Dans un arrêt rendu le 21 avril 2016, la Cour de Justice de l'UE (CJUE) considère qu'une demande de regroupement familial peut être rejetée par un Etat membre s'il ressort d'une évaluation prospective que le regroupant ne dispose pas de ressources stables, régulières et suffisantes durant l'année suivant la date de dépôt de la demande, rapporte le communiqué de presse de la CJUE.
En mars 2012, Mimoun Khachab, ressortissant d'un pays non membre de l'UE, résidant et titulaire d'un permis de séjour de longue durée en Espagne, s'était vu refuser la venue de son épouse au motif qu'il n'avait pas démontré qu'il disposait des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, une fois celle-ci regroupée. Les recours contre cette décision de refus avaient eux-mêmes été rejetés "au motif notamment que rien ne venait indiquer qu'il disposerait de ressources suffisantes pendant l'année suivant le dépôt de la demande de regroupement familial".
La directive sur le regroupement familial de 2003 dispose que les États membres doivent notamment autoriser l'entrée et le séjour du conjoint du regroupant, sous réserve du respect de certaines conditions, à savoir que le regroupant doit prouver qu'il dispose d'un logement, d'une assurance maladie ainsi que de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'État membre concerné. Les États membres peuvent rejeter une demande de regroupement familial ou, le cas échéant, retirer ou ne pas renouveler le titre de séjour d'un membre de la famille lorsque les conditions fixées par la directive ne sont pas ou plus remplies.
La législation espagnole précise que le permis de séjour en vue du regroupement des membres de la famille non UE doit être refusé s'il est établi avec certitude qu'il n'existe pas une perspective de maintien des ressources durant l'année suivant la date de dépôt de la demande. Et elle précise que cette perspective est évaluée en tenant compte de l'évolution des ressources que le regroupant a perçues au cours des six mois précédant la date de dépôt de la demande.
La cour supérieure de justice du Pays basque (Espagne), saisie en appel après le rejet d'une demande de regroupement par la sous-préfecture d'Alava, doutait de la compatibilité de la réglementation espagnole avec la directive sur le regroupement familial de 2003 et avait posé une question préjudicielle en ce sens à la CJUE.
Par son arrêt, la Cour déclare que la législation espagnole est compatible avec la directive. Elle signale tout d'abord que la directive permet aux États membres d'exiger la preuve que le regroupant dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille.
La directive prévoit expressément que les États membres doivent évaluer le caractère régulier des ressources du regroupant, ce qui implique une analyse périodique de l'évolution de celles-ci.
La Cour ajoute que, si le regroupant doit prouver qu'il dispose de ressources suffisantes au moment où sa demande de regroupement familial est examinée, ces ressources doivent également être stables et régulières, "ce qui implique un examen prospectif des ressources de la part de l'autorité nationale compétente".
La Cour souligne que cette interprétation est confortée par le fait que le champ d'application personnel de la directive est limité aux regroupants qui ont obtenu un titre de séjour d'au moins un an et qui ont une perspective fondée d'obtenir un titre de séjour permanent. L'évaluation de l'existence d'une telle perspective exige nécessairement un examen de l'évolution future de la situation du regroupant par rapport à l'obtention de ce titre de séjour. Par ailleurs, la possibilité de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour d'un membre de la famille, lorsque les conditions fixées par la directive ne sont plus remplies, implique que les États membres peuvent exiger que le regroupant dispose de ressources stables, régulières et suffisantes au-delà de la date de dépôt de la demande. Enfin, cette interprétation est confirmée par l'un des objectifs de la directive : la preuve relative au caractère stable, régulier et suffisant des ressources permet à l'État membre de s'assurer que tant le regroupant que les membres de sa famille ne risquent pas de devenir, pendant leur séjour, une charge pour son système d'aide sociale.
La Cour considère que la durée d'une année au cours de laquelle le regroupant doit pouvoir disposer de ressources suffisantes présente un caractère raisonnable et proportionné, étant donné que cette période correspond à la durée de validité du titre de séjour dont le regroupant doit au moins disposer pour pouvoir demander le regroupement familial.