Le 22 juin 2015, les ministres des Finances des Etats membres de l’Eurogroupe, puis les chefs d’Etat et de gouvernement de ces mêmes Etats tout comme le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk, se sont rencontrés à Bruxelles pour recevoir, puis prendre connaissance et avoir un échange sur les propositions de réforme de la Grèce qui sont une condition pour le déblocage par les créanciers de la République hellénique d’une nouvelle tranche d’aide financière de 7,2 milliards d’euros. Le programme d’aide financière à la Grèce prend fin le 30 juin et la Grèce doit d’ici là affronter des échéances de quelque 1,5 milliard d'euros dus au FMI à cette date, ce qu’elle ne pourrait pas sans le versement de l’aide financière par ses partenaires européens. Or, un non-paiement de cette échéance conduirait à une déclaration de défaut de paiement de la Grèce, à un "Graccident", pour citer Donald Tusk.
A quelques heures de la réunion, la Grèce a soumis une liste de ses propositions aux créanciers en 21 points, le "résultat de négociations difficiles afin d'arriver à un accord qui ne touche pas les droits du travail et ne dissout pas la cohésion sociale mais donne une perspective, (...) et constitue une solution viable pour l'économie grecque sans frapper les bas et moyens revenus" selon le gouvernement grec.
Le principe d'un budget en excédent primaire (le solde du budget hors charge de la dette) de 1 % en 2015 et de 2 % en 2016 est accepté, ce qui équivaut à 5 milliards d’euros d’économies. Cette demande des partenaires a longtemps été un élément de blocage. Les agences de presse dpa et AFP rapportent de manière concordante que la Grèce est prête à augmenter la TVA sur les hôtels et restaurants à 23 %, une mesure "socialement équitable" car elle toucherait principalement les touristes étrangers. Cela permettrait d'atteindre l'objectif de 1 % d'excédent budgétaire primaire en ne touchant pas à la TVA à 13 % sur l'électricité et à 6 % sur les médicaments.
Les prépensions seraient abolies, un impôt spécial frapperait les grandes fortunes du pays et les entreprises qui auront fait plus de 500 000 euros de bénéfice en 2014 seraient redevables d’un prélèvement spécial. Un impôt immobilier qui devait être aboli sera maintenu. Les dépenses pour la défense et l’armement, importantes en Grèce, pays situé dans une région cycliquement instable et sur une ligne de fracture géopolitique depuis sa refondation, seront diminuées de 200 millions d’euros.
Finalement, la Grèce a accepté le principe d'une prolongation de son plan d'aide actuel, le deuxième, au-delà du 30 juin, "comme seul moyen d'avancer" dans les négociations avec les créanciers, selon une source grecque citée par l’AFP. Le gouvernement grec aurait par ailleurs insisté sur la nécessité de régler la question de la dette et du moyen terme.
"L’Eurogroupe a salué dans l’ensemble la nouvelle version du plan de réforme soumis par les autorités grecques ce matin, (…) et le considère comme un pas positif dans le processus", pouvait-on lire dans un communiqué du même Eurogroupe qui a demandé aux "institutions" - à savoir la Commission, la BCE et le FMI - d’analyser la proposition avec les autorités grecques.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont ensuite eu "un échange de vues sur la Grèce" pour clarifier les positions, lit-on ensuite dans un communiqué au sujet du sommet dans la soirée. Donald Tusk, a lui aussi parlé d’un "pas positif" et dit que le plan grec devait encore être évalué par les "institutions", l’Eurogroupe devant de nouveau se rencontrer le 24 juin, à la veille du Conseil européen des 25 et 26 juin, pour statuer.
Bien que la réunion au sommet de l’Eurogroupe n’ait pas produit de résultat direct, Donald Tusk a justifié sa convocation par sa volonté de "mettre fin à la dangereuse incertitude et d’éviter le pire scénario, c’est-à-dire un Graccident chaotique et incontrôlable". La réunion a réussi selon lui "à injecter un nouveau dynamisme dans les négociations" de sorte que les dirigeants "sont sur la même longueur d'ondes, ils ont la même compréhension des possibilités et des limites".
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, est quant à lui "convaincu que nous allons parvenir à un accord final dans le courant de la semaine", insistant sur le fait qu'"on ne peut pas jouer les prolongations".
La réaction de la chancelière allemande Angela Merkel a été plus retenue. Pour elle, les propositions grecques constituent "un certain progrès" et "un bon point de départ pour de prochaines discussions", "mais il est également clair qu'"un travail vraiment intensif est maintenant nécessaire", celle-ci estimant par ailleurs que la base des discussions devait être d’abord l’ensemble des positions de la Commission, de la BCE, du FMI.
Même son de cloche du côté de la directrice générale du FMI, Christine Lagarde : "Il nous reste peu de temps, mais beaucoup de travail", et ce alors qu’elle juge que les propositions d’Athènes "ne sont pas assez spécifiques".
D’après le président français François Hollande, un troisième plan d’aide a été exclu par tous les participants. En ce qui concerne la dette, la prudence des membres de l’Eurogroupe prédominait. "Ce qui doit être réglé, ce sont les questions budgétaires. Un reprofilage de la dette ne pourrait venir que dans une seconde étape", a ainsi déclaré le président Hollande.
Le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel est cité par les agences de presse avec son mot : "Ce n’est pas midi moins cinq, mais midi moins trente secondes." Les efforts vont dans la bonne direction, mais nous ne sommes pas encore arrivés au but, a-t-il dit en substance, alors que la date-butoir du 30 juin approche. Il a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas eu de négociation au cours de la réunion. Il incombe selon lui maintenant aux "institutions" et aux ministres des Finances de l’Eurogroupe de chercher des pistes pour une solution. "Tsipras n’a pas exposé son catalogue", a encore déclaré Xavier Bettel, "mais il y a eu un échange sur les positions des Etats membres". Pour le Premier ministre, "il y va du futur de l’euro, du futur de la Grèce et de sa population.". Dans de telles circonstances, le respect doit primer, cela ne sert à rien de rejeter la faute sur les autres, mais il faut prendre des décisions, a-t-il conclu.