Le ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, a donné au quotidien allemand "Handelsblatt" une interview sur "la lutte contre l’évitement fiscal", entretien publié le 16 juin 2015.
Le ministre évoque la Présidence du Conseil de l’UE qui échoit dès le 1er juillet 2015 au Luxembourg qui en profitera pour que "plus de transparence et d’équité entrent dans la politique fiscale européenne". A cette fin, les Etats membres devraient s’informer mutuellement sur les rescrits fiscaux avec des entreprises, estime le ministre qui annonce que la Présidence tentera de faire adopter la proposition législative dans ce sens de la Commission avant la fin de l’année 2015. Mais le ministre estime que les Etats membres de l’UE ne pourront pas très longtemps être les seuls à pratiquer ce type d’échange automatique d’informations, sauf à ignorer le danger que des Etats tiers attirent des entreprises hors de l’UE à force de leur suggérer des avantages fiscaux. C’est pourquoi le G7 et le G20 devraient traiter la question aussi rapidement que possible.
Pierre Gramegna évoque également les problèmes que l’échange d’informations soulève à l’intérieur de l’UE. Il critique ainsi l’idée de la Commission de vouloir inclure rétroactivement tous les rescrits des dix dernières années, une période jugée "trop longue" alors que trois à cinq ans "sont susceptibles d’un consensus". De même, il récuse l’idée d’un registre central de ces rescrits, estimant que l’échange bilatéral serait suffisant et plus sûr, vu le nombre élevé de personnes qui auraient accès à ces données sensibles, notamment les agents de la DG concurrence de la Commission. Partant de là, ces données pourraient être utilisées dans d’autres procédures d’infraction contre les règles qui régissent les aides d’Etat.
Pour Pierre Gramegna, il faut aller au-delà des rescrits fiscaux. L’initiative BEPS de l’OCDE montre l’exemple, même s’il faudrait tenir compte du fait qu’elle n’inclut que les Etats membres de l’OCDE. Or, il faudrait impliquer les pays en voie de développement.
Et si le dossier sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) est resté bloqué depuis quatre ans, c’est selon Pierre Gramegna parce qu’il "touche au cœur même des systèmes fiscaux nationaux" et qu’il faudra une décision prise à l’unanimité. Avec une nouvelle proposition qui implique que les Etats membres ne devront pas trouver un accord sur la distribution des recettes de l’impôt des sociétés, la Commission va essayer de simplifier le débat, explique Pierre Gramegna.
Par ailleurs, le Luxembourg n’est "pas fondamentalement opposé" à l’idée que les entreprises fassent des rapports sur leurs gains et impôts payés par Etat membre. Pour le ministre luxembourgeois, le système pourrait même être étendu à toutes les grandes entreprises. Son homologue allemand, Wolfgang Schäuble y est opposé par crainte que des secrets d’entreprise soient touchés, alors que Pierre Gramegna veut miser sur cette tendance mondiale à la transparence qui posera d’autant moins de problèmes qu’elle sera portée par tous.