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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI - Les ministres européens de l’Intérieur et en charge de l’immigration saluent les résultats du sommet UE-Turquie, malgré des divisions entre Etats membres
10-03-2016


Jean Asselborn, avec le secrétaire d'État néerlandais à la Sécurité et à la Justice, Klaas Dijkhoff, lors du Conseil JAI du 10 mars 2016 à BruxellesLe 10 mars 2016, les ministres de l'Intérieur et en charge de l'immigration de l'UE se sont réunis au premier jour du Conseil Justice et affaires intérieures. Les questions liées à la crise migratoire, notamment l'accord obtenu durant le sommet du 7 mars 2016 entre l'UE et la Turquie ainsi que l'aide à apporter à la Grèce, ont occupé une grande partie de leurs travaux.

Sommet UE-Turquie : Le "principe 1 pour 1" est "temporaire", dit la Présidence néerlandaise

Pour le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, ministre de l'Immigration, Jean Asselborn, cette réunion avait une valeur symbolique : "Aujourd'hui, nous devons montrer que l'Europe fonctionne encore. Nous devons tout faire pour que Monsieur Tusk et Madame Merkel se sentent encore bien dans l'Union européenne, il s'agit peut-être de ne plus montrer vers l'extérieur que des remords s'installent dans des personnalités à la tête de l'UE."

Après les décisions unilatérales de fermeture des frontières, les Etats membres devaient retrouver les vertus de la concertation. Les ministres ont notamment discuté de la mise en œuvre du principe central de l'accord du 7 mars, appelé ci et là "principe '1 pour 1'", selon lequel pour chaque demandeur d'asile syrien entré illégalement dans l'UE et réadmis par la Turquie, les Européens s'engageraient à "réinstaller" dans l'UE un autre Syrien ayant obtenu l'asile depuis la Turquie. L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plusieurs ONG ainsi que des eurodéputés en ont remis en cause la légalité.

A son arrivée à la réunion du Conseil, le secrétaire d'État néerlandais à la Sécurité et à la Justice, Klaas Dijkhoff, dont le pays assume la présidence du Conseil de l'UE, a considéré que ce principe n'était que "temporaire" et avait été retenu pour ses effets dissuasifs. "Si nous n'avons pas d'accord, les gens ne vont pas arrêter de venir d'eux-mêmes. Nous devons montrer que ça ne paie pas de payer un trafiquant et venir en Europe", a-t-il dit.  "D'un autre côté nous montrons que nous ne laissons pas la Turquie seule à faire tout le travail", a-t-il poursuivi estimant qu'un mécanisme permanent pourrait être décidé par la suite.

A l'issue du sommet du 7 mars, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, avait fait part de ses doutes sur la légalité de cette partie de l'accord. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères qui avait exprimé ses réserves à la Chambre des députés deux jours plus tôt, les a réitérées à son arrivée au Conseil. "Si renvoyer les personnes qui ne tombent pas sous la convention de Genève en Turquie est envisageable, j'ai mes réserves quant au renvoi des personnes fuyant les atrocités d'Alep". Se déclarant en phase avec la position prise la veille par le Parlement européen, il avait estimé que "nous devons maintenant examiner les propositions sous un angle juridique et politique, mais il faut surtout regarder le côté humain".

Face à ce flou juridique, un expert du service juridique du Conseil de l'UE aurait, selon l'Agence Europe, expliqué aux ministres qu'il était possible de bâtir un système qui respecte le droit international. Plusieurs critères seraient à respecter: les expulsions collectives ne seraient pas possibles et il faudrait un examen individuel de chaque demande déposée par un migrant arrivé dans l'UE. Les décisions d'irrecevabilité de ces demandes seraient possibles, si le pays dont vient le migrant est un pays tiers sûr. En cas de contestation par le migrant, les ministres de l'Intérieur pencheraient pour la possibilité de recours qui ne soient pas suspensifs, rapporte l'Agence.

Les discussions se déroulaient dans un contexte où la route des Balkans privilégiée par les migrants, semblait définitivement barrée après la nouvelle décision unilatérale prise par la Slovénie, suivie par la Croatie et la Serbie, de ne plus laisser passer de réfugiés. L'Autriche s'en est félicitée : "L'Autriche a toujours défendu la fermeture de la route des Balkans. La politique du laisser passer est révolue", s'est réjouie la ministre de l'Intérieur autrichienne, Johanna Mikl-Leitner.

Le ministre allemand, Thomas de Maizière, a fait savoir avant la réunion, que le niveau d'arrivées en Allemagne est redescendu au dixième de celui observé durant l'automne dernier. Il a estimé que le sommet du 7 mars y a apporté une "contribution essentielle". "L'époque du laisser passer est révolue", a-t-elle lui aussi dit, en estimant qu'"il faut remplacer l'immigration illégale par l'immigration légale". Thomas de Maizière avait également prévenu qu'il fallait être attentif à empêcher toute nouvelle route alternative. L'Italie se serait inquiétée qu'une nouvelle route passe sur son territoire. Le Conseil a ainsi fait part de la nécessité d'anticiper toute nouvelle route alternative.

Des réserves sur l'accord ont été également émises par des Etats membres en raison des manquements de la Turquie au respect des droits de l'Homme. "Je trouve cela préoccupant que la Turquie mette sous tutelle un journal critique envers le gouvernement, puis trois jours plus tard présente une liste de souhaits. Il est extrêmement critiquable, que la Turquie récompensée par une libéralisation des visas. Nos valeurs sont jetées par-dessus bord", a déclaré la ministre de l'Intérieur autrichienne, Johanna Mikl-Leitner. Les Turcs sont "très éloignés des valeurs et principes de l'Europe", a aussi souligné le ministre belge Jan Jambon. "On n'avance pas avec des critiques, mais avec des résultats concrets. La Turquie a fait de grands efforts pour prise de millions de réfugiés, ça mérite notre reconnaissance", a déclaré au contraire le ministre allemand de l'Intérieur.

Au final, dans les déclarations du secrétaire d'État néerlandais à la Sécurité et à la Justice, Klaas Dijkhoff, le Conseil semble avaliser les résultats du sommet. "Le Conseil salue les résultats du Conseil européen. Cela aidera à la fois à réduire les flux migratoires et à dissuader les gens de mettre leurs vies dans les mains de trafiquants sans pitié", a-t-il déclaré. Une fois que cet accord sera scellé, "les ministres de l'Intérieur auront un rôle important à jouer dans la mise en œuvre de ces mesures. Nous y sommes prêts."

Aider la Grèce et accélérer les relocalisations

Un second aspect de la crise migratoire concernait l'aide à apporter à la Grèce. La grande majorité des Etats membres ont considéré qu'il était prioritaire d'aider la Grèce qui risque une crise humanitaire. "Le plus important est sortir les gens à Idomeni de leur situation. Cela signifie aider humanitairement la Grèce. Nous avons assez parlé des frontières. Il y a des images affreuses et il faut régler ces situations", avait déclaré Jean Asselborn avant la réunion, espérant également une accélération du mouvement des relocalisations.

"La Grèce ne peut pas faire face seule à une situation aussi difficile: c'est un problème européen qui doit avoir une solution européenne", a déclaré le Commissaire européen Dimitri Avramopoulos. De 885 réfugiés relocalisés jusqu'à présent, le rythme devrait passer à 6 000 par mois, a préconisé le Commissaire, sans quoi "tout le système s'écroule". 

Dans des conclusions sur le trafic de migrants, constatant qu'en 2015 il y a eu 1,8 millions de franchissements irréguliers de frontière, selon Frontex, et que 3 770 migrants  sont morts en Méditerranée, le Conseil JAI rappelle qu'il s'agit là d'une "forme grave de criminalité organisée" et qu'il faut renforcer les moyens de la combattre. Le Conseil déclare qu'il faut renforcer la coopération et les possibilités d'enquêter, poursuivre et sanctionner. Il appelle à l'augmentation et à l'amélioration de la collecte, du partage et de l'analyse de données et informations. Le Conseil appelle encore à l'accélération du processus d'enregistrement systématique des personnes entrant illégalement, dit le Conseil, tout en soulignant par ailleurs le rôle important d'Europol et de Frontex.

A noter que les ministres rappellent la nécessité d'agir dans le plein respect des droits humains des migrants et du droit à leur fournir assistance, ainsi qu'en observant le principe de non refoulement et l'interdiction d'expulsion collective énoncée dans l'article 19 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

Le Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes

Le Conseil JAI a pris note de l'avancée des travaux sur la proposition de règlement relatif au Corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes, présentée par la Commission le 15 décembre 2015. Ce corps, qui serait constitué d'une agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes (qui remplacerait Frontex) et des autorités nationales chargées de la gestion des frontières, aurait pour objectif d'assurer et de mettre en œuvre une gestion européenne intégrée des frontières extérieures. La Présidence entend parvenir à un accord politique avant la fin de son mandat, ainsi que l'a demandé le Conseil européen. Les ministres devraient pouvoir atteindre dès le mois d'avril une approche générale, a fait savoir le ministre néerlandais, Klaas Dijkhoff.