Le projet de directive sur l’utilisation des données des passagers aériens (PNR) est conforme à la jurisprudence de la Cour, indique la Commission européenne dans une lettre adressée le 11 mars 2015 au Parlement européen. Celui-ci avait demandé à la Commission dans une résolution adoptée le 11 février 2015 de tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE (CJUE) sur la conservation de données. Une demande qui avait également était formulée par le gouvernement luxembourgeois à plusieurs reprises.
Pour rappel, la CJUE avait invalidé en avril 2014 la directive de 2006 sur la rétention des données, jugeant qu’en imposant la conservation de ces données et en en permettant l’accès aux autorités nationales compétentes, la directive "s’immisçait de manière particulièrement grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel".
En s’engageant dans sa résolution à finaliser avant fin 2015 la directive PNR, le Parlement européen a finalement abandonné son blocage sur le projet après une pression qui s’est accrue dans la foulée des attentats de Paris. Un nouveau projet de rapport vient d’ailleurs d’être présenté en commission. Néanmoins, certains eurodéputés, notamment du groupe des socialistes et des libéraux, n’ont pas cessé d’appeler à revoir le dossier pour le mettre en conformité avec l’arrêt de la CJUE.
Dans leur lettre, le vice-président de la Commission Frans Timmermans et le commissaire en charge du dossier Dimitris Avramopoulos insistent sur les "différences" entre les deux directives, notamment en ce qui concerne la catégorie de personnes dont les données sont traitées, la fréquence ainsi que la nature des données collectées. La collecte des données PNR d’une personne prenant un vol international "relève, en principe, moins de la vie privée d’une personne que l’enregistrement de ses appels téléphoniques ou ses connexions à internet", d’autant plus que les PNR pour ces vols sont déjà enregistrés pour le contrôle des frontières, écrivent les commissaires.
Les deux commissaires arguent que le PNR ne concerne qu’un "nombre plus restreint" de personnes, ce qui le rend "moins arbitraire" que la directive sur la rétention des données. La CJUE avait notamment critiqué le fait que la directive invalidée n’était pas limitée à une conservation portant sur différents facteurs, comme une période temporelle et/ou une zone géographique déterminée (point 59).
De plus, la directive PNR "ne risque d’interférer avec aucune obligation de secret professionnel", notent les commissaires, en référence au jugement de la Cour qui avait critiqué le fait que la directive invalidée "ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes dont les communications sont soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel" (point 58).
Conformément au point 61 de l'arrêt de la Cour, la directive PNR contient des garanties matérielles et procédurales relatives à l'accès et à l'utilisation ultérieure des données conservées, poursuivent les commissaires. Ils reprécisent que les données PNR ne seront collectées, stockées et analysées que par "une entité créée spécifiquement, l'unité de renseignements passagers (Passenger Information Unit)", et que "les résultats du traitement des données PNR seront transférés aux autorités d'application de la loi que dans des conditions strictes".
Ces différences entre PNR et rétention de données doivent être prises en compte dans l'évaluation juridique de tout futur système PNR européen, soulignent les deux commissaires. "Le législateur de l'UE devra s'assurer que les choix faits quant à la portée de l'application du système PNR de l'UE sont dûment justifiés et que les garanties nécessaires sont en place pour garantir la légalité de tout stockage, l'analyse, le transfert et l'utilisation des données PNR", indiquent-ils.
Pour conclure, la Commission estime qu'une directive sur l'utilisation des données PNR pour la prévention, la détection, l'investigation et la poursuite des infractions terroristes et la criminalité transnationale grave peut être interprétée d'une manière "qui respecte les exigences juridiques de la Charte des droits fondamentaux tout en fournissant un nouvel outil efficace au niveau de l'UE pour la lutte contre ces infractions". La Commission se dit "prête à travailler de manière constructive avec les législateurs".
Le groupe PPE a réagi par voie de communiqué le 16 mars 2015, en publiant sur son site Internet la lettre adressée par la Commission au président du Parlement européen. La conclusion des deux commissaires "reflète ce sur quoi le groupe PPE a insisté à de nombreuses occasions", indique ce bref communiqué qui met aussi l’accent sur les distinctions faites par les deux commissaires entre la directive sur la conservation des données et le projet de PNR européen.
Dans son Bulletin quotidien daté du 13 mars 2015, l’Agence Europe rapportait que Timothy Kirkhope (ECR), rapporteur sur le projet de PNR européen, avait lui aussi salué cette lettre "claire et sans équivoque" de la Commission européenne. "Il y a eu beaucoup de confusion au sujet de l'impact que la décision de la Cour pourrait avoir sur PNR de l'UE (…). Nous avons maintenant la clarté sur cette décision afin que nous puissions aller de l'avant avec la création d'un système PNR", s’était réjoui Timothy Kirkhope.