Le député socialiste Frank Arndt évoque dans une question parlementaire la fin des quotas laitiers en 2015 et la hausse significative de la production dans un certain nombre de pays de l'UE qui a depuis fait baisser le prix du lait. "Cette évolution s'inscrit dans un contexte de crise plus général de l'agriculture européenne qui subit les conséquences de l'embargo russe, d'une faible conjoncture et d'une baisse de la demande de pays tels que la Chine", écrit-il. Il revient sur la réunion du Conseil "Agriculture" du 14 mars 2016 au cours de laquelle la Commission européenne et le Conseil ont pris ensemble des mesures supplémentaires pour soutenir le secteur, dont les accords volontaires de gestion de la production et de l'offre de lait au niveau des organisations de producteurs et coopératives.
Partant de là, le député a voulu savoir du ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, ce qu’il en est de l'impact de ces nouvelles mesures sur le secteur agricole au Luxembourg. Il a également demandé au ministre de donner son appréciation sur l’augmentation par certains producteurs de lait au Luxembourg de leur capacité de production "afin d'améliorer leur rentabilité malgré la surproduction qui pèse sur les prix". Finalement, il lui a demandé s’il était opportun de relancer les réunions du type "Mëllech-Dësch" avec les acteurs concernés, afin de mieux gérer "une situation extrêmement difficile pour le secteur du lait".
Dans sa réponse, publiée le 20 avril 2016, le ministre Fernand Etgen fait l’historique des mesures prises en faveur des producteurs de lait au niveau européen.
Lors d'une réunion extraordinaire du Conseil Agriculture le 7 septembre 2015, un paquet de solidarité a été ficelé au niveau de l'Union européenne qui prévoyait des aides UE s'élevant à 500 millions d'euros.
Le ministre écrit : "Dans ce paquet, une aide communautaire ciblée financée par des marges du budget AGRI de l'UE a été mise en place pour que les Etats membres puissent soutenir le secteur agricole. Le Luxembourg a obtenu une aide s'élevant à 669 120 euros. Grâce à des moyens financiers nationaux, cette aide a pu être doublée. Ainsi, 1 338 240 euros ont pu être versés aux producteurs de lait et de viande."
Par ailleurs, "les mesures d'intervention publique pour le beurre et le lait en poudre écrémé ont été prolongées au-delà de la fin de la période d'intervention. Des mesures d'aide au stockage privé pour le lait écrémé en poudre, le beurre et les fromages ainsi que pour la viande porcine ont été mises en place. Actuellement, les mesures de stockage privé pour le beurre et le lait en poudre sont toujours en vigueur."
Fernand Etgen informe ensuite que vu l'augmentation des quantités à destination de l'intervention publique, "la Commission européenne a décidé lors du dernier Conseil Agriculture le 14 mars 2016, de doubler les plafonds d'intervention pour le lait écrémé en poudre et le beurre qui sont actuellement de 109 000 tonnes et de 50 000 tonnes". Il précise que "même si les opérateurs luxembourgeois ne participent pas à ces mesures, celles-ci ont indirectement un effet sur le marché laitier luxembourgeois compte tenu des quantités importantes de produits laitiers qui sont retirés du marché et qui devraient soulager la pression sur les prix. En outre, au Luxembourg le lait fait partie des marchandises commercialisées au-delà des frontières du pays."
Par ailleurs, et à la requête de nombreux Etats membres, "la Commission européenne a décidé de permettre via les articles 222 et 219 du règlement (UE) n''1308/2013 aux organisations de producteurs, organisations interprofessionnelles et coopératives laitières de conclure des accords volontaires visant à planifier la production pour une période temporaire de six mois et ayant comme but de réduire temporairement la production laitière dans sa saison haute." Mais "la Commission n'a pas débloqué de fonds pour cette mesure", précise-t-il. Ces règlements seront en vigueur mi-avril.
Fernand Etgen met en avant une autre mesure, celle qui permet aux Etats membres d'attribuer une aide d'Etat aux exploitations qui en contrepartie procéderont à un gel ou à une réduction de la production. "Cette aide d'Etat est cependant temporaire et doit être validée (notifiée) au préalable par la Commission" et "des aides communautaires directes aux producteurs ne sont pas prévues", souligne le ministre.
Un bilan de ces mesures est prévu au Conseil Agriculture du 27 juin à Luxembourg.
Le ministre précise dans un premier temps que "les producteurs luxembourgeois ont fait partie des producteurs ressortissants des six Etats membres qui ont été limités dans leur production jusqu'à la fin du régime des quotas laitiers". S’ils voulaient étendre leur production au-delà des quotas, ils devaient accepter de payer un prélèvement pour la production dépassant leur quota.
Il relate ensuite que la collecte laitière dans l’UE a augmenté de 2.5 % entre 2014 et 2015, et que ce sont surtout les pays dont la production était restreinte par les quotas laitiers, dont l’Irlande, les Pays-Bas, l’Allemagne, mais aussi le Luxembourg, "qui ont fortement augmenté la production". Mais la collecte a aussi augmenté dans une douzaine d’autres pays. S’y ajoute que "le climat doux à la fin de l’année 2015 était propice à une période de pâture plus longue que d'habitude et a augmenté la production laitière de 5 % au cours du dernier trimestre de l’année 2015 en comparaison avec le dernier trimestre 2014". Et depuis le début de 2016, "la production laitière continue à augmenter dans l'UE".
Autre facteur important cité par le ministre, ce sont les importants investissements à long terme pratiqués par nombre d’exploitants pour pouvoir augmenter leur production, et ce en vue de la fin des quotas laitiers. Au Luxembourg, la production laitière a augmenté en 2015 de 9 % par rapport à l'année précédente, alors qu’elle avait déjà augmenté de 7 % entre 2013 et 2014, les prix payés aux producteurs ayant été favorables au cours de ces années 2013 et 2014. Mais "depuis que le prix du lait cru est en baisse, les producteurs laitiers se trouvent en porte-à-faux", déplore le ministre. Pour lui, les producteurs laitiers ont actuellement le choix entre deux options : "soit réduire leur production et par conséquent obtenir un revenu moins important, alors que les coûts connexes et l’amortissement des investissements subsistent, soit produire plus à un prix inférieur afin de couvrir au moins les coûts".
Quant à savoir s’il y aura une concertation avec le secteur, Fernand Etgen déclare avoir "rencontré les organisations professionnelles et les associations de producteurs laitiers lors de deux réunions" le 12 et 14 avril. "A la suite de ces réunions, mes services sont en train d'analyser tes contributions des différents acteurs et d'en tirer des conclusions", conclut-il.