Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie
Eurogroupe – Le premier examen du programme d’ajustement structurel grec et le projet de recommandation pour la zone euro en 2016 au menu des ministres
14-01-2016


Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, et son homologue letton, Janis Reirs, lors de l'Eurogroupe du 14 janvier 2016 (source: Conseil de l'UE)Les ministres de l’Economie et des Finances des Etats membres de la zone euro se sont retrouvés à Bruxelles, le 14 janvier 2016, à l’occasion d’une réunion de l’Eurogroupe consacrée entre autres à faire le point sur les programmes d’ajustement structurel grec et chypriote. Les ministres ont également débattu du projet de recommandation spécifique pour la zone euro publié en novembre par la Commission européenne dans le cadre de l'exercice 2016 du processus de coordination des politiques économique et budgétaire du Semestre européen. Pierre Gramegna, le ministre luxembourgeois des Finances, y représentait le Grand-Duché.

La Grèce

L’Eurogroupe a tout d’abord fait le point sur la mise en œuvre du dernier programme d'ajustement économique de la Grèce et les ministres ont débattu du calendrier du premier examen de la mise en œuvre de ce programme.

Pour rappel, après des mois de discussions tumultueuses au premier semestre 2015 suite aux élections du 25 janvier qui avaient vu la victoire du parti de la gauche radicale anti-austérité Syriza, le gouvernement grec avait finalement accepté en juillet 2015 un troisième plan d'aide en cinq ans, d'un montant de 86 milliards d'euros, et s’était engagé dans ce contexte à mener un certain nombre de réformes strictes sur les plans économique et social.

Dans leurs conclusions diffusées sur la page internet de l’Eurogroupe, les ministres soulignent que les institutions créancières (Banque centrale européenne, Commission européenne, Mécanisme européen de stabilité, Fonds monétaire international) ont l'intention de commencer leur premier examen la semaine suivante, à partir du 18 janvier 2015. Cet examen devrait se concentrer sur plusieurs "questions clés", à savoir la réforme des retraites ; le budget 2016 ; la stratégie budgétaire à moyen terme ; la modernisation de l'administration publique de la Grèce ; les réformes du secteur financier ; et les réformes dans le secteur de l'électricité, y lit-on également.

Dans ce contexte, les ministres invitent les autorités grecques à "coopérer de manière constructive" avec les institutions pour assurer que ce premier examen se déroule "en douceur et en profondeur". "La réussite de cet exercice ouvrirait la voie à des décisions sur d'éventuelles mesures d'allégement de la dette et à un programme du FMI, comme convenu par les chefs d'État ou de gouvernement en juillet 2015", précisent les conclusions. Comme le précisait l’Agence Europe dans son édition du 14 janvier 2015, une conclusion positive de l’examen ouvrirait également la voie au versement d’une nouvelle tranche d’aide alors que des échéances de remboursement se profilent à la fin février pour le pays.

Relevant des "progrès significatifs" depuis l’été, le président de l’Eurogroupe et ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, a noté en conférence de presse à l’issue de la rencontre que l’achèvement de cette nouvelle phase du programme était "essentielle", car elle traite d'un certain nombre de questions budgétaires ouvertes mais aussi des mesures structurelles comme la réforme des retraites. Elle est donc "d'une importance décisive pour la réussite globale du programme et essentielle pour la reprise économique de la Grèce", a poursuivi le président. En réponse aux questions de journalistes, il a néanmoins précisé qu’une conclusion était plutôt une question de mois que de semaines.

Jeroen Dijsselbloem a par ailleurs souligné que les institutions avaient demandé un certain nombre de précisions au gouvernement grec. "Nous soulignons l'importance d'avoir cet échange d'informations très rapidement, de sorte que les institutions puissent voyager à Athènes pour commencer le travail sur l'examen dans un délai très court", a-t-il ajouté. "Nous avons rappelé aux autorités grecques qu'un préalable [à la mission d’examen] était qu’un certain nombre de données budgétaires nous soient fournis maintenant, très rapidement", a pour sa part confirmé le commissaire européen en charge des Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, lors de la même conférence de presse.

Si Jeroen Dijsselbloem a encore indiqué que les ministres ne s’étaient pas penchés en détail sur les propositions de réforme grecques, notamment celle sur les retraites, le commissaire européen a pour sa part insisté sur la réforme des retraites qui "sera au cœur" des discussions, "même si elle n’est pas la seule". Pour précisions, la Grèce avait envoyé la semaine précédente son projet de réforme des retraites et son ministre des Finances a fait le tour de plusieurs capitales européennes (Rome, Lisbonne, Paris, Helsinki, Amsterdam et Berlin) pour promouvoir cette réforme ainsi que la nécessité d'entamer des discussions sur un allègement de la dette.

"J'ai eu l'occasion de souligner que c'était sans aucun doute la principale, et peut-être la plus délicate", a ajouté Pierre Moscovici, qui a précisé n’en être "qu'au début de ces échanges" et qu’il s’agira de "faire des progrès rapides". Il s’est également félicité "d’un changement d’état d’esprit et de relations avec le gouvernement grec", appelant à "absolument maintenir cet élan réformiste pour renforcer la confiance, les investissements et la croissance dans l’intérêt du peuple grec".  Pour le commissaire, il s’agit de poursuivre le cercle vertueux engagé, cercle "qui passe par des réformes, qui permettent la conclusion de la première revue, ce qui permettra de parler de manière constructive de la question de la dette et avec, maintenant nous le souhaitons tous, la présence du FMI".

Un peu plus tôt, en amont de la réunion de l’Eurogroupe, son président avait en effet confirmé l’accord de la Grèce à la participation du FMI au plan de sauvetage après un entretien avec le ministre grec des Finances, Euclide Tsakalotos. "Il était absolument clair pour lui que cela faisait partie de l'accord cet été", a dit le ministre néerlandais, notant que "c'est très important pour beaucoup de pays" et que son homologue grec "accepte complètement cela", alors que le gouvernement grec s’était pourtant opposé à plusieurs reprises à une participation du Fonds tenu pour responsable des cures d'austérité qui ont affaibli le pays. De son côté, le porte-parole du FMI Gerry Rice a indiqué en conférence de presse le même jour que le Fonds n’avait pas encore pris de décision et qu'il exigeait au préalable des réformes structurelles d'Athènes mais également un engagement des Etats membres à réduire la dette grecque.

Chypre

L'Eurogroupe a par ailleurs été informé des résultats du huitième et dernier examen du programme d'ajustement économique de Chypre, réalisé par les services de la Commission européenne, de la BCE et du FMI du 3 au 13 novembre 2015. 

Dans ce contexte, les institutions ont souligné que Chypre avait accompli "des progrès significatifs" dans la mise en œuvre du programme, lit-on sur la page de conclusions de l’Eurogroupe qui précise que Chypre devra encore mettre en œuvre deux conditions en suspens, dites "actions préalables", pour finaliser officiellement l'examen et ouvrir ainsi la voie à un décaissement final d'environ 300 millions d’euros par le Mécanisme européen de stabilité (MES). En conférence de presse, Jeroen Dijsselbloem a salué le fait que Chypre s’en sortait "particulièrement bien", alors que le pays s’est approprié et à mis en œuvre le programme de réformes, notant pour sa part que trois questions restaient en suspens mais que "le gouvernement chypriote travaillait dessus".

Ni Jeroen Dijsselbloem ni le commissaire Moscovici n’ont néanmoins précisé quelles étaient les actions qui restaient en suspens. En juillet 2015, les institutions insistaient sur une réforme pour réduire le volume des prêts non-performants des banques, une réforme du secteur public ainsi que la privatisation de certaines compagnies publiques.

Semestre européen

Dans le contexte du Semestre européen, les ministres réunis au sein de l’Eurogroupe ont par ailleurs discuté de la mise en œuvre de la recommandation 2015 pour la zone euro et ils ont examiné le projet de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro pour 2016, publié en novembre par la Commission européenne dans le cadre de l'exercice 2016 du processus de coordination des politiques économique et budgétaire du Semestre européen et qui devait être approuvé par le Conseil ECOFIN le lendemain, le 15 janvier 2016.

Le projet de recommandation, qui a été pour la première fois anticipé afin que les Etats membres de la zone euro en tiennent compte en mettant en œuvre leurs politiques macro-économiques, préconise notamment une orientation budgétaire globalement neutre pour 2016 et une réduction de la dette publique en 2017, la poursuite des réformes des marchés du travail et des services, la réduction progressive des prêts bancaires non performants et l'amélioration des procédures d'insolvabilité pour les entreprises et les ménages.

Dans ce contexte, les ministres se sont accordés sur cinq priorités sur la base de la proposition de la Commission européenne. Il s’agit ainsi de poursuivre les réformes structurelles, de soutenir l'emploi, de mener des politiques budgétaires saines, de poursuivre la réduction de la dette ainsi que l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM), lit-on sur la page de conclusion de l’Eurogroupe. La recommandation sera soumise pour approbation au Conseil européen pour seulement ensuite être officiellement adopté par le Conseil.

A cet égard, Jeroen Dijsselbloem a noté qu’au sein de l'Eurogroupe au cours de l'année à venir, "nous allons répondre à toutes ces questions, qui seront à notre ordre du jour, plus en profondeur".

Consultations menées par le FMI avec la zone euro au titre de l'article IV 

Le FMI a par ailleurs informé l'Eurogroupe des principales conclusions de la mission intermédiaire qu'il a menée dans le cadre des consultations au titre de l'article IV, qui s'est déroulée au cours de la première quinzaine de décembre 2015 et les ministres se sont dits d’accord avec l'évaluation du Fonds sur les perspectives économiques pour la zone euro et ses défis politiques, lit-on sur la page de conclusion.

Jeroen Dijsselbloem s’est dit  à ce propos "heureux d'annoncer que nos évaluations (FMI et de Commission) de la situation économique et des priorités politiques sont en étroit alignement". Alors que la reprise se poursuit et s’accélère, le FMI juge que l'orientation budgétaire de la zone euro est appropriée et le Fonds se montre "très favorable" à la politique monétaire accommodante de la BCE, a-t-il ajouté, tout en notant certaines critiques de l’institution. Ainsi, le FMI juge que "nous avons beaucoup trop peu de capacité d'absorption des chocs dans nos économies tant du côté public que privé" et que le rythme des réformes, qui demeurent une priorité essentielle, "est une source préoccupation".

Pierre Moscovici a pour sa part indiqué que la Commission était "globalement en accord avec le Fonds à l'égard des perspectives économiques et aussi les risques de détérioration de la croissance" et qu’il n’y avait "pas de désaccord significatif" avec l’institution. La Commission est également d'accord avec le Fonds sur le fait que la politique budgétaire des Etats membres de la zone euro, dont l’orientation est actuellement neutre "et il nous semble opportun qu’elle le soit", devrait être davantage différenciée. Ainsi, "ceux disposant d’une marge budgétaire devrait l'utiliser pour financer l'investissement public", a-t-il ajouté, notant que comme le FMI, la Commission aimerait aussi voir les Etats membres profiter de l'aubaine d'intérêts inférieurs résultant de la politique accommodante de la BCE pour réduire leur niveau d'endettement.

La mission finale aura lieu et le rapport complet sera disponible plus tard dans l'année.

Discussion thématique sur la croissance et l'emploi : cadres nationaux en matière d'insolvabilité

L'Eurogroupe a également entamé une discussion sur les cadres nationaux en matière d'insolvabilité, qui était l’une des recommandations pour la zone euro formulée dans le cadre du Semestre européen 2015. A cet égard, les conclusions précisent que l’Eurogroupe convient que la question des cadres d'insolvabilité est particulièrement pertinente pour la zone euro, "en particulier dans la lutte contre le surendettement, et aussi parce que les économies de la zone euro sont sujettes à des effets d’entraînement".

Dans ce contexte, les ministres italiens, irlandais et portugais ont pu faire part de leur expérience respective sur les réformes qu'ils ont menées dans les dernières années sur la question de l'insolvabilité, un échange sur les "leçons apprises" qui a "une valeur en soi", a souligné le président de l’Eurogroupe.

Le commissaire européen Pierre Moscovici s’est félicité pour sa part d’une discussion fructueuse, jugeant que qu’à travers la zone euro, les cadres d'insolvabilité "variaient considérablement", ce qui "entrave l'intégration financière et les investissements transfrontaliers". Or, "les niveaux d'endettement privé très élevés dans la zone euro signifient que des cadres d'insolvabilité efficaces sont particulièrement importants afin d'aider les emprunteurs et les prêteurs pour se remettre de difficultés économiques", a-t-il relevé.

"La prochaine étape que nous voulons est l’établissement d’un certain nombre de principes qui pourront être utilisés également pour évaluer les cadres d'insolvabilité que nous avons en tant qu’Etat membres" et qui viseront à améliorer le caractère effectif  et l'efficacité de ces cadres, a poursuivi Jeroen Dijsselbloem. Cet ensemble de principes communs, qui seront développés avec l’aide de la Commission, pourraient porter sur la rapidité des procédures, la clarté dont les investisseurs et les créanciers disposent à l'avance et les coûts des procédures. L’Eurogroupe reviendra sur le sujet en avril ou en mai 2016, a-t-il encore dit.

Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB)

Le président de l'Eurogroupe a par ailleurs informé les ministres du fait que les dix Etats membres de la zone euro qui participent actuellement à l'AIIB, dont le Luxembourg, avaient convenu de former un groupe unique de la zone euro au sein de la banque, ce qui est "un signal important en vue d'une coopération forte au sein de l'Eurozone", a-t-il souligné.