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PNR - Les eurodéputés ont adopté à une large majorité une résolution dans laquelle ils s’engagent à finaliser la directive sur l’utilisation des données des passagers aériens d'ici la fin de l'année 2015
11-02-2015


Un logo du PNR (Source : ALDE)Les eurodéputés s’engagent à finaliser la directive sur l’utilisation des données des passagers aériens (PNR) d'ici la fin de l'année 2015, dans une résolution adoptée à une large majorité lors de la plénière du Parlement européen le 11 février 2015. La résolution commune a été adoptée par 532 voix pour, 136 voix contre et 36 abstentions, indique un communiqué du Parlement européen. Le texte a été soutenu par le PPE, l’ALDE, l’ECR ainsi que le S&D (mis à part quatre votes rebelles de députés allemands et six abstentions de députés allemands et autrichiens). Le GUE/NGL et les Verts, mis à part deux votes rebelles (dont l’eurodéputé français José Bové), ont voté contre. A part Claude Turmes (Verts), tous les eurodéputés luxembourgeois ont voté pour la résolution. Sur 91 députés allemands, 64 ont voté pour, 23 contre le texte. Le groupe S&D a réussi à introduire un amendement qui lie le progrès dans le dossier PNR à celui dans la réforme de la protection des données.

Proposée en février 2011, ce projet de directive veut imposer aux transporteurs aériens de fournir aux États membres de l’Union les données des passagers de vols internationaux à destination ou en provenance du territoire de l’UE. Suite aux attentats de Paris en janvier 2015, la pression exercée sur le Parlement européen afin qu'il mette à son blocage du dossier s’est accru. La proposition de directive est contestée pour le grand nombre et la longue durée de conservation des données récoltées. L’invalidation par la Cour de justice de l’UE (CJUE) de la directive européenne sur la conservation des données en avril 2014 et la réforme de la protection des données sont invoquées par les détracteurs qui soulèvent selon eux des questions auxquelles il faut une réponse avant qu’un PNR européen ne puisse être créé.

Le sort du PNR européen lié à la réforme de la protection des données

Quant à ces questions, le groupe S&D a su convaincre les membres du PPE, comme l’indique un communiqué du groupe socialiste, de faire adopter un amendement qui lie les progrès à faire dans le dossier PNR à ceux que le Conseil doit accomplir en matière de la protection des données. L’amendement invite instamment la Commission à "tirer les conséquences" de l’arrêt de la CJUE et à demander l'opinion d'experts indépendants "issus des services de sécurité, de répression et de renseignement ainsi que des représentants du groupe de travail 29" sur "la nécessité et la proportionnalité" de la proposition de directive. La résolution demande aux Etats membres de "progresser sur le paquet relatif à la protection des données afin que les négociations sur les deux propositions puissent toutes deux avoir lieu parallèlement".

Selon la résolution, les eurodéputés veulent veiller à ce que la collecte et le partage de données reposent sur un "dispositif cohérent de protection des données qui prévoie des normes juridiquement contraignantes de protection des données à caractère personnel au niveau de l'Union".

Réactions des groupes politiques

Le groupe PPE a fait part de sa "grande satisfaction" que le Parlement européen ait "finalement marqué son accord" pour un PNR européen. Il rappelle dans un communiqué que c’est le PPE qui a présenté cette résolution et que le groupe a réussi à "débloquer l’impasse" au Parlement sur le PNR. La députée Monika Hohlmeier a rappelé que l’UE devait "agir à l’unisson" contre le terrorisme et que les citoyens ainsi que les services de la police et des renseignements "attendent du Parlement d’être responsable". "On devrait garder vivante cette unité. On ne doit pas permettre aux terroristes de nous diviser", a insisté Esteban González Pons, vice-président du groupe.

Birgit Sippel (S&D) s’est félicitée dans un communiqué du fait que son groupe a "persuadé les membres du PPE de changer sur positon et d’adopter un amendement" qui lie les progrès sur le dossier PNR à ceux sur la réforme de la protection des données. "Pour la première fois, une majorité de députés – dont ceux du PPE – ont reconnu que la proposition de directive actuelle sur le PNR doit être revue pour la mettre en conformité avec l’arrêt de la Cour de justice" sur la rétention des données, a-t-elle dit. Le groupe veut un système de PNR qui "ne diminue pas notre niveau de démocratie", souligne Gianni Pittella, le président du groupe, qui se félicite du fait que "l’idée insensée" de suspendre l’espace Schengen ait été rejetée.

Pour Timothy Kirkhope (ECR), il s’agit du signal "le plus positif" que le Parlement européen ait envoyé ces dernières années. L’eurodéputé était le rapporteur d’un texte que la commission des libertés civiles avait rejeté en avril 2013. Timothy Kirkhope s’engage à présenter un rapport révisé sur le PNR à la fin de l’année, indique un communiqué. "Je suis confiant qu’on va avancer rapidement pour arriver à un accord avant la fin de l’année", a-t-il déclaré, en ajoutant qu’un accord est nécessaire pour "combler les lacunes" dans les systèmes de renseignement et pour collectionner des données en garantissant la protection des données. Il s’est dit "très concerné" par la manière dont "certains leaders des groupes politiques agissent autour du dossier". "Je ne suis pas disposé à ce que cela devient un jeu de foot politique", a-t-il dit, tout en excluant des "accords de couloir" entre deux ou trois leaders de groupe.

Guy Verhofstadt, président de l’ALDE, a appelé le Conseil à débloquer des dossiers importants tels que le renforcement d'Europol et d'Eurojust ainsi que la directive sur la protection des données, jugeant que l'adoption de ces dossiers "renforcerait notre capacité à lutter contre le terrorisme". Sophie in't Veld, vice-présidente du groupe, a déclaré : "C'est une grande avancée. L'élaboration de politiques fondées sur des faits devrait être la norme. Nous avons obtenu aujourd'hui qu'une large majorité du Parlement européen suive cette voie".

Le groupe GUE/NGL qui a voté contre la résolution a déclaré qu’il attend de la Commission une "évaluation approfondie" du PNR et qu’il souhaite attendre l’avis de la CJUE sur le PNR avec le Canada. Le Parlement européen avait adopté en novembre 2014 une résolution dans laquelle il demandait également de connaître l’avis de la CJUE avant d’approuver cet accord avec le Canada. "On est fortement opposé à des mesures générales de collecte de données. Cela ne va pas renforcer la sécurité", a estimé Cornelia Ernst, plaident pour plus de prévention et d’inclusion socio-économique. Elle ajoute que de nouvelles mesures de sécurité seront perçues comme discriminatoires par beaucoup d’Européens. Pour Barbara Spinelli, ces mesures ne contribuent pas à s’attaquer aux "vraies origines du terrorisme", qui est généré, selon elle, dans des pays comme l’Irak ou l’Arabie Saoudite. Il faudrait d’abord s’assurer que l’UE ne livre plus d’armes dans ces régions, insiste-t-elle.

Pour les Verts, qui ont également voté contre le texte, la résolution est "loin d'apporter une réponse cohérente au terrorisme" puisqu’elle "ouvre au contraire grand la voie à l'emballement sécuritaire", indique un communiqué. La résolution "prône une surveillance généralisée qui ne préviendra pas les actes terroristes", mais qui "engendrera des démocraties fragiles qui pourraient être tentées par des dérives", estime Eva Joly. Il s’agit, selon elle, d’un choix de "dépenser 500 millions d'euros dans la surveillance de masse quand ils seraient plus utiles pour prévenir la radicalisation, pour construire une société de l’inclusion". Les eurodéputés ayant voté pour le texte "ajoutent une nouvelle mesure aux 239 déjà adoptées par l'Union européenne depuis le 11 septembre 2001 dont nul n'a à ce jour testé l'efficacité", affirme Eva Joly, qui leur reproche d’utiliser les attentats de Paris pour "promouvoir une mesure qui atteint gravement aux libertés sans pour autant répondre correctement à la menace terroriste".

Réactions au Luxembourg

Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a jugé que la surveillance de la circulation des passagers aériens est nécessaire pour faire face à la problématique du retour des combattants étrangers. "Les Américains sont plus informés sur les trajets des passagers aériens  que les Européens eux-mêmes qui n’ont pas de système", a-t-il déploré le 11 février 2015 sur les ondes de la radio 100,7, tout en rappelant que certains Etats membres sont opposés à une longue rétention des données.

Il faut éviter que chaque passager qui prend un vol soit placé sous soupçon général, a estimé pour sa part l’eurodéputé Frank Engel (PPE) sur les ondes de RTL. Il a critiqué le fait qu’une "multitude de systèmes" de PNR existent déjà dans l’UE qui ne soit pas coordonnées, dont notamment celui de "la plus importante" compagnie aérienne à bas prix. Il s’agit selon lui d’un "désordre" qui n’aurait "rien à voir avec la protection effective des citoyens contre une utilisation abusive de leurs données".

Les détails de la résolution

Les députés demandent aux États membres d'empêcher la circulation des terroristes présumés en renforçant les contrôles aux frontières extérieures. Ils se disent "fondamentalement opposé aux propositions visant à suspendre le régime Schengen",  mais encouragent les pays de l'UE à renforcer les dispositions existantes et à mieux utiliser le système d'information Schengen (SIS) et le système d’informations anticipées sur les passagers (APIS). Ils soulignent qu'il est déjà possible d'effectuer des contrôles ciblés sur des personnes bénéficiant du droit à la libre circulation quand elles franchissent les frontières extérieures.

Les députés demandent par ailleurs une "approche multidimensionnelle" pour lutter contre la radicalisation, appelant les États membres à:

  • investir dans des programmes éducatifs et sociaux qui abordent les causes profondes de la radicalisation;
  • contrer les incitations en ligne à commettre des actes terroristes;
  • prévenir le recrutement et les départs de personnes souhaitant rejoindre des organisations terroristes;
  • stopper le soutien financier aux organisations terroristes et le trafic d'armes à feu; et
  • mettre en place des programmes de "désengagement" et de "dé-radicalisation".

Les États membres devraient améliorer l'échange d'informations entre les autorités policières et judiciaires et les agences de l'Union. Ils devraient, en particulier, veiller à ce que leurs services nationaux fournissent à Europol l'information nécessaire, affirment les députés. Ils font remarquer qu'à l'heure actuelle, les États membres n'ont transféré que 50 % de leurs informations en matière de terrorisme et de criminalité organisée à Europol et Eurojust. Par ailleurs, ils soutiennent la création d'une plateforme européenne de lutte contre le terrorisme au sein d'Europol pour maximiser ses capacités d'échanges opérationnelles, techniques et de renseignement.