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L’UE gèle la participation suisse à Horizon 2020 et à Erasmus + suite au refus de Berne d’étendre l’ouverture de son marché du travail à la Croatie, le 28e Etat membre
16-02-2014


Le pavillon de la SuisseL’Union européenne a suspendu les négociations sur la participation suisse aux programmes européens de recherches "Horizon 2020" et d’échanges académiques "Erasmus +", a annoncé le dimanche 16 février 2014 Joe Hennon, un porte-parole de la Commission européenne, répondant aux questions de l’Agence France Presse (AFP).

Ce gel est la première conséquence directe de la votation suisse "contre l’immigration de masse" du 9 février et, plus directement, de la première décision concrète prise en conséquence par Berne de ne pas ouvrir son marché du travail aux Croates, comme l’a confirmé le gouvernement suisse le 15 février.

Les travailleurs croates victimes collatérales

Devenu le 28e membre de l'UE le 1er juillet 2013, la Croatie s’est en effet retrouvée dans la situation de victime collatérale du référendum lors duquel 50,3% des électeurs suisses ont voté en faveur d'une limitation de l'immigration. Un vote qui implique la remise en cause de l’accord existant permettant aux citoyens européens d'accéder librement au marché du travail suisse et qui devait être étendu, via la signature d’un accord bilatéral, au nouvel Etat membre croate.

Pour mémoire, l’idée de la votation était d’inscrire un nouvel article dans la Constitution fédérale permettant la limitation de l'attribution des autorisations de séjour par des plafonds et des contingents annuels, "fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse", et introduisant la préférence nationale, qui serait accordée, sur le marché du travail, aux ressortissants suisses vis-à-vis des étrangers. L'initiative populaire prévoit en outre qu'aucun traité international contraire à ce nouvel article ne pourra être conclu et, dans ses dispositions transitoires, que le gouvernement a trois ans pour modifier les traités internationaux contraires à ce nouvel article, dont l'Accord de libre circulation des personnes avec l'UE.

En conséquence de quoi, la ministre suisse de la Justice, Simonetta Sommaruga, a confirmé lors d’un entretien téléphonique avec la ministre croate des Affaires étrangères, Vesna Pusic, le15 février, que la Suisse ne signerait pas l’accord bilatéral en l’état. Le porte-parole du Ministère, Philippe Schwander, a précisé à l'AFP que la votation avait créé une "nouvelle disposition constitutionnelle" et que "la Suisse ne p[ouvai]t pas signer l'accord dans sa forme actuelle".

A la suite de la votation, plusieurs responsables européens avaient souligné que les décisions législatives qui en découleraient ne resteraient pas sans conséquences et que si la libre circulation devait être remise en cause, les relations seraient revues dans leur globalité. De son côté le gouvernement suisse, qui dispose selon les termes du référendum de trois années pour renégocier ses accords internationaux, avait simplement indiqué le 12 février qu'il comptait présenter un plan d'application de la décision du peuple suisse sur l'immigration avant juillet, puis présenter une proposition de loi d'ici la fin de l'année.

"Pour la Croatie, il est inacceptable d’être considéré durant les trois prochaines années comme un Etat tiers et pas comme un Etat de l’UE", a notamment déclaré l'ambassadeur croate à Berne, Aleksandar Heina, cité par la NZZ am Sonntag.

Une riposte européenne qui inquiète en Suisse

"Vu les circonstances et l'absence de signal politique clair jusqu'à présent, les prochaines négociations ont été suspendues jusqu'à ce que la Suisse signe" avec la Croatie un accord ouvrant l'accès de son marché du travail aux Croates, a notamment expliqué Joe Hennon selon des propos relatés par l'AFP. La participation de la Suisse à ces programmes pour la nouvelle période de financement, soit 2014 – 2020, serait donc clairement remise en cause.

Le porte-parole de la Commission a souligné que l’accord habilitant la Suisse à participer aux programmes européens de recherche "Horizon 2020" et d'échanges académiques "Erasmus +" était également "lié à la libre circulation des personnes". Dès lors, "il y a un lien étroit entre la participation de la Suisse à 'Horizon 2020' et 'Erasmus +' et l'accord bilatéral avec la Croatie", a-t-il estimé.

Pour mémoire, l'accord sur la recherche permet entre autres à des institutions comme l'Ecole polytechnique fédérale de Lausane (EPFL) de participer au programme européen de financement de la recherche alors que l'accord Erasmus permet pour sa part aux étudiants suisses d'aller étudier dans les pays européens. Près de 60 % des étudiants suisses partant étudier à l’étranger le feraient par ce biais.

Si la Suisse n'est pas membre de l'UE, celle-ci constitue son principal partenaire commercial et les conséquences de la riposte européenne inquiètent du côté suisse, comme le relève le quotidien helvète Le Temps. Dans son édition du 17 février, le quotidien genevois rappelle notamment les déclarations de Géraldine Savary, la présidente de la commission de la science et de l’éducation du Conseil des Etats, sur RTS Info. Selon elle, "la Suisse reçoit aujourd’hui beaucoup plus qu’elle ne donne. C’est une nouvelle catastrophique".

Cité par le site belge RTBF Info, Jérôme Gross, le porte-parole de l’EPFL, fait également part de ses craintes. "On veut rester dans la compétition européenne. Pour nous c'est un motif de survie. Au-delà des aspects financiers, il faut bien voir que la vraie conséquence, c'est une conséquence en termes académiques. La Suisse, les écoles polytechniques, les universités ne peuvent pas rester coupées de ce qui est ‘la ligue des champions européennes’", explique-t-il.

Selon un sondage publié dimanche par le journal suisse SonntagsBlick, 74% des personnes interrogées se prononcent contre une dénonciation par la Suisse des accords bilatéraux avec l'UE, alors que 19% sont pour et 7% n'ont pas d'avis.