Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) se sont retrouvés les 5 et 6 février 2016 à Amsterdam pour une réunion informelle "Gymnich", où ils ont fait le point sur l’actualité politique internationale. Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, y représentait le Luxembourg. Les discussions ont tout d’abord porté sur l’élaboration de la nouvelle stratégie globale de l’Union européenne sur la politique étrangère et la sécurité, en présence des ministres de la Défense de l’UE. Les ministres des Affaires étrangères se sont ensuite penchés sur les relations de l’UE avec la république islamique d’Iran, avant de faire un tour d’horizon de l’actualité régionale au Proche et Moyen-Orient. Enfin, la réunion a permis aux ministres d’aborder la politique migratoire de l’UE, en présence de leurs homologues de la Turquie et des pays candidats à l’adhésion situés sur la route occidentale des Balkans. Jean Asselborn a appelé à à continuer à faire tous les efforts pour trouver des solutions européennes à la crise, alors que la Grèce a une fois de plus été pointée du doigt par certains pays d’Europe centrale.
La réunion a été l'occasion pour les ministres de l'UE d’avoir un échange de vues avec leurs homologues des pays candidats (Turquie, Monténégro, Serbie, Albanie et Ancienne République yougoslave de Macédoine) sur la crise migratoire et les défis particuliers qu'affrontent la Turquie et les autres Etats pays candidats situés le long de la route des Balkans occidentaux.
Lors de la réunion, le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, a émis l’idée de mettre en place, si besoin, des contrôles à la frontière nord de la Grèce pour protéger l’Europe centrale des flux incontrôlés de réfugiés, comme on peut le lire dans une dépêche de la dpa.
"Si nous ne gérons pas la frontière entre la Turquie et la Grèce, la seule possibilité sera de coopérer avec la Slovénie, la Croatie, la Serbie et la Macédoine, pour protéger l'espace Schengen de notre mieux", a –t-il dit, après avoir proposé de mettre en place des missions militaro-policières en Macédoine et en Serbie, où les soldats de l’UE pourraient s’occuper de sécuriser la frontière et d’enregistrer les réfugiés, rapporte une dépêche de l’AFP.
La Grèce est en effet pointée du doigt par la Commission européenne pour avoir "sérieusement négligé ses obligations" dans la gestion de l'afflux de migrants, mettant en danger le fonctionnement de la zone de libre-circulation.
"Nous devons dès maintenant discuter en parallèle avec la Serbie et la Macédoine", a expliqué le ministre autrichien. "Si les Grecs sont prêts (à stopper l'afflux de réfugiés, ndrl), bien. Sinon, nous trouverons d'autres moyens", a t-il menacé.
De son côté, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto ,a estimé que l'UE était "sans défense au Sud". Il a indiqué que si la Grèce n’était pas prête ou pas en mesure de protéger l’espace Schengen, alors il faudrait "trouver une ligne de défense, comprenant à l'évidence la Macédoine et la Bulgarie", indique l’AFP.
Leur homologue grec Nikos Kotzias a pour sa part reproché aux pays d’Europe centrale de vouloir isoler la Grèce. "Le premier pays qui cherche à trouver une solution, c’est nous", a-t-il dit, ajoutant qu’en plus de la crise financière et de la crise des réfugiés, il fallait s’attendre en Grèce à une "crise du tourisme" puisque le nombre de réservations de nuits d’hôtel dans les îles grecques à l’est de la mer Egée avait presque diminué de moitié en raison de l’afflux de réfugiés sur ces îles.
A son arrivée au Conseil, le ministre luxembourgeois Jean Asselborn a mis en garde contre une nouvelle grande vague de réfugiés si les bombardements indiscriminés à Alep et dans d'autres zones de Syrie ne cessent pas. Il a appelé à continuer à faire tous les efforts pour trouver des solutions européennes à la crise, en soulignant que "les réflexions de certains d'utiliser des armes à nos frontières pour nous protéger sont irresponsables", faisant allusion aux déclarations de leaders du parti de droite extrême allemand AFD . "Ces réfugiés fuient les bombardements et les tirs dans leur pays - et nous les accueillerions ici avec de nouveaux tirs ?", a –t-il demandé. Au sujet des "secousses droitières" qui émergent dans "certains pays européens, même des pays importants", Jean Asselborn a appelé à ne pas perdre la face.
Concernant la Turquie, le ministre a indiqué qu’elle devait faire des efforts en matière de migration, soulignant que "nous n'avons pas de compétences pour dire à la Turquie ce qu'elle doit faire". Lors de la réunion, les ministres européens des Affaires étrangères ont en effet rappelé à la Turquie son devoir, au regard du droit international, d'accueillir les milliers de réfugiés syriens bloqués à sa frontière après avoir fui une offensive de l'armée du régime appuyée par l'aviation russe, indique l’AFP.
L’UE et la Turquie UE doivent "se mettre ensemble pour trouver des solutions", a dit le ministre Asselborn, alors qu’un sommet UE-Turquie s’était tenu à Bruxelles le 29 novembre 2015 où l’UE s’était résolue à fournir à la Turquie une première enveloppe de ressources supplémentaires de 3 milliards d'euros afin de l'aider à faire face au nombre élevé de réfugiés syriens se trouvant sur son territoire.
Lors de sa conférence de presse, la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a indiqué que l’UE avait une responsabilité partagée avec les pays candidats en ce qui concerne la migration. "Soit nous trouvons une solution commune, soit nous ne trouvons pas de solution du tout", a-t-elle dit.
Elle a également indiqué que tous les ministres s’étaient accordés pour mettre en œuvre les décisions prises en 2015, qu’il s’agisse des décisions internes à l’UE ou des politiques externes comme celles en relation avec la Turquie, la Syrie, la nécessité de distinguer réfugiés et demandeurs d’asile des migrants, et la protection des frontières extérieures.
En présence des ministres de la Défense de l'UE, les ministres des Affaires étrangères se sont penchés sur l'élaboration de la nouvelle stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité, que la Haute Représentante Federica Mogherini doit présenter au Conseil européen de des 23 et 24 juin 2016.
Dans cette nouvelle stratégie, l'UE définira ses intérêts et ses priorités de politique étrangère de sécurité pour les cinq à dix années à venir, et déclinera les instruments de mise en œuvre dont elle dispose pour sa politique étrangère, y compris dans le domaine de la politique de sécurité et de défense communes.
Le sujet de la Libye a été au cœur des discussions des ministres de la Défense de l’UE, en présence du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. Les ministres se sont dit prêts à faire davantage pour soutenir un éventuel gouvernement d'unité en Libye, où la menace djihadiste s'accentue, peut-on lire dans une dépêche AFP.
Les relations de l'UE avec la république islamique d'Iran ont également été au cœur des discussions. Après l'entrée en vigueur le 16 janvier 2016 de l'accord sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions économiques et financières de l'UE, l'Union travaille à la normalisation de ses relations avec l'Iran. Le dialogue avec l'Iran couvrira désormais des domaines comme l'énergie, le commerce, les migrations, les droits de l'homme et les questions de politique régionale, indique un communiqué de presse du gouvernement luxembourgeois.
Le ministre Asselborn a salué cette nouvelle étape dans les relations UE-Iran, indiquant que la situation en Iran, en amont des élections, mais aussi dans la région et dans le monde musulman, restait complexe, note le communiqué. L'Iran est un acteur clé au Moyen-Orient avec lequel l'UE doit s'engager pleinement pour l'inciter à jour un rôle constructif dans la résolution des crises régionales.
Lors de la conférence de presse, Federica Mogherini a souligné une "très bonne discussion" sur l’Iran et la façon d’avancer après l’entrée en vigueur de l’accord. Elle a indiqué avoir informé les ministres des préparations en cours pour le dialogue de haut niveau et sur les "lignes communes" pour les relations UE-Iran.