La Commission européenne a présenté le 28 janvier 2015 deux rapports sur les progrès réalisés par la Roumanie et la Bulgarie au titre du mécanisme de coopération et de vérification (MCV). Ce mécanisme, instauré au 1er janvier 2007, au moment de leur adhésion à l’UE, sert à évaluer les engagements pris par la Roumanie et la Bulgarie dans les domaines de la réforme judiciaire et de la lutte contre la corruption. Chaque année, la Commission doit publier des rapports sur les progrès réalisés dans ces domaines. Les derniers rapports sur les deux pays avaient été publiés le 22 janvier 2014.
Pour la Roumanie, le rapport note de nouveaux progrès qui se sont traduits par un "renforcement de la confiance des Roumains dans leur système judiciaire". Il critique en revanche le rôle du Parlement roumain qui s'est montré "plusieurs fois réticent à appliquer des décisions de justice définitives ou des décisions de la Cour constitutionnelle".
Pour la Bulgarie, le rapport conclut que les incertitudes politiques que le pays a vécu en 2014 ont ralenti le rythme des progrès accomplis et que des efforts supplémentaires sont nécessaires. Il critique un rythme de progression lent et un manque de volonté de procéder à des réformes ce qu’il explique par le fait qu’il y a eu trois gouvernements différents et un blocage de la situation au Parlement. Quant à la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, le rapport critique l’absence d’une orientation stratégique d'ensemble ainsi qu’un nombre très bas de condamnations.
Le rapport sur la Roumanie montre que de nouveaux progrès ont été accomplis dans la réalisation des objectifs du MCV et relève les points qui requièrent des efforts supplémentaires, note le communiqué rédigé par la Commission. Quant à la lutte contre la corruption, les auteurs du rapport estiment que les mesures prises par les principales institutions judiciaires "ont permis de maintenir une formidable dynamique" ce qui s’est traduit par un "renforcement de la confiance des Roumains dans leur système judiciaire en général, et dans le ministère public spécialisé dans la lutte contre la corruption en particulier". Les auteurs mettent en avant un "un professionnalisme accru du système judiciaire dans son ensemble" ainsi qu’une "volonté de défendre l'indépendance du système judiciaire de manière plus cohérente".
Le rapport souligne pourtant que les progrès doivent être "consolidés et sécurisés davantage", en citant notamment des questions législatives qui "demeurent en suspens" ainsi que des "incohérences" dans certaines décisions de justice ce qui "suscite des préoccupations". Il critique le fait que le Parlement s'est montré "plusieurs fois réticent à appliquer des décisions de justice définitives ou des décisions de la Cour constitutionnelle". Les auteurs du texte estiment que "l'ampleur du problème", à savoir la corruption, "est telle qu'elle nécessitera une approche plus systématique".
Quant à la nomination à des postes élevés, les auteurs évoquent un "risque d'ingérence politique" qui constitue "une des principales craintes concernant l'indépendance de la justice". Ils notent que l’année 2015 fournit à la Roumanie une "occasion importante de s'engager pleinement à garantir des nominations transparentes et fondées sur le mérite" vu qu’un certain nombre de nominations est prévu en 2016.
Une autre question qui reste problématique, c’est le nombre important d'attaques visant des juges et des procureurs dans les médias motivées par des considérations politiques. Le rapport donne l’exemple de médias qui avaient fait circuler des contre-vérités manifestes ou accusé des magistrats (ou leur famille) de corruption. Si une nouvelle procédure a été établie pour réagir plus rapidement aux attaques, le rapport soulève l’absence d’une "grande ligne" pour "fixer la limite au-delà de laquelle les actions politiques interfèrent avec le pouvoir judiciaire et les décisions de justice" ainsi que l’absence de sanctions.
Quant à une levée de l'immunité parlementaire à la demande de la Direction nationale anticorruption (DNA) dans le cadre de la lutte contre la corruption à haut niveau, le rapport constate notamment une réponse "arbitraire et dénuée de critères objectifs" du Parlement roumain. Il ajoute : "Le fait que des ministres encourant des poursuites pénales, de même que des parlementaires condamnés en dernier ressort pour délits de corruption, restent en exercice, soulève des questions plus larges quant à l'attitude de la classe politique roumaine à l'égard de la corruption". Le texte salue en revanche le rejet d’une loi d’amnistie par le Parlement en novembre 2014 qui aurait eu "pour effet de blanchir des individus ayant été condamnés pour des délits de corruption". Il critique également que la majorité des peines sont assorties d'un sursis dans les affaires de corruption.
Le rapport soulève que les procédures de marchés publics, en particulier à l'échelon local, "restent exposées aux risques de corruption et de conflit d'intérêts" ce qui a eu des "conséquences pour l'absorption des fonds de l'UE". Un dialogue structuré renouvelé" entre la Commission et la Roumanie devrait combler les lacunes, estiment les experts.
En février 2014, un nouveau code pénal a été mis en œuvre avec succès pour moderniser le système judiciaire roumain, note le rapport, qui souligne la collaboration efficace des grandes institutions judiciaires. Un problème récurrent, la charge du travail, a été assoupli en apportant une solution au problème de la duplication des procédures concernant l'application de décisions de justice, souligne le texte.
Le rapport sur la Bulgarie indique que les incertitudes politiques que le pays a vécu en 2014 ont ralenti le rythme des progrès accomplis et que des efforts supplémentaires sont nécessaires, note le communiqué de la Commission.
Pour rappel, des élections législatives anticipées ont eu lieu en octobre 2014 suite à des manifestations massives contre le gouvernement socialiste de Plamen Orecharski. Elles ont porté au pouvoir l’ancien Premier ministre et conservateur Boiko Borissov, qui avait lui-même été chassé du pouvoir en 2013 suite à des manifestations contre la pauvreté, la corruption et les monopoles dans le marché de l’énergie. Plusieurs cas d’auto-immolations de manifestants avaient alors suscité l’indignation en Europe.
Le rapport note un rythme de progression lent et un manque de volonté de procéder à des réformes, ce qu’il explique par le fait qu’il y a eu trois gouvernements différents et un blocage de la situation au Parlement dans la période couverte par le rapport. Les auteurs saluent le fait que l’actuel gouvernement a adopté une stratégie de réforme judiciaire. Ils notent que les travaux relatifs à un nouveau code pénal ont progressé, sans toutefois faire encore l'objet d'un consensus.
Le texte souligne que certaines institutions "continuent de manquer de la détermination nécessaire pour instaurer un climat de confiance", notamment en ce qui concerne une répartition aléatoire des affaires et de l'impartialité dans la nomination à des postes élevés au sein de l'appareil judiciaire. Il évoque un Eurobaromètre selon lequel une majorité de Bulgares est favorable à ce que l'UE joue un rôle dans la recherche de solutions aux problèmes constatés.
Quant à la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, le rapport critique l’absence d’une orientation stratégique d'ensemble et note que "les cas où des affaires de corruption ou de criminalité organisée ont abouti devant les tribunaux restent très rares". "Bien que les inspections ministérielles aient évolué dans le sens d'une culture de contrôles plus stricts, l’absence de structure centralisée ou de critères de référence communs aboutit à un manque de coordination entre les actions menées par ces inspections", souligne le texte. Il ajoute que les mesures de prévention semblent "dans la plupart des cas en être à leurs balbutiements". L’administration publique "ne dispose pas d’un système global de contrôle obligatoire des activités de lutte contre la corruption et de rapport à un point central", souligne le rapport.
Les auteurs critiquent le fait que "très peu de condamnations définitives ont été prononcées dans des cas de corruption importants malgré l’ampleur du phénomène" et que le nombre de décisions de justice définitives rendues dans des affaires de corruption et de criminalité organisée à haut niveau est "très limité". Ces "défaillances" sont à l'origine du scepticisme des Bulgares à l'égard des réformes, estiment les auteurs.
La criminalité organisée est un autre problème majeur de la Bulgarie. Le rapport évoque des fusillades en pleine rue de et l’intimidation des témoins. Il estime que la confiscation des avoirs ne semble toujours pas être suffisamment ciblée sur les groupes criminels organisés.
Un des problèmes récurrents relevé par le rapport est la nomination des juges, qui requiert une plus grande transparence et objectivité. Il évoque l’élection d’un inspecteur en chef, qui n’a toujours pas eu lieu, conduisant à une vacance d’une "fonction dirigeante solide et indépendante prévue par la Constitution". L’élection, prévue en 2015, sera "un test important de la capacité des institutions bulgares à effectuer, dans la transparence et en se fondant sur le mérite", explique le texte.
Selon le rapport, les différences au niveau de la charge de travail sont considérées comme une raison importante du manque d’efficacité du système judiciaire. Il salue le fait que tous les tribunaux régionaux seront réexaminés et qu’une nouvelle carte judiciaire pour ces tribunaux sera présentée avant la fin 2015.