Un rapport commandé par le groupe des Verts au Bundestag allemand, dont les résultats ont été rendus publics le 25 février 2016, constate que la centrale nucléaire de Cattenom présente de graves défauts en matière de sécurité. Rédigé par l'expert en ingénierie nucléaire, Manfred Mertins, il estime que la centrale devrait être immédiatement fermée.
L’expert parle de graves lacunes par rapport aux normes internationales. Il pointe surtout le fait que la remise à niveau de la centrale après la catastrophe de Fukushima s’est limitée à moderniser le fonctionnement numérique des processus de production et les systèmes d’alerte. Mais la sécurité et la protection des personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la centrale n’a pas été concernée par ces travaux, affirme son rapport. Elle reste vulnérable par rapport aux tremblements de terre, aux inondations et aux avions qui tomberaient sur sa chape. Si plusieurs agrégats de dépannage et autres systèmes d’urgence prévus pourraient défaillir, rien ne pourrait arrêter une fonte du noyau nucléaire.
Les Verts allemands ont pour cette raison demandé la fermeture immédiate du site pour "danger imminent" et appelé à cette fin à des négociations avec la France.
La démarche des Verts allemands a conduit la ministre luxembourgeoise de la Santé, Lydia Mutsch, et la ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carole Dieschbourg, à réitérer leur revendication envers les autorités françaises d’appliquer scrupuleusement la nouvelle directive 2014/87/Euratom. Celle-ci établit un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.
De par cette directive, il deviendra en effet obligatoire d’orienter les améliorations de sûreté aux objectifs imposés pour un nouveau réacteur. La question de l’amélioration de la sûreté nucléaire est d’ailleurs régulièrement évoquée dans le cadre des réunions bilatérales entre le Luxembourg et la France. Les deux ministres estiment que "de ce qui ressort du journal allemand, les critiques énumérées dans le rapport semblent rejoindre celles exprimées lors du stress test réalisé en 2012 par l’expert engagé conjointement entre la Rhénanie-Palatinat, la Sarre et le Luxembourg. Les autorités luxembourgeoises vont en échanger également avec leurs homologues allemands."
En outre, les ministres de la Santé et de l’Environnement estiment judicieux que la Commission européenne donne son avis sur le rapport, notamment en ce qui concerne les critiques liées aux travaux réalisés afin d’améliorer la sûreté conformément aux mesures fixées suite au stress test mentionné ci-dessus. Une demande y relative sera introduite à la Commission.
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, qui est aussi coordinateur pour les questions énergétiques au sein du groupe des Verts/ALE au Parlement européen et qui vient d’être consacré le 24 février dernier cinquième leader institutionnel le plus influent en la matière dans l’UE, a également réagit avec véhémence.
Dans un communiqué diffusé le 26 février, il reproche au gouvernement français et à l‘Autorité de sûreté nucléaire de ne pas avoir respecté leur engagement de remettre à niveau les centrales françaises et de réduire les risques de sécurité, et cela notamment à Cattenom, ce qui "constitue une mise en danger inadmissible des personnes dans la région." Continuer à l’exploiter alors que ses systèmes de sécurité sont désuets, c’est pour lui "comme faire rouler une voiture sans freins".
Claude Turmes craint que ce ne soit la situation difficile d’EDF, l’entreprise qui exploite Cattenom, et d’AREVA, le spécialiste français en technologie nucléaire, qui ait empêché que des investissements urgemment nécessaires soient effectués à Cattenom comme dans le reste du parc nucléaire français. Il dénonce particulièrement l’intention d’EDF de vouloir étendre l’exploitation de Cattenom à 60 ans, alors qu’elle n’était initialement prévue que pour 30 ans.
Claude Turmes s’en prend ensuite à la Commission européenne, et à son président, Jean-Claude Juncker, qui doit présenter dans les prochaines semaines son programme nucléaire appelé "Illustrative Programme for Nuclear Energy" ou PINC. "Un premier projet que j’ai sous les yeux montre que la Commission ignore complètement la problématique des réacteurs vétustes", dit-il, et il se demande : "comment est-il possible que la nouvelle Commission, après Fukushima et dirigée par un Luxembourgeois, puisse être encore plus bienveillante à l’égard de l’énergie nucléaire."