Le 31 mars 2015, les eurodéputés de la commission des libertés civiles du Parlement européen (LIBE) ont adopté la position que le Parlement européen va défendre dans les négociations avec le Conseil en vue de parvenir à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. Ce faisant, les parlementaires ont donné mandat au rapporteur, Nathalie Griesbeck (ADLE), d’entamer les négociations en trilogue avec le Conseil.
Pour rappel, la Commission avait mis sur la table ce projet de directive en novembre 2013 dans le cadre d’un paquet de mesures sur les garanties des citoyens en matière de procédures judiciaires.
Selon la Commission, ce projet de directive a pour objectif de garantir à tous les citoyens soupçonnés ou poursuivis par les services de police et les autorités judiciaires qu'ils seront bien présumés innocents, en posant plusieurs principes:
De son côté, le Conseil s’est entendu sur une approche générale lors de la réunion des ministres de la Justice du 4 décembre 2014. Une position qui devait servir de base en vue de l’ouverture des négociations en trilogue, ainsi que l’indiquaient les services de presse du Conseil
"La présomption d'innocence est un droit fondamental et surtout un principe essentiel pour éviter les jugements arbitraires et les abus de pouvoir dans les procédures pénales. Ce principe vise à garantir le droit à un procès équitable", a déclaré Nathalie Griesbeck lors du débat en commission. "Cette proposition de directive est d'autant plus importante que l'on constate actuellement et dans de nombreux États membres de l'Union européenne une réduction des droits des suspects et personnes poursuivies, ainsi qu'une érosion du principe de présomption d'innocence", a-t-elle ajouté.
Les autorités publiques devraient s'abstenir de faire des déclarations publiques se rapportant à des suspects ou des personnes poursuivies "comme s'ils étaient coupables", non seulement avant une condamnation définitive mais aussi avant ou après un acquittement définitif, estiment les députés.
Les règles modifiées exigeraient donc des pays de l'UE d'interdire à leurs pouvoirs publics de divulguer des renseignements, "y compris dans les entretiens et communications effectuées par le biais ou en lien avec les médias", ou à partir de la fuite d'informations à la presse qui pourraient "porter préjudice au suspect ou à la personne poursuivie avant toute condamnation judiciaire définitive", explique la commission. Les pays de l'UE devraient également promouvoir l'adoption de codes de pratique éthique en coopération avec les médias, ajoute-t-elle.
"Le cas échéant", les personnes morales, elles aussi, devraient être couvertes par ces règles européennes, estiment les députés. Ce n'était pas prévu dans la proposition initiale.
Autoriser des présomptions qui transfèrent la charge de la preuve de l'accusation aux suspects ou aux personnes poursuivies est "inacceptable", estiment les députés qui veulent supprimer cette possibilité du texte initial de la Commission. La charge de la preuve doit incomber à l'accusation et "tout doute profite toujours au suspect ou aux personnes poursuivies", insistent-ils.
Les députés entendent également supprimer de la proposition une disposition qui aurait permis dans des cas limités de "contraindre" un suspect ou une personne poursuivie à fournir des informations relatives aux accusations portées contre eux.
Les suspects ou personnes poursuivies ne doivent pas être considérés comme coupables simplement parce qu'ils exercent leur droit de garder le silence, soulignent les députés. L'exercice de ce droit, ainsi que le droit de ne pas être incriminé et de ne pas coopérer "ne doivent jamais être considérés comme une corroboration des faits", disent-ils.
Par d'autres ajouts au texte de la Commission, les députés soulignent que toute preuve obtenue en violation de ces droits ou par la torture devraiit être considérée comme irrecevable et que les cas où les jugements peuvent être rendus par défaut devraient être maintenus à un strict minimum.