Le 4 mars 2016, le gouvernement suisse a présenté un paquet législatif visant à mettre en œuvre les restrictions à l’immigration découlant des résultats de la votation du 9 février 2014 "contre l’immigration de masse".
Lors de ce référendum, une courte majorité de citoyens s’était prononcée pour l’introduction de quotas, remettant en cause l’Accord de libre-circulation des personnes (ALCP) entre l’UE et la Suisse. Le texte prévoyait un délai de trois ans au gouvernement pour adopter les mesures nécessaires afin d'assurer une mise en œuvre des restrictions le 9 février 2017.
Le Conseil fédéral de la Confédération suisse a confirmé son intention de poursuivre les discussions en cours avec l’UE afin de parvenir à une solution consensuelle et de consolider ainsi la voie bilatérale. Mais comme aucun accord n’a pu être trouvé à ce jour et que les négociations sont maintenant en suspens en attendant le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE, le gouvernement a décidé de prendre les devants en préparant un projet de loi qui prévoit une clause de sauvegarde unilatérale dans le cas où un accord avec l’UE ne serait pas trouvé à temps. Si, au contraire, les pourparlers doivent se conclure par un accord, le Conseil fédéral entend veiller à ce que les résultats des négociations soient pris en compte dans les délibérations parlementaires.
La clause de sauvegarde unilatérale proposée prévoit que le Conseil fédéral détermine chaque année un montant maximal de ressortissants des Etats membres de l’UE ou de l’AELE autorisés à venir vivre et travailler en Suisse. Si ce "seuil de déclenchement" est dépassé, le gouvernement pourra mettre en place des contingents contraignants qui détermineront "les types d’autorisation et les buts de séjour auxquels ils s’appliquent. Le texte prévoit que de tels quotas puissent également être introduits pour les travailleurs frontaliers, et ce "pour éviter les effets de contournement".
Pour fixer ces quotas, le Conseil fédéral tiendra compte des intérêts économiques globaux de la Suisse, comme le prévoit sa Constitution, et des recommandations d’une commission de l’immigration qui doit encore être créée. En parallèle, il prévoit de prendre des mesures en vue "d’encourager le potentiel des travailleurs en Suisse" et d’adapter, si nécessaire, l’exécution de la législation sur les étrangers. L’objectif est ainsi de "réduire la demande de main-d’œuvre étrangère supplémentaire".
Simonetta Sommaruga, ministre suisse de l'Intérieur, a précisé devant la presse que les quotas pourraient entrer en vigueur vers 2019. Selon elle, le projet présenté est clairement "un plan B", car "le plan A", qui aurait été une solution négociée avec l'UE n'est pas possible pour l'instant.
Le gouvernement suisse a accompagné ce projet de loi d’une proposition de modification de la législation sur les étrangers visant à "améliorer l’application de l’ALCP".
Concrètement, explique le communiqué de presse du gouvernement, "il s’agit d’éviter que des étrangers qui sont à la recherche d’un emploi en Suisse puissent y toucher des prestations d’aide sociale".
Le projet de loi définit aussi les critères selon lesquels un ressortissant d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE perd son droit de séjour en cas de cessation des rapports de travail.
En pratique, en cas de perte involontaire de l’emploi durant les douze premiers mois de séjour en Suisse, les titulaires d’une autorisation de courte durée UE/AELE ou de séjour UE/AELE conservent leur droit de séjour pendant encore six mois après la perte involontaire de leur emploi ou jusqu’à l’échéance du versement des indemnités de chômage lorsque celui-ci excède le délai de six mois. Durant ces délais, ils n’ont pas droit à l’aide sociale.
En cas de perte involontaire de l’emploi après les douze premiers mois de séjour en Suisse, les titulaires d’une autorisation de séjour UE/AELE conservent leur droit de séjour durant les six mois qui suivent la perte involontaire de leur emploi ou durant les six mois qui suivent l’échéance du versement des indemnités de chômage. Durant ces délais, ils peuvent percevoir de l’aide sociale.
Le Conseil fédéral prévoit aussi d’exclure au niveau fédéral du régime de l’aide sociale, les étrangers qui viennent en Suisse dans le seul but d'y chercher un emploi, cette exclusion étant valable également pour les membres de leur famille.
Désormais, la loi contiendra également une disposition prévoyant un échange de données entre les autorités en cas de versement de prestations complémentaires.
En outre, le Conseil fédéral a adopté un message additionnel sur les dispositions de la loi sur les étrangers qui portent sur l’intégration. Pour renforcer les effets de "l’initiative visant à combattre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en exploitant mieux le potentiel indigène", le Conseil fédéral propose une série de mesures dans le domaine de l’asile. Afin que les personnes autorisées à demeurer en Suisse puissent accéder plus facilement à une activité lucrative, il propose de simplifier les procédures d’autorisation et de supprimer l’obligation de verser la taxe spéciale.
Le même jour, le gouvernement suisse a aussi donné son feu vert à l’extension de l’ALCP à la Croatie, ouvrant ainsi la voie à une approbation par le Parlement. Désormais, la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE sera également valable pour les ressortissants croates.
Le protocole qui en règle les modalités est désormais signé, mais il ne sera toutefois ratifié que lorsqu’une "solution compatible avec l’ALCP" aura été trouvée.
Pour rappel, après le vote du 9 février 2014, le gouvernement suisse estimait ne plus être en mesure de signer le protocole prévu concernant les Croates. L'UE avait aussitôt réagi en suspendant la participation de la Suisse au programme européen de recherche Horizon 2020 et au programme européen d'échange d'étudiants Erasmus.
Comme le souligne le communiqué du gouvernement helvétique, la signature de ce protocole constitue une étape importante d’un processus devant permettre la pleine association de la Suisse au programme-cadre de recherche Horizon 2020. En effet, s’il n’était pas ratifié d’ici à février 2017, la Suisse serait considérée, à titre rétroactif à partir du 1er janvier 2017, comme un Etat tiers dans ce programme qui, souligne le Conseil fédéral, "revêt une importance capitale pour la recherche et l’économie" du pays. Les chercheurs suisses ne pourraient dès lors participer aux projets qu’en tant que partenaires externes, c’est-à-dire sans bénéficier d’un financement de l’UE. Une "mise à l’écart" qui "serait aussi dommageable pour la réputation de la Suisse comme place de recherche", précise le communiqué.