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Justice, liberté, sécurité et immigration
Frontières intelligentes – La Commission européenne présente sa nouvelle mouture du règlement pour l'établissement d'un système d'entrée/sortie (EES) aux frontières extérieures de l'UE
06-04-2016


Commission européenneLe 6 avril 2016, la Commission européenne a présenté sa proposition révisée de règlement pour l'établissement d'un système d'entrée/sortie (EES). Elle s'inscrit dans le train de mesures sur les "frontières intelligentes", portant sur le rôle des systèmes d'information dans le renforcement de la gestion des frontières extérieures, de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. La proposition a pour but "d'accélérer, de faciliter et de renforcer les procédures de vérification aux frontières pour les ressortissants de pays tiers se rendant dans l'UE", explique le communiqué de presse de la Commission.

Ce système d'entrée/sortie permettra de moderniser la gestion des frontières extérieures en améliorant la qualité et l'efficacité des contrôles, et d'aider les États membres face à l'augmentation du volume de voyageurs qui entrent dans l'UE et qui en sortent. En 2015, plus de 50 millions de ressortissants de pays tiers se sont rendus dans l'UE. Il est prévu que les citoyens extra-communautaires  constituent le tiers des 887 millions de voyageurs qui devraient franchir ces frontières en 2025. Outre ces flux de voyageurs réguliers, le conflit en Syrie et les crises en d'autres endroits ont entraîné, pour la seule année 2015, 1,8 million de franchissements irréguliers des frontières aux frontières extérieures de l'Europe.

"Le recours aux nouvelles technologies peut nous aider à gérer le flux de voyageurs qui arrivent à nos frontières extérieures, tout en luttant contre la migration irrégulière et en renforçant notre sécurité intérieure. Aujourd'hui, il s'agit de combler une lacune importante dans nos systèmes d'information.", a commenté le commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, Dimitris Avramopoulos. Le système devrait permettre de renforcer la lutte contre les activités criminelles et les capacités d'interception d'individus membres d'organisations terroristes, qui profitent de l'absence d'enregistrement des franchissements de frontières par les ressortissants de pays tiers.

Le fonctionnement du système d'entrée/sortie

Le système d'entrée/sortie doit remplacer le système actuel d'apposition manuelle de cachets sur les passeports, lequel a pour désavantages qu'il prend du temps, qu'il ne fournit pas de données fiables sur le franchissement des frontières (ils peuvent être illisibles ou contrefaits), qu'il ne permet pas de détecter les personnes dépassant la durée de séjour maximale autorisée et qu'il n'est pas utile pour résoudre les cas de perte ou de destruction de documents de voyage. Il doit ainsi permettre une gestion efficace des séjours autorisés pour une courte durée, une automatisation accrue des contrôles aux frontières et une meilleure détection de la fraude documentaire et de la fraude à l'identité, souligne la Commission.

Le système d'entrée/sortie (EES) s'appliquera à tous les ressortissants de pays tiers admis pour un séjour de courte durée dans l'espace Schengen, à savoir 90 jours maximum sur une période de 180 jours. Seuls les membres de la famille de citoyens européens ou de ressortissants de pays tiers bénéficiant de la libre circulation qui ne disposent pas de carte de résidence seront soumis à l'EES.

Le système "facilitera le franchissement des frontières pour les voyageurs de bonne foi, la détection des personnes dépassant la durée de séjour maximale autorisée ainsi que l'identification des personnes voyageant sans papiers dans l'espace Schengen", dit la Commission européenne. Pour ce faire, il conservera des données alphanumériques (tels le nom, le type de document de voyage, les dates et lieux d'entrée et de sortie) et biométriques (une combinaison de quatre empreintes digitales et l'image faciale). Le projet de règlement prévoit que les autorités répressives des États membres et Europol auront accès au système sous réserve du respect de conditions strictes. Pour les personnes ayant dépassé le délai de 90 jours, une alerte basée sur l'EES pourra être créé dans le système VIS. Le système enregistrera aussi les refus d'entrée.

Des différences avec le premier projet de février 2013

En février 2013, la Commission avait fait une première proposition qui avait essuyé de nombreuses critiques quant au coût de l'opération et aux dangers qu'elle comporte en termes de restriction des droits fondamentaux. Dans un avis du 19 juillet 2013, le Contrôleur Européen de la Protection des Données avait considéré que le système Entrée/Sortie dans l'UE fondé sur des données biométriques proposé par la Commission était "coûteux, insuffisamment justifié et intrusif".

Dans sa nouvelle proposition, la Commission européenne souligne qu'elle a simplifié sa proposition de règlement révisé, puisque seul un système est désormais proposé. Le règlement relatif à un programme européen d'enregistrement des voyageurs (RTP) est retiré. De même l'interopérabilité entre le système EES et le système VIS, lequel est devenu depuis lors opérationnel, est un nouvel élément. Critiqué sur la somme de 1,1 milliards d'euros que devait coûter la première proposition, la Commission européenne évalue le coût de la mise en œuvre du nouveau projet aux alentours de 480 millions d'euros.

Concernant les critiques sur la rétention des données, le nouveau projet réduit "significativement" le nombre de données conservées, de 36 à 26. Au lieu de dix empreintes digitales, la nouvelle proposition prévoit le relevé de quatre empreintes digitales et de l'image faciale comme identifiants biométriques. Cela permet de “conserver la somme de données à un niveau raisonnable tout en accélérant les contrôles aux frontières et en permettant un usage plus large des 'systèmes en libre-service' aux points de franchissement des frontières", dit la Commission européenne. En effet, à l'avenir, les systèmes de libre-service et portails électroniques pourront être accessibles aux ressortissants de pays tiers et permettre ainsi le traitement automatisé de certaines étapes de la procédure de contrôle ainsi que la création de programmes nationaux d'enregistrement des voyageurs par les États membres désireux de les mettre en œuvre. C'est d'ailleurs notamment pour cela que la proposition de système d'entrée/sortie est accompagnée d'une proposition révisée de règlement modifiant le code frontières Schengen qui intègre les modifications techniques résultant de la proposition de système d'entrée/sortie.

Les données seront conservées cinq ans et non plus 181 jours comme dans le projet initial. Le maintien des 181 jours aurait signifié une réduction du nombre d'informations disponibles pour les gardes-frontières puisque, jusqu'alors, "consulter des cachets dans un document de voyage donne dans beaucoup de cas des informations courant sur de nombreuses années", argue la Commission européenne. De même la procédure de visa dans les consulats requiert une analyse des déplacements passés du demandeur.

De plus, "cette longue période de rétention réduira la fréquence de réinscription des données dans le système et sera bénéfique pour tous les voyageurs puisque le temps d'attente et le temps de franchissement des frontières en seront réduits", avance la Commission. Pour les membres de la famille de citoyens européens, ressortissants de pays tiers sans carte de résidence, qui tombent dans le champ de ce règlement, les données d'entrée et de sortie ne seront conservées qu'un an, mais leur dossier individuel sera gardé durant cinq années également.

Une communication pour lancer le débat sur les développements futurs

Par une communication datée du même jour, la Commission a simultanément lancé une discussion sur le futur cadre en faveur de systèmes d'information plus robustes et plus intelligents qui soient en mesure d'améliorer la gestion des frontières et de la sécurité intérieure. Elle présente des mesures visant à améliorer le fonctionnement et l'interopérabilité des systèmes d'information existants et des nouveaux systèmes potentiels afin de remédier à certaines lacunes au niveau des informations.

Ces travaux doivent compléter les propositions existantes concernant la création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, la directive sur les données des dossiers passagers (PNR) et les propositions révisées de système d'entrée/sortie. Ils impliquent, pour les conduire, la mise en place à haut niveau d'un groupe d'experts sur les systèmes informatiques et l'interopérabilité avec les agences de l'UE, des experts nationaux et d'autres parties prenantes institutionnelles.

Il existe un certain nombre de systèmes d'information à l'échelle de l'UE qui fournissent aux garde-frontières et à la police des informations sur les personnes franchissant les frontières, mais leur accès pour les autorités compétentes et l'architecture de gestion des données ne sont pas adéquats pour faire face aux menaces actuelles, avance la Commission européenne. Le programme européen en matière de sécurité, de même que le Conseil européen et le Conseil "Justice et affaires intérieures", ont déjà épinglé l'interopérabilité des systèmes d'information comme étant un enjeu prioritaire. "Les attentats terroristes commis sur notre sol ont révélé la menace qui pèse sur notre sécurité, alors même que nous faisons face à une crise migratoire sans précédent. Le partage des informations relie les deux", a ajouté Dimitris Avramopoulos, commissaire pour la migration et les affaires intérieures.

"Il ne s'agit pas d'un quelconque "bigbrother" européen, mais de l'accès intelligent, proportionné et soigneusement réglementé aux informations dont l'ensemble de nos autorités frontalières et de sécurité ont besoin pour exercer leur mission", a déclaré Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission.  La Commission fait d'ailleurs savoir qu'elle entend élaborer sa stratégie permettant de mieux protéger ses frontières extérieures et de renforcer sa sécurité intérieure, "dans le respect absolu des exigences en matière de protection des données." Elle assure qu'elle recueillera également les contributions du contrôleur européen de la protection des données et des autorités nationales de protection des données qui se rassemblent au sein du groupe de travail "article 29".