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Justice, liberté, sécurité et immigration - Marché intérieur
France Stratégie estime à 100 milliards d’euros les conséquences économiques d'un abandon des accords de Schengen pour les pays européens
03-02-2016


france strategieSelon une étude publiée le 3 février 2016 par France Stratégie, un organisme de réflexion, d’expertise et de concertation placé auprès du Premier ministre français, les conséquences économiques d'un abandon des accords de Schengen seraient de 100 milliards d’euros pour l’ensemble des pays européens, soit 0,8 point de PIB. À long terme, des contrôles permanents et étendus aux frontières réduiraient de 10 % à 20 % les échanges commerciaux entre les pays de l'espace Schengen D’autres effets sont à envisager, notamment une perte de mobilité pour les travailleurs ou une réduction des investissements directs et des flux financiers, mais ils restent difficiles à évaluer, note France Stratégie dans un communiqué de presse.

L'étude analyse les coûts de la fin de l'espace Schengen de libre circulation à travers deux scénarios.

Le premier prévoit un contrôle réduit des passages aux frontières pour les voitures particulières et un contrôle perlé des camions entraînant des ralentissements modérés aux frontières. Le second décrit un contrôle renforcé des passages en voitures particulières et un contrôle systématique des camions induisant un doublement des temps de passage par rapport au 1er scénario.

Des effets sur le travail frontalier, les échanges commerciaux et les flux financiers, notamment

À court terme, ce sont le travail frontalier, le tourisme et le transport de marchandises qui seraient directement touchés.

Le rétablissement des contrôles aux frontières aura un impact significatif sur le quotidien des travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg (où le nombre de travailleurs frontaliers français s’élève à près de 83 000 en 2014), en Suisse ou en Espagne, note le rapport.

L’allongement de leur temps de trajet domicile-travail entraîne pour ces personnes une perte de bien-être qui peut être évaluée économiquement par le montant que celles-ci seraient prêtes à payer pour réduire à nouveau ce temps. Dans le scénario 1, le coût socio-économique d'une augmentation du temps de passage de la frontière pour les travailleurs frontaliers français serait de 723 euros/an. Par ailleurs, on peut envisager que des mesures de contrôle réduisent les opportunités de travail frontalier, estime le rapport.

En raison d’une baisse de fluidité, la pérennisation des contrôles aux frontières aurait donc un impact négatif sur le nombre de frontaliers travaillant à l’étranger comme sur les flux de touristes et de marchandises. Par ailleurs, si la liberté de mouvement des personnes, en particulier des travailleurs en Europe, n’est théoriquement pas liée aux accords de Schengen, ceux-ci contribuent cependant à la faciliter, notent les auteurs du rapport.

Par ailleurs, à long terme, des contrôles permanents et étendus aux frontières réduiraient de 10 % à 20 % les échanges commerciaux entre les pays de l'espace Schengen. Cela reviendrait à introduire une taxe de 3 % sur le commerce entre pays de la zone et se traduirait par une perte d'au moins 0,5 % du PIB pour la France, soit 10 milliards d'euros, indique France Stratégie.

Outre les effets sur le commerce international, la baisse des flux migratoires agit aussi sur les flux financiers. Comme pour le commerce extérieur, la diminution des flux transfrontaliers de personnes exerce un impact sur les investissements indirects et de portefeuille. Toutefois, les conséquences sur le niveau de PIB sont plus difficiles à quantifier, notent les auteurs.

« Bien que les estimations varient, le coût de la suppression de l'espace Schengen sera très, très élevé », a commenté Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission européenne, révèle une dépêche de l’Agence Europe.

Dans ses prévisions économiques d'hiver publiées le 4 février 2016, la Commission européenne met en exergue les risques de la fin de la libre circulation dans l'espace Schengen, remise en cause par la crise migratoire. "Une suspension plus généralisée et des mesures mettant à mal les réalisations du marché intérieur pourraient avoir potentiellement un impact perturbateur sur la croissance économique", prévient-elle.

Lors de ses vœux 2016 à la presse en janvier 2016, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker avait estimé que « les contrôles aux frontières tels qu'ils fonctionnent vont nous coûter trois milliards d'euros si on continue comme ça ».  

Le contexte

Cette étude intervient alors que plusieurs Etats membres (Allemagne, Autriche, Suède, Danemark et Norvège)  ont rétabli des contrôles provisoires aux frontières en 2015 suite à l’arrivée massive de réfugiés fuyant la guerre en Syrie et l’instabilité au Moyen-Orient, ou encore dans le cadre de l’état d’urgence suite aux attentats de Paris du 13 novembre pour le cas de la France.

En décembre 2015, la possibilité de prolonger le contrôle aux frontières intérieures avait été évoquée par les ministres européens de l’Intérieur réunis en Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) à Bruxelles.

La question avait été une nouvelle fois abordée lors de la réunion informelle JAI à Amsterdam le 25 janvier 2016, un grand nombre d’Etats membres, dont le Luxembourg, s’exprimant à nouveau en faveur de l’activation de l’article 26 du code frontières Schengen permettant aux Etats membres de réintroduire des contrôles aux frontières intérieures pour une durée de six mois renouvelable pour une durée maximale de deux ans.

Le 2 février 2016, la Commission a aussi adopté un rapport d'évaluation sur la situation migratoire de la Grèce et la façon dont elle gère les frontières extérieures de l'UE, constatant de graves manquements au contrôle des frontières extérieures de la part de la Grèce. Ce rapport formule un certain nombre de recommandations à la Grèce, et stipule que si, trois mois après l'adoption des recommandations du Conseil, des manquements graves persistent et si les mesures prises s’avèrent insuffisantes pour y remédier correctement, la Commission peut déclencher l’application de la procédure prévue à l’article 26 du code frontières Schengen.