En mai 2015, la Commission européenne prévoit de présenter une stratégie d’ensemble pour le marché unique numérique. Dans cette optique, la Commission européenne a défini dès le 25 mars 2015, à l’issue d’un débat qui a réuni le collège des commissaires, les grands domaines sur lesquels elle mettra l’accent dans sa future stratégie.
Les ministres de l’Economie ont déjà débattu du sujet lors du Conseil Compétitivité du 2 mars dernier. Le Luxembourg a de son côté publié à cette occasion un document présentant ses principaux messages sur le marché unique numérique.
Pour la Commission européenne, l’enjeu est d’éliminer les obstacles auxquels se heurtent particuliers et entreprises sur le marché numérique européen, qui est encore très fragmenté. Ces obstacles peuvent être des blocages géographiques dans les services en ligne, un manque d’interopérabilité, ou encore des problèmes de livraison d’articles commandés à l’étranger. Les questions de droits d’auteur, de sécurité informatique et de protection des données sont aussi jugées essentielles pour le développement d’un marché numérique qui soit à l’image du marché unique européen. Un des soucis de la Commission est ainsi d’offrir aux entreprises innovantes la possibilité de se développer dans toute l’UE, ce qui devrait améliorer les services, mais aussi créer des emplois.
La Commission veut faciliter le commerce électronique transfrontalier, notamment pour les PME, en harmonisant les droits des consommateurs et les règles contractuelles et en rendant les services de livraison de colis plus efficaces et moins onéreux. Aujourd'hui, seulement 15 % des consommateurs font des achats en ligne dans un pays de l'UE autre que le leur, ce qui n'a rien d'étonnant lorsque les frais de port leur coûtent, en définitive, plus cher que le produit qu'ils achètent.
Le collège des commissaires veut en finir avec le blocage géographique : trop souvent et sans raison, arguent les services de presse de la Commission, les Européens ne peuvent pas utiliser les services en ligne disponibles dans d'autres pays que le leur, ou bien ils sont redirigés vers un site de vente en ligne de leur pays, qui pratique des prix différents. "Ce type de discrimination ne peut pas continuer à exister dans un marché unique", estime la Commission.
La Commission entend moderniser la législation sur les droits d'auteur pour assurer un juste équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs ou des consommateurs. Son objectif est de faciliter l'accès à la culture et de favoriser la diversité culturelle, tout en offrant de nouvelles perspectives aux artistes et aux créateurs de contenu en garantissant un meilleur respect des droits.
Aux yeux des commissaires, la simplification du régime de TVA est importante pour dynamiser les activités transfrontalières des entreprises, et notamment des PME. Le coût et la complexité des tâches liées à la gestion de réglementations fiscales étrangères sont un problème majeur pour les PME, avance la Commission, qui estime que les coûts dus aux différences de régimes de TVA atteignent 80 milliards d'euros.
Tous les services, applications et contenus numériques ont besoin de l'internet à haut débit et de réseaux sûrs, deux conditions également essentielles au développement de nouveaux services numériques innovants. Pour encourager les investissements dans les infrastructures, la Commission veut donc revoir les règles actuelles relatives aux médias et aux télécommunications afin de les adapter à l'évolution de la situation, notamment en ce qui concerne les habitudes des consommateurs (l'augmentation du nombre d'appels vocaux passés par internet, par exemple) et l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché.
Le spectre radioélectrique est en quelque sorte l'oxygène de l'internet et il est essentiel d'améliorer la coordination entre les États membres dans ce domaine, souligne la Commission qui relève que l'Europe a accumulé un retard important dans le déploiement de la technologie 4G parce que les radiofréquences nécessaires n'étaient pas disponibles. Les radiofréquences ne s'arrêtent pas aux frontières et il faut mettre en place une approche européenne de la gestion du spectre pour promouvoir un véritable marché unique avec des services paneuropéens, plaident les commissaires.
La Commission entend se pencher sur l'importance croissante que revêtent les plateformes en ligne (moteurs de recherche, réseaux sociaux, boutiques d'applications, etc) pour le développement de l'économie fondée sur l'internet. Elle s'intéressera notamment aux moyens de renforcer la confiance dans les services en ligne en augmentant la transparence, de les intégrer à la chaîne de valeur en ligne et de faciliter un retrait rapide des contenus illicites.
Aujourd'hui, 72 % des internautes européens craignent d'utiliser des services en ligne parce qu'ils redoutent d'avoir à fournir trop de données personnelles en ligne, relève la Commission qui juge par conséquent "essentiel" d'adopter rapidement le règlement sur la protection des données pour renforcer la confiance.
L'industrie est un des principaux piliers de l'économie européenne. Le secteur manufacturier de l'UE représente 2 millions d'entreprises et emploie 33 millions de personnes. La Commission souhaite aider tous les secteurs industriels à intégrer les nouvelles technologies et à négocier la transition vers un système industriel intelligent (Industrie 4.0).
La Commission veut aussi mettre l’accent sur la normalisation: l'interopérabilité des nouvelles technologies étant capitale pour assurer la compétitivité de l'Europe, l'élaboration des normes doit être plus rapide, estime en effet le collège des commissaires.
La Commission veut également que l'industrie et la société tirent le meilleur parti possible de l'économie des données. D'énormes quantités de données sont produites, chaque seconde, par des personnes ou par des machines telles que des capteurs qui recueillent des informations sur le climat, des images satellite, des photos et des vidéos numériques, des enregistrements de transactions d'achat ou des signaux GPS. Les mégadonnées ont un immense potentiel, mais leur utilisation exige de régler des problèmes importants, notamment en ce qui concerne la propriété, la protection des données et la normalisation.
Les mêmes problèmes se posent pour l'informatique en nuage (cloud computing) dont l'utilisation se développe rapidement. La proportion de données numériques stockées dans le nuage devrait passer de 20 % en 2013 à 40 % en 2020. Si les réseaux et ressources partagés peuvent dynamiser notre économie, ils doivent néanmoins être encadrés de manière appropriée pour prospérer et leur utilisation doit se généraliser auprès des particuliers, des entreprises, des organismes et des services publics européens, souligne la Commission.
La Commission estime enfin que les Européens devraient aussi pouvoir retirer un maximum d'avantages des services en ligne interopérables, depuis l'administration en ligne jusqu'à la santé en ligne, et améliorer leurs compétences numériques afin de profiter des possibilités qu'offre l'internet et d'augmenter leurs chances de trouver un emploi.