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Parlement européen - Environnement
La commission de l’environnement du Parlement européen rejette la proposition de la Commission relative à la qualité des carburants
03-12-2014


Le 3 décembre 2014, les députés de la "commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire" (ENVI) du Parlement européen présidée par le député italien Giovanni La Via (PPE) ont rejeté le projet de directive de la Commission censé aider à mettre en œuvre l'obligation faite aux fournisseurs de carburants de transport en Europe de réduire de 6% l'intensité de carbone desdits carburants à l'horizon 2020, en application de la directive sur la qualité des carburants (directive 2009/30/CE modifiant la directive 98/70/CE).

Le contexte

sables-bitumineux-source-greenpeace-euPour mémoire, la Commission européenne avait adopté le 7 octobre 2014 une proposition visant à mettre en œuvre les obligations inscrites dans le texte qui a modifié en 2009 la directive sur la qualité des carburants, et visant à réduire la teneur en carbone des carburants destinés aux transports, qui élimine la catégorie distincte pour les carburants dérivés des sables bitumineux.

L’article 7 bis de cette directive impose aux fournisseurs de réduire de 6 %, d’ici à 2020, l’intensité d'émission de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie des carburants et des autres sources d'énergie fournis aux fins de leur utilisation dans les véhicules routiers. Au titre de la directive, les fournisseurs sont en outre tenus de déclarer à l’autorité désignée par l’État membre l’intensité d'émission de gaz à effet de serre des carburants qu'ils fournissent. La proposition définit la norme relative aux carburants à faible teneur en carbone exigée par la directive sur la qualité des carburants et lui donne effet dans la législation de l’Union, mais elle élimine la catégorie distincte pour le carburant dérivé des sables bitumineux.

Les députés demandent un nouveau projet de directive qui tienne davantage compte de la protection de l’environnement

Dans la proposition de résolution qui vise à rejeter le projet de directive de la Commission, les députés estiment que le projet de directive "n’est pas compatible avec le but et le contenu de la directive 98/70 / CE". Ils invitent la Commission à retirer le projet de directive et à en soumettre un nouveau qui soit plus conforme à la proposition de 2011.

De nombreux députés ont critiqué le fait que le projet de directive ne fournisse aucun stimulant pour les carburants propres et qu’il ne pénalise pas les carburants les plus nocifs pour l’environnement.

"Les sables bitumineux sont extrêmement polluants et cela doit être pris en compte", a déclaré la députée britannique libérale (ALDE) Catherine Bearder. "L'UE doit faire tout son possible pour encourager les investissements dans des carburants plus propres. Nous ne devons pas céder à la pression externe sur nos normes environnementales", a-t-elle poursuivi. Ceci serait d’autant plus important que l’UE serait en train de négocier un accord mondial sur le changement climatique. "Cela enverrait un mauvais signal complètement", a expliqué Catherine Bearder.

Aussi, ils ont pointé le fait que le projet ne permet pas aux consommateurs de bénéficier de carburants plus propres, et surtout, qu'il élimine la catégorie distincte pour le carburant dérivé des sables bitumineux. Ils regrettent également le retrait de toutes les options de conformité qui permettraient d'atteindre une réduction de l'intensité carbone de 6 %.

Le député néerlandais Bas Eikhout (Verts/ALE) estime que le pétrole issu de sables bitumineux "ne doit pas et ne peut pas faire partie du mix énergétique européen". La production de pétrole à partir des sables bitumineux serait dommageable pour l'environnement, et risquerait d’avoir un plus grand impact sur le changement climatique que le pétrole conventionnel. "Si l'UE prend au sérieux la lutte contre le changement climatique, elle doit faire preuve de cohérence avec l'ensemble de ses politiques", a conclu Bas Eikhout.

Nombreux sont les députés qui ont dénoncé le lobbying intense qui aurait poussé la Commission à assouplir les valeurs standard par type de carburant pour les mettre à pied d’égalité avec les sables bitumineux et le brut conventionnel. Pour le député vert (Verts/ALE) Yannick Jadot, vice-président de la Commission du commerce international (INTA), la proposition de la Commission favorable aux très polluants sables bitumineux canadiens serait "très clairement" l'un des résultats des négociations de libre-échange UE-Canada et de pressions d'Etats-membres, comme la France, qui défendrait ouvertement les intérêts de TOTAL. "Le vote du Parlement rejette ces arrangements catastrophiques pour l'environnement et met en lumière les atteintes aux législations et ambitions environnementales européennes découlant  de CETA et TAFTA", a expliqué le député français.

Pour la députée verte Michèle Rivasi, qui est membre de la commission ENVI, en rejetant le projet de directive, les parlementaires européens se seraient "clairement" positionnés en faveur  de la santé des consommateurs et de la protection climatique. "Nous avons refusé de cautionner la proposition de la Commission européenne et sa méthode de calcul sur les émissions de gaz à effet de serre visant à favoriser l'accès au marché européen de ces carburants hautement toxiques et polluants", a expliqué la députée française.

Plusieurs parlementaires de tous les groupes politiques ont également dénoncé "les motivations commerciales" qui se cacheraient derrière ce texte qui adresse "un très mauvais signal", tandis que la directive sur la qualité des carburants serait un des rares instruments pour lutter contre le changement climatique dans le secteur des transports, lequel représenterait un tiers des émissions de gaz à effet de serre totales de l'UE.

Un vote final aura lieu en janvier 2015 à la session plénière du Parlement européen à Strasbourg.