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Justice, liberté, sécurité et immigration - Traités et Affaires institutionnelles
Jean Asselborn confie au micro de la radio suisse RTS ne pas pouvoir imaginer que la Commission "pratique une politique d’exclusion à l’encontre d’un pays"
28-01-2016


www.rts.chInvité du Journal du matin de la Radio suisse RTS le 28 janvier 2016, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes s’est exprimé au micro du journaliste Simon Matthey-Doret au sujet des différents thèmes qui font l’actualité, et notamment des déclarations faites la veille par la Commission européenne concernant "les graves manquements de la Grèce dans la gestion de ses frontières extérieures".

En réaction aux propos du journaliste, qui évoque une "attaque" contre la Grèce, Jean Asselborn nuance la lecture qui peut être faite de cette annonce.  "Je ne suis pas sûr que la Commission ait vraiment attaqué la Grèce. Nous savons tous, et la Grèce le sait aussi, que des progrès sont à faire en ce qui concerne la gestion de la frontière", explique ainsi le chef de la diplomatie luxembourgeoise en précisant aussi qu’il n’y a "aucun moyen juridique de mettre un pays membre de Schengen, en dehors de la zone Schengen". Jean Asselborn ajoute ne pas pouvoir "imaginer" que la Commission "pratique maintenant une politique d’exclusion à l’encontre d’un pays".

Dans le cadre de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, rappelle le ministre, "nous avons décidé que la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne est une affaire de tout le monde, une affaire de tous les pays européens, peut-être même de tous les pays de Schengen". Il souligne aussi qu’il y a "une volonté de la Grèce d’accepter l’aide, la structure européenne, et il faut travailler sur ce sujet-là".

Lorsque Simon Matthey-Doret lui demande si la polémique qui a marqué la réunion informelle des ministres des Affaires intérieures et de l’immigration à Amsterdam le 25 janvier 2016 n’a pas pour but de "donner plus de pouvoir à Frontex en faisant pression sur la Grèce", Jean Asselborn répond qu’il n’y a "pas besoin de faire pression pour savoir qu’on doit avoir un "Frontex plus" avec un droit d’initiative si vraiment il y a péril dans la demeure, et c’est actuellement le cas, pour aider à gérer les frontières extérieures". La Grèce est déjà sous une "énorme pression", souligne Jean Asselborn. Le chef de la diplomatie luxembourgeoise évoque aussi la réflexion lancée en septembre dernier par la France au sujet de la création d’un corps de garde-frontières européen, qui a débouché sur la proposition faite en ce sens par la Commission européenne le 15 décembre dernier. "Lundi à Amsterdam, tout le monde était d’accord", rapporte Jean Asselborn en mentionnant la réunion informelle du 25 janvier dernier. "Bon, il faut évidemment régler les détails", précise-t-il toutefois.

"Ce n’est pas une logique de punition, c’est une logique de soutien, et il faut un plan opérationnel donc de "Frontex plus" avec les pays concernés pour que cela puisse être mis en œuvre", explique encore le chef de la diplomatie luxembourgeoise selon qui "Schengen ne fonctionne que si on est capable de gérer les frontières extérieures".

L’Europe a toujours été considérée comme un défenseur de l’État de droit, des valeurs fondamentales, de la démocratie, mais "on est en train de jouer en Europe ces derniers mois un jeu qui est devenu pour beaucoup incompréhensible"

Simon Matthey-Doret revient alors sur les difficultés rencontrées en septembre dernier par la présidence luxembourgeoise pour parvenir à un accord unanime sur la relocalisation de réfugiés arrivés en Grèce et en Italie. Face à l’opposition des pays du groupe de Visegrad, un accord avait pu être dégagé à la majorité qualifiée. Jean Asselborn juge "difficile d’accepter qu’on refuse des migrants – quelques centaines de migrants dans des pays qui comptent quand même plusieurs millions d’habitants". Le ministre fait part de son "incompréhension" devant le fait que des pays "ayant accepté l’Acquis communautaire, étant membre de l’Union européenne" puissent "dire qu’on ne peut pas accepter des gens qui ont peut-être une religion différente des religions que nous pratiquons ici, ou qui aient une couleur de peau différente de la plupart de nous ici en Europe". Comme il l’avait déjà fait juste après ce vote, Jean Asselborn insiste sur le fait qu’il "ne faut pas mettre tous les pays qui ont ces réflexions-là, dans le coin", mais il souligne aussi qu’il faut "quand même qu’on discute sur les valeurs".

"Vous savez que sur la planète entière l’Europe était toujours considérée, et j’espère que ça va rester, comme un défenseur de l’État de droit, des valeurs fondamentales, de la démocratie, etc. Maintenant on est en train de jouer en Europe ces derniers mois un jeu qui est devenu pour beaucoup incompréhensible", conclut Jean Asselborn sur ce point.

"On ne peut pas dire aux gens que nous allons maintenant strictement limiter les entrées, parce que c’est impossible"

Interrogé sur "le projet de l’Autriche de plafonner le nombre de réfugiés", Jean Asselborn précise qu’il y a un d’un côté un parti en Autriche qui voudrait une limite absolue des entrées, tandis que le chancelier a lui parlé d’une "Richtgrenze", c’est-à-dire une limite qui n’est pas absolue. "On ne peut pas dire aux gens que nous allons maintenant strictement limiter les entrées, parce que c’est impossible", rappelle le ministre en expliquant que, "en tant qu’Union européenne et État membre de l’Union européenne, nous devons respecter la Convention de Genève".

Pour Jean Asselborn, il vaudrait mieux mettre son énergie pour essayer d’aller aux sources du problème, c’est-à-dire en Syrie, en Turquie et en Libye. Que ce soit en Syrie ou en Libye, où on est "dans une situation très, très difficile" selon lui, il faut "tout miser sur la diplomatie" et "mettre tout notre poids de politique étrangère" pour aider à trouver un cessez-le-feu en Syrie, et construire un embryon de stabilité en Lybie. En ce qui concerne la Turquie, Jean Asselborn indique que "nous n’avons pas seulement le droit, mais l’obligation de critiquer ce qui se passe en Turquie dans beaucoup de domaines", mais aussi que "dans le domaine des réfugiés, (…) la Turquie a quand même donné une chance à deux millions de personnes de vivre au moins en sécurité". Du point de vue de Jean Asselborn, il faut donc aider la Turquie à donner à ces gens une perspective.

"La libre circulation est un très grand acquis de l’Union européenne" et qu’il n’est pas question de le "défigurer" suite à la votation suisse de février 2014

Interpellé par le journaliste qui demande s’il ne serait pas temps de faire des concessions dans le domaine de la libre circulation étant donnée la bonne volonté dont fait preuve la Suisse dans nombre de dossiers, Jean Asselborn réaffirme la ligne qu’il défend depuis la votation suisse de février 2014, à savoir que "la libre circulation est un très grand acquis de l’Union européenne" et qu’il n’est pas question de le "défigurer". Il ne manque pas de saluer le dialogue qui continue entre la Suisse et l’Union européenne, malgré les difficultés rencontrées dans la volonté de parvenir à une solution.

"En ce qui concerne le Royaume-Uni, c’est l’acquis social qui est en débat"

Simon Matthey-Doret évoque enfin la possibilité que l’UE se montre "un peu plus accommodante avec la Suisse" si elle devait "accorder des mesures spéciales au Royaume-Uni en matière de circulation des travailleurs". Jean Asselborn refuse le parallèle qui est fait par le journaliste. En ce qui concerne le Royaume-Uni, explique-t-il, les tractations sur les exigences formulées en novembre dernier par David Cameron continuent [la question est à l’ordre du jour du Conseil européen de février prochain, ndlr] et le problème est tout à fait différent : "Il n’y a pas de limitation du nombre de gens qui veulent arriver en Grande-Bretagne. Mais c’est l’acquis social qui est en débat". Et le débat est aussi très important, souligne le ministre en rappelant que la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE avait mis l’accent sur le triple A social de la Commission. "Donc ce ne serait pas vraiment la même ligne si on coupait maintenant les allocations sociales pour les travailleurs européens qui vont en Grande-Bretagne", commente-t-il.