Le 14 janvier 2015 a eu lieu la cérémonie d’ouverture de l’Année européenne pour le développement (AED) au Lycée Athénée du Luxembourg, deux jours après la présentation du programme national de l’AED par le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, Romain Schneider. Le ministre, ainsi que Ben Fayot, ambassadeur spécial pour l’AED, Armand Drews, président du Cercle de coopération des ONG qui regroupe 95 organisations luxembourgeoises, Guy Berg, chef de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, et Charles Goerens, eurodéputé libéral (ALDE), ont exprimé leur point de vue sur l’AED.
Pour mémoire, depuis 1983, l’Union européenne (UE) choisit chaque année un thème annuel spécifique pour sensibiliser les citoyens européens et les gouvernements nationaux sur un enjeu précis. Le 11 juillet 2014, la Commission européenne a proposé de faire de 2015 l’Année européenne du développement, et a été suivie en cela par le Parlement européen et les États membres. L’objectif est de sensibiliser les citoyens à la contribution de l'UE dans la lutte contre la faim et pour l'éradication de la pauvreté dans le monde. C'est la première fois qu'une Année européenne porte sur la politique internationale de développement de l'UE.
L’engagement de l’Athénée en faveur de l’aide humanitaire, tel qu’il a été exposé par son directeur Jos Salentiny, permet de comprendre que le choix de ce lieu pour la cérémonie d’ouverture n’est pas un hasard. Jos Salentiny explique que cet engagement avait débuté en 1998, sous l’impulsion de la professeure de français Marie-Paule Georges, qui, après un voyage en Afrique du Sud, avait lancé un projet à l’Athénée pour soutenir l’association WARMTH ("War against malnutrition, tuberculosis and hunger") qui s’occupe des habitants des townships. Le directeur indique que pendant 10 ans, elle était parvenue à mettre en place, avec l’aide de ses classes, des professeurs et des parents, 5 projets WARMTH, qui ont notamment contribué à l’aménagement de 40 cuisines et à la rémunération de deux cuisiniers. "Nous avons ensuite fondé une ASBL, et avons obtenu l’agrément en tant qu’ONG qui nous a permis de pouvoir recourir à des financements étatiques", s’est félicité le directeur de l’Athénée et Président de l’ONG. L’AED, dont la sensibilisation est l’objectif principal, semble donc trouver écho dans l’engagement humanitaire du Lycée.
Ben Fayot a aussi rappelé l’engagement humanitaire de Marie-Paule Georges, notamment la vente de confiture qu’elle avait entamée, dont les gains étaient alloués au développement. Il indique, un rien polémique, que la vente de cette confiture avait fini par être interdite sur le marché hebdomadaire à Luxembourg sur intervention des commerçants, dont "la logique n’était pas celle de l’aide désintéressée.
"Au-delà de sa vocation humanitaire, la tradition humaniste de l’Athénée nous engage à faire comprendre à nos élèves que les problèmes actuels quoi secouent notre monde nous concernent tous, que notre avenir ne doit pas se faire aux dépens des autres, et que notre dignité n’est assurée qu’à partir du moment où nous nous engageons pour ceux qui ne peuvent pas se défendre", a souligné Jos Salentiny, en se référant au slogan de l’AED, à savoir "Notre monde, notre dignité, notre avenir". Toutes les interventions ont gravité autour de ce slogan.
Ben Fayot a ainsi mis l’accent sur le mot "notre" du slogan, qui indique selon lui que nous sommes tous concernés par le développement. A ses yeux, le développement ne doit pas se réduire uniquement à une politique gouvernementale menée "d’en haut", mais l’engagement humanitaire doit aussi venir d’une solidarité qui émane "d’en bas", et c’est pourquoi selon lui, le travail des 95 ONG luxembourgeois engagées avec pour le développement avec des centaines de bénévoles, est important. Il souligne aussi la nécessité d’une cohérence dans l’aide au développement, en expliquant que "ce n’est pas un seul département ministériel, [le ministère de la Coopération et de l’Action humanitaire, NDLR], qui doit agir pour le développement", mais que "tous les départements sont concernés". Pour lui, la pauvreté est due à la mauvaise gouvernance, à la corruption dans les pays destinataires de l’aide et pour que ceux-ci puissent se développer, "il faudrait aussi leur laisser leurs richesses de sous-sol", souligne Ben Fayot, qui a dénoncé "la politique commerciale agressive des pays riches".
De son côté, le chef de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, Guy Berg, estime qu’il revient à la coopération au développement d’apporter de l’aide aux plus démunis, en tenant compte de la dimension sociale qui est sous-jacente au sous-développement de plusieurs pays. " La coopération au développement doit aussi servir en tant qu’instrument de stabilité et de paix", a-t-il poursuivi, "notamment en rétablissant l’ordre public et s’engagent pour une stabilité politique dans toutes les régions et pays concernés". Plus loin, elle doit servir en tant qu’ "instrument de démocratisation, et divulguer des formes de participation active au sein de la société civile", a ajouté Guy Berg, tout comme "à la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique", a-t-il poursuivi. Enfin, pour lui, le développement est aussi un instrument pour encourager "la compréhension mutuelle et le dialogue entre les cultures et les civilisations".
Guy Berg a par ailleurs indiqué que la Commission européen "se félicite" de l’engagement du gouvernement luxembourgeois et de celui du cercle des ONG du pays pour le développement. Il rappelle qu’avec ses 1,06 % du RNB, le Luxembourg est "en tête de ligne des 28 Etats membres de l’UE" et parmi les premiers donateurs au niveau mondial.
"Les inégalités entre nations ont diminué, tandis que dans presque tous les pays, les inégalités ont augmenté à l’intérieur des frontières des nations", a indiqué l’eurodéputé libéral (ALDE) Charles Goerens, rapporteur de la résolution sur l’Année européenne du développement, en expliquant le double impact paradoxal de la globalisation. "Il est important de réagir à ces inégalités", a-t-il poursuivi. Cette réaction passerait par les mécanismes de redistribution dans les Etats les plus avancés, et dans les pays qui n’ont pas de tels mécanismes, "la coopération au développement doit intervenir", explique-t-il. L’idéal pour lui, ce serait de "promouvoir l’accès à la sécurité sociale pour tout le monde".
Aux yeux de Charles Goerens, le "storytelling", c’est-à-dire le fait de raconter une histoire par rapport à un objet particulier afin de promouvoir celui-ci, "est un moyen puissant" dont la coopération au développement peut se servir pour sensibiliser. La présentation de leurs projets de développement par les élèves de l’Athénée au cours de la cérémonie d’ouverture a confirmé l’importance de cette exigence de narrer, de raconter les choses. Un de leurs projets humanitaires au Cap Vert contribue à soutenir une école à travers le financement d’une navette de transport scolaire, ou la mise en place de panneaux solaires. Un autre projet, intitulé "Kolléisch goes Bonnievale", a été lancé en Afrique du Sud, où l’ONG de l’Athénée contribue notamment à la gestion d’une crèche.