "mettent en place des enquêtes parlementaires nationales afin d’établir l’étendue de la participation et/ ou de la connaissance du programme de torture de la CIA."

"Cela évoque les pratiques terribles des régimes dictatoriaux", a déclaré Cornelia Ernst (GUE/NGL) en appelant à ce que les agents et politiques responsables de ces actes soient portés en justice, ce qui vaut aux Etats-Unis, mais aussi dans les pays européens où la CIA pratiquait la torture dans des prisons secrètes, ainsi qu’elle n’a pas manqué de le souligner.

Selon Eva Joly (Verts/ALE), "il n’y a rien de vraiment nouveau dans les 600 pages du rapport du Sénat, seulement des confirmations. Des confirmations de la collaboration de certains gouvernements européens et de l’existence de prisonniers de la CIA sur le sol européenne. Des confirmations de l’inutilité de la torture". Pour sa collègue Barbara Lochbihler, il importe que tous les Etats membres tirent les conséquences du rapport de la CIA et mènent des enquêtes indépendantes : "les poursuites pénales ne seront possibles en Europe que quand toutes les informations seront disponibles", soulignent l’eurodéputée en appelant les Etats-Unis à publier la version intégrale du rapport dont seule une partie est disponible.

Laura Ferrara (EFD) a souligné quant à elle que le rapport ne comprend aucune recommandation pour incriminer les personnes responsables. "Il n’y a rien en temps de paix ou en temps de guerre qui puisse justifier la torture", a-t-elle dit.