Dans un arrêt rendu le 19 juillet 2016 dans l'affaire C-526/14, la Cour de justice de l'UE a validé les orientations fixées par la Commission européenne dans sa communication du 10 juillet 2013 en matière d'aides d'État pour les aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière. Elle a notamment jugé compatibles avec le droit de l'Union les dispositions relatives à la répartition des charges, qui favorise le processus de renflouement interne (dit bail-in).
La Banque centrale slovène avait appliqué en décembre 2013 ces orientations en instaurant des mesures exceptionnelles, comprenant la liquidation des fonds propres des actionnaires ainsi que des titres de créance subordonnés, en vue de la recapitalisation, du sauvetage et de la liquidation de cinq banques slovènes en difficulté. Et le 18 décembre 2013, la Commission avait en conséquence autorisé les aides d'État destinées aux cinq banques concernées. Saisie de plusieurs demandes de contrôle de constitutionnalité de la loi sur le secteur bancaire, notamment par une association de petits actionnaires, la Cour constitutionnelle de Slovénie avait questionné la CJUE sur la validité des dispositions de cette communication.
Dans son arrêt, la Cour juge que la communication de la Commission est valide, sans être contraignante, puisqu'il ne s'agit que de lignes directrices prévues pour des circonstances exceptionnelles. De plus, selon la Cour, l'adoption d'une telle communication "n'affranchit pas la Commission de son obligation d'examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles invoquées par un État membre", lit-on dans le communiqué de presse publié par la CJUE. Les États membres conservent ainsi la faculté de notifier à la Commission des projets d'aide d'État qui ne satisfont pas aux critères prévus par cette communication. Et la Commission a alors la faculté d'autoriser de tels projets dans des circonstances exceptionnelles. Il en résulte, selon la Cour, que la communication concernant le secteur bancaire n'est pas susceptible de créer des obligations autonomes à la charge des États membres et qu'elle n'a donc pas d'effet contraignant à leur égard.
La CJUE a également validé la condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l'autorisation d'une aide d'État, dans la mesure où elle est susceptible de limiter l'importance d'une telle aide et, donc, d'éviter les distorsions de concurrence. Ces mesures visent à garantir que, "préalablement à l'octroi de toute aide d'État, les banques qui présentent un déficit de leurs fonds propres œuvrent, avec les investisseurs, à la diminution de ce déficit, notamment par une mobilisation des capitaux propres ainsi que par une contribution des créanciers subordonnés", rappelle le communiqué de la CJUE. Elles ont été systématisées par l'entrée en vigueur au début de l'année 2016 de la directive BRRD, transposée au Luxembourg par la Chambre des députés le 8 février 2016.
Pour la Cour, ces mesures sont des "mesures d'assainissement" au sens de la directive sur l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit. Par ailleurs, la décision d'une telle répartition des charges peut être décidée sans l'accord de l'assemblée générale d'une banque. La décision de l'assemblée générale prévue par la directive européenne 2012/30/UE pour toute augmentation ou réduction du capital d'une société anonyme, n'est, selon la Cour, pas indispensable dans un contexte de perturbation grave de l'économie.
Néanmoins, la Cour a établi qu'un État membre n'était pas tenu d'imposer aux banques en difficulté, préalablement à l'octroi de toute aide d'État, de convertir les titres subordonnés en fonds propres ou de procéder à une réduction de leur valeur ni de faire contribuer pleinement ces titres à l'absorption des pertes. Toutefois, en pareil cas, l'aide d'État envisagée ne pourra toutefois pas être regardée comme ayant été "limitée au strict nécessaire". L'État membre, ainsi que les banques bénéficiaires de cette aide, prennent donc le risque de se voir opposer une décision de la Commission déclarant cette dernière incompatible avec le marché intérieur. La Cour ajoute toutefois que les mesures de conversion ou de réduction de la valeur des titres subordonnés ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour remédier au déficit de fonds propres de la banque concernée.
La Cour estime par ailleurs que le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par les créanciers subordonnés pour dénoncer les mesures de répartition des charges. Le fait que, au cours des premières phases de la crise financière internationale, les créanciers subordonnés n'ont pas été invités à contribuer au sauvetage des établissements de crédit ne permet pas aux créanciers de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime. Il ne s'agit pas là d'une assurance "précise, inconditionnelle et concordante" susceptible de faire naître la confiance légitime des actionnaires et des créanciers subordonnés de ne pas être soumis à des mesures de répartition des charges dans l'avenir.
"L'objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur", dit encore la Cour.
De manière similaire, le droit de propriété peut difficilement être invoqué par les actionnaires, dès lors que ces derniers sont responsables des dettes de la banque à concurrence du capital social de celle-ci.
La commissaire européenne en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, s'est réjouie de cet arrêt, lors d'une conférence de presse, en soulignant que la Cour a conforté la Commission dans son approche, qui a déjà été appliquée dans 22 États membres et vise notamment à minimiser le coût soutenu par les contribuables lors des sauvetages de banques. "Faire les choses ainsi minimisera le coût pour les contribuables, mais ne perturbera pas la compétition autant qu'[une aide d'Etat] pourrait le faire", a déclaré la commissaire.
Cet arrêt de la CJUE a également une incidence sur les débats concernant la crise bancaire italienne et le sauvetage de banques italiennes qui détiennent dans leurs trésoreries pour 360 milliards d'euros de mauvaises créances. Il va à la fois dans le sens du gouvernement italien, en soulignant qu'il est possible pour un Etat membre de ne pas mettre à contribution les actionnaires et créanciers de l'établissement, mais il renforce en même temps la condition d'une répartition des charges préalable à l'acceptation d'une aide d'Etat, définie dans la communication.