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Commerce extérieur - Télécommunications
Viviane Reding plaide pour une pause dans les négociations sur le TTIP et s’engage en faveur du CETA
19-09-2016


reding-160919-cdp-ttip-ceta-roamingL’eurodéputée PPE et ancienne vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, qui est membre de la commission parlementaire en charge du commerce extérieur (INTA) a développé le 19 septembre 2016, lors de sa conférence de presse de rentrée, un plaidoyer en faveur de l’accord CETA entre l’UE et le Canada, mais recommandé une pause dans les négociations avec les USA sur le TTIP. Elle a par ailleurs rendu publique une lettre de recommandations adressée au président de la Commission européenne sur le projet de règlement sur la suppression du "roaming" qu’elle a cosignée avec le rapporteur sur la question, le député européen PPE, l’Autrichien Paul Rübig.

La députée européenne a expliqué à la presse que ses positions sur les traités de libre-échange et de protection de l’investissement CETA et TTIP étaient le fruit d’un travail sur les textes, que dans son discernement les faits primaient sur les vues de l’esprit et la responsabilité politique sur l’ambiance du moment pour dire à quoi il faudrait s’opposer et ce qu’il faudrait faire passer.   

Les négociations du TTIP victime des refus américains

En ce qui concerne les négociations sur le TTIP, sur lesquelles la commission INTA est informée avant et après chaque nouveau round de négociations, la conclusion de Viviane Reding, après deux ans de négociations, est de dire qu’elles "vont vers nulle part". Elle estime que "les Américains ne sont pas vraiment intéressés par un accord avec l’UE", leur priorité étant le traité de libre-échange transpacifique (TTP), où ils sont le partenaire le plus fort, ce qui n’est pas le cas avec l’UE.

Dressant sa liste des griefs à l’attention des USA, Viviane Reding a cité le refus systématique de toute réciprocité, "la raison primaire pour conclure un tel traité". "L’UE est un continent ouvert, les USA sont un continent fermé", a dit la députée, qui a dénoncé le maintien de la "Buy American Act" qui ferme les marchés publics états-uniens aux entreprises de l’UE. Les USA ne veulent pas non plus reconnaître les indications géographiques protégées (IGP) ni ne  veulent étendre le TTIP à l’accord sur les vins de 2006, de sorte que l’on pourrait vendre selon elle aux USA des vins de Moselle produits en Californie. Dans le domaine des services financiers, l’UE voudrait éviter les trop nombreux arbitrages en instituant une coopération règlementaire, ce que les USA refusent. Les USA ne veulent rien savoir non plus de l’inclusion du principe de précaution  dans le TTIP, ni signer les conventions de base du Bureau international du Travail (OIT), "qui sont pourtant loin d’être le sommet de la protection des travailleurs". 

Avec le changement d’administration qui s’annonce après les élections présidentielles, le négociateur principal des USA, Michael Froman, changera lui aussi, de sorte que 2017 risque d’être une année perdue. "On nous prend pour des idiots, il faut arrêter ces jeux-là", s’est exclamée Viviane Reding. Bref, pour des raisons pragmatiques, il vaudrait mieux faire une pause dans les  négociations du TTIP, "en état d’hibernation profonde", et rediriger les experts-juristes en charge du TTIP, qui "sont démotivés", vers les vraies priorités pour s’occuper du CETA, qui est selon la députée "l’anti-TTIP".

Le CETA, cet "anti-TTIP"

Viviane Reding a ensuite dressé la liste de ce qu’elle estime être les avantages du CETA. Il y a d’abord l’accès aux marchés publics canadiens ouvert à 100 % aux entreprises de l’UE, où selon elle les marchés publics communaux représentent à eux seuls 85 milliards d’euros. Le Canada a reconnu 125 IGP européennes et est disposé à intégrer l’accord vin de 2003 dans le CETA. Les marchés des services maritimes et des télécommunications seront ouverts aux niveaux fédéral et provincial. Le Canada ne pourra exporter vers l’UE que les seuls aliments qui correspondent aux normes de l’UE. Le principe de précaution est reconnu et cité deux fois dans le CETA, une fois dans le cadre de sa définition et une autre fois dans le chapitre sur le développement durable. Le Canada, qui a déjà signé six des conventions de base de l’OIT, s’engage à signer et à ratifier les deux restantes dans le cadre du CETA.

Le CETA ne serait pas non plus un "cheval de Troie" pour les entreprises américaines souhaitant pénétrer sur le marché de l’UE par le biais des filiales canadiennes de leurs grandes entreprises. L’ancienne commissaire s’est montré très claire : toute entreprise d’où qu’elle soit, peut, si sa filiale a le statut d’une société canadienne, aller vers les marchés de l’UE selon les clauses du CETA, mais uniquement sous condition de respecter les normes européennes.

Les services publics sont protégés selon Viviane Reding. Pour elle, il est faux de prétendre que selon le CETA, des services publics privatisés ne pourraient plus être renationalisés.  Dans un protocole additionnel, a-t-elle insisté, la privatisation de services publics, qui s’est heurté à des difficultés dans l’UE malgré certaines décisions européennes dans ce sens, relève de la décision des Etats. Le CETA stipule à sa première page le droit des Etats de réguler et ce droit est de nouveau traité dans le chapitre consacré à l’investissement, où il est dit que les investisseurs ne pourront pas plaider contre un Etat à cause des nouvelles règles qu’il promulgue, mais uniquement en cas d’expropriation injustifiée ou abusive. 

S’il devait y avoir des différends entre les parties de l’accord, un mécanisme de résolution entre Etats serait déclenché. En cas de différends avec des investisseurs, ce serait le nouvel ICS (pour Investment Court System) qui serait mis à contribution. Viviane Reding, qui attribue à un amendement qu’elle a réussi à faire voter au Parlement européen la création de ce système de cour publique, avec des juges rémunérés par les Etats parties, venu se substituer aux cours d’arbitrage privées, estime qu’il y a aura avec le CETA plus de sécurité juridique dans la protection de l’investissement. Finalement, l’ISC pourrait être l’embryon d’une cour internationale d’arbitrage publique et tout le CETA une référence qui fonctionne pour toute négociation d’un nouvel accord de libre-échange. Inversement, si le CETA et son ICS ne devaient finalement pas être appliqués, il serait par la suite difficile de mettre en place des cours qui trancheraient mieux les questions liées à la protection de l’investissement.  Pour Viviane Reding, le CETA est par conséquent "de loin le meilleur parmi les plus de 1400 accords de libre-échange et de protection de l’investissement existants" et doit servir de base à tout nouvel accord de ce genre.  

La nécessité d’un accord avec la Chine

Un de ces accords devrait être celui avec la Chine, faute de quoi ce seraient les marchés européens qui devraient un jour fonctionner selon les normes chinoises. D’où aussi son profond désaccord avec les USA qui ne veulent pas que la Chine puisse être une partie au traité international sur les services, le TiSA.    

"Supprimer le roaming, cela veut dire supprimer le roaming"

Viviane Reding a également évoqué le roaming dans le contexte particulier du retrait, le 8 septembre 2016, par le président la Commission européenne, d’une proposition de règlement présentée le 5 septembre seulement pour encadrer la suppression prochaine des frais d'itinérance en Europe, fixée pour juin 2017. Cette proposition prévoyait que les consommateurs européens puissent bénéficier de communications en itinérance au prix de communications nationales pour une durée minimale de 90 jours par an, mais pas au-delà, afin d’éviter des abus. Pour Viviane Reding,  pour qui la suppression des frais d’itinérance est "en quelque sorte son bébé", il est patent que "les lobbyistes ont réussi à s’imposer dans la dernière ligne droite" avant la publication "non-filtrée" du premier projet. Mais pour elle, "supprimer le roaming, cela veut dire supprimer le roaming". Elle a donc adressé une lettre à Jean-Claude Juncker, dans laquelle elle et son collègue Paul Rübig, le rapporteur du cadre réglementaire envisagé, recommandent que dans projet de règlement révisé, la clause du "fair-use" destinée à éviter les abus débouche sur un roaming de type "comme à la maison" ou "roam-like-at-home" dans le cadre d’offres tarifaires qui incluraient toute l’UE, sans différenciation de lieux et sans limitation de durée.