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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
Migration - Le Parlement européen plaide pour que l’UE fasse tout son possible pour éviter de nouvelles pertes de vies en mer, en intensifiant la solidarité et le partage des responsabilités entre Etats membres
29-04-2015


Parlement européenLe 29 avril 2015, les eurodéputés se sont exprimés avec le Président du Conseil européen Donald Tusk et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, sur les conclusions du Conseil européen extraordinaire du 23 avril suite aux tragédies à répétition en Méditerranée. Le Parlement européen plaide, dans une résolution approuvée par 449 voix en faveur, 130 contre et 93 abstentions, pour que l’UE fasse tout son possible pour éviter de nouvelles pertes de vies en mer, en intensifiant la solidarité et le partage des responsabilités entre Etats membres.

Concrètement, les eurodéputés demandent un quota contraignant pour répartir les demandeurs d’asile entre tous les pays de l’UE, de plus grandes contributions aux programmes de réinstallation, une meilleure coopération avec les pays tiers et des mesures plus sévères contre les passeurs.

Le mandat de l’opération "Triton" en Méditerranée devrait en outre être élargi pour y inclure "des opérations de recherche et de sauvetage au niveau de l'UE". Les eurodéputés appellent à "une opération de sauvetage humanitaire européenne permanente et robuste, qui, comme Mare Nostrum, agirait en haute mer et à laquelle tous les États membres contribueraient financièrement et avec des équipements et des atouts." Ils invitent l'UE à cofinancer une telle opération.

Les pays de l’UE devraient également continuer à faire preuve de solidarité et d’engagement en augmentant leur contribution aux budgets et aux opérations de Frontex et du Bureau européen d'appui en matière d’asile, ajoutent les députés. Le Parlement invite également à fournir à ces organismes les ressources nécessaires (en personnel et en équipements) pour s’acquitter des obligations qui leur incombent, "par l'intermédiaire du budget de l’Union et de ses fonds".

Les États membres devraient par ailleurs utiliser pleinement les possibilités existantes pour la délivrance de visas humanitaires et envisager sérieusement la possibilité d'appliquer la directive de 2001 relative à la protection temporaire ou l'article 78, paragraphe 3, du traité FUE (tous deux proposent un mécanisme de solidarité en cas d'afflux soudain de personnes déplacées),

Enfin, les règles du régime d’asile européen commun devraient être rapidement et intégralement transposées en droit national et mises en œuvre par tous les États membres participants.

Pour Jean-Claude Juncker, la réponse à la tragédie humaine en Méditerranée a été "immédiate mais elle reste insuffisante"

"Un défi dans le Sud n’est pas seulement un défi pour le Sud de l’Europe, mais pour l'ensemble de l'Europe", a déclaré le président du Conseil européen, Donald Tusk, en présentant aux eurodéputés  les conclusions du Conseil européen extraordinaire. "La Commission, le Conseil et le Haut Représentant sont en train de finaliser une feuille de route qui prévoit des mesures précises, un calendrier précis et des responsabilités claires pour ce que les dirigeants ont convenu la semaine dernière", a-t-il annoncé. "Sur cette base, les dirigeants se repencheront sur cette question en juin pour évaluer les progrès", a-t-il annoncé.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker estime que la réponse à la tragédie humaine en Méditerranée a été "immédiate mais elle reste insuffisante". Il s’est félicité du fait que la proposition de tripler le budget affecté à la mission Triton ait été suivie par les membres du Conseil. "Il ne suffit pas de combattre les symptômes de la crise, […], il est essentiel de tout faire pour éviter que des gens malheureux doivent prendre le bateau", a encore souligné le président de la Commission, qui demande aux Etats membres d’augmenter leur aide au développement. Jean-Claude Juncker plaide en outre, "ensemble avec le Commissaire en charge, Monsieur Avramopoulos", pour la mise en place d'un système de quotas en vue de "régler la répartition géographique sur toute l’Europe des réfugiés". "Il s'agit de solidarité partagée", a-t-il souligné.

La Commission, qui doit présenter le 13 mai 2015 une stratégie globale pour les migrations,  proposera dans ce contexte "un système de relocalisation à travers toute l’UE", a annoncé Jean-Claude Juncker. "Et nous devons, en toute urgence, nous occuper des questions gravitant autour de la notion de migration légale", a-t-il encore ajouté. A ses yeux, "il faut ouvrir les portes pour éviter qu'on entre par les fenêtres". "La migration légale fait partie de la solution à moyen terme et donc il faut agir sur cela", a précisé le président de la Commission.

La réaction des groupes politiques : la question de la migration légale évoquée par Jean-Claude Juncker fait débat

Si l’ALDE et les partis situés à gauche de l’échiquier politique ont bien accueilli les déclarations de Jean-Claude Juncker, celles-ci ont été critiquées par les partis eurosceptiques et d’extrême droite, et n’ont pas fait l’unanimité au sein du PPE, notamment en ce qui concerne la question de la migration légale.

Le PPE s’est opposé à la volonté exprimée par Jean-Claude Juncker de faciliter la migration légale et a bloqué toute référence à la migration légale dans le projet de résolution du Parlement européen. "Ouvrir encore davantage les portes des marchés du travail européens à l'immigration légale ne résoudrait pas les problèmes de l'Afrique" a insisté l’eurodéputé Manfred Weber, président du groupe PPE. "Quiconque affirme qu'il faut ouvrir les portes du marché du travail de l'UE à l'immigration légale se leurre", a-t-il soutenu lors du débat, soulignant qu’"un jeune sur cinq n'a pas de travail sur notre continent". Ceci n’a néanmoins pas fait l’unanimité au sein du PPE, à en entendre par exemple les propos de l’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel, qui a souligné que "le président de la Commission a raison de vouloir ouvrir la voie de l’immigration légale en Europe", car "en ouvrant l’immigration légale, on évite celle illégale".

Autre point de discorde au sein du PPE : la question des quotas. Si Manfred Weber a insisté sur la nécessité de mieux répartir le fardeau entre Etats membres pour l'accueil des réfugiés, l'ancien ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a pour sa part expliqué que la bonne réponse aux tragédies migratoires n'était pas "une mise sous tutelle des États membres par la Commission européenne". Le "système de traitement des demandes d'asile en France, qui s'élèvent à près de 63 000 demandes en 2014, est totalement débordé", a-t-il jugé.

Le groupe des socialistes (S&D) a pour sa part bien accueilli l’idée de renforcer les voies de migration légale, et soutient l’idée d'établir des quotas contraignants pour la distribution des demandeurs d'asile. "Plus nous rendons l’accès à l’UE difficile, plus les passeurs prospèreront, du fait de la difficulté de cet accès", a souligné l’eurodéputée allemande Brigit Sippel.

"Nous ne pouvons pas fermer la porte à tout le monde, mais nous ne pouvons pas accueillir tout le monde, tous ceux qui veulent arriver", a pour sa part soutenu l'eurodéputé britannique, Syed Salah Kamall, chef de file du groupe ECR. Celui-ci s’oppose à la mise en place d’un système de quotas, et estime que "la recherche de nouvelles formes de migration légale ne résoudra pas le problème". "Le système de carte bleue vise à attirer les migrants qualifiés, pas ceux qui fuient pour sauver leur vie”, a-t-il encore souligné.

"Il faut absolument une carte bleue qui fonctionne, la possibilité de demander des visas humanitaires dans nos ambassades à l'étranger et un mécanisme de partage de la responsabilité européenne", a pour sa part souligné l'élue néerlandaise Sophie In't Veldt (ALDE). "L'UE a besoin d'une politique migratoire car sa population décline", a-t-elle souligné, avant de déplorer "l'utilisation des tragédies en Méditerranée à des fins populistes et xénophobes".

Le groupe de gauche GUE/NGL s’est également prononcé, dans un plan en 10 points alternatif, en faveur d’un renforcement des voies de migration légales" et pour un système de quotas contraignants entre Etats membres.

Favorable à l'ouverture de voies d'immigration légales, l'eurodéputée verte allemande Ska Keller (Verts/ALE) a pour sa part interpellé le PPE. "Vous devriez écouter plus souvent M. Juncker - il a été votre candidat et il est votre président", a-t-elle lancé. "L'approche volontaire ayant malheureusement échoué, la mise en place de quotas est désormais nécessaire", a souligné l’eurodéputée française Eva Joly. "J’exige des quotas obligatoires pour une répartition équitable des demandeurs d'asile parmi les pays de l'UE", a souligné l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes dans un communiqué.