Alors que les ministres en charge du Commerce extérieur sont invités à donner leur feu vert à la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) lors d’un Conseil Affaires étrangères extraordinaire qui se tiendra à Luxembourg le 18 octobre prochain, l’incertitude continuait de planer le 13 octobre 2016 sur le sort de ce traité controversé qui est suspendu au processus d’approbation national de plusieurs pays. Sur le plan technique, les représentants des 28 semblent prêts à valider le texte du traité et la déclaration interprétative qui l’accompagne, et que Jean Asselborn a pris soin de présenter aux députés luxembourgeois le 10 octobre dernier. Mais l’approbation formelle du projet de décision du Conseil de l’UE relatifs à la signature et à l’application provisoire du CETA et à la demande de consentement du Parlement européen pour la Conclusion de ce traité n’est pas encore acquise.
En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe devait décider dans la matinée du 13 octobre 2016 si elle autorisait ou non le gouvernement allemand à signer le CETA. Au terme d’une procédure particulièrement rapide, puisque l’arrêt des juges a été rendu au lendemain même des plaidoiries, le gouvernement allemand s’est vu autorisé à signer le CETA et à approuver son application provisoire. Mais la Cour, qui doit encore statuer sur la constitutionnalité du traité, ce qui prendra plusieurs mois, pose aussi des conditions. Elle exige en particulier la garantie que l'Allemagne puisse à l'avenir quitter l'accord, au cas où elle devrait le demander suite à l’examen qu’elle doit faire de la constitutionnalité du texte. Les juges demandent aussi que l’application provisoire du CETA en attendant sa ratification par les 28 Etats membres de l’UE ne porte bien que sur les domaines qui relèvent de la compétence "incontestable" de l’Union européenne.
En Belgique, la situation restait plus incertaine le 13 octobre.
En effet, le Parlement de la Communauté française de Belgique, l'une des assemblées législatives du royaume, a adopté le 12 octobre 2016 une résolution demandant au chef du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de "maintenir son refus de délégation des pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour la signature de l'accord CETA entre l'UE et le Canada". Cette résolution adoptée par 68 voix pour, 23 contre et une abstention pourrait bloquer la mise en œuvre de l'accord puisque la Communauté française est l'une des sept composantes de l'Etat fédéral dont l'aval est indispensable pour que la Belgique approuve le CETA lors du Conseil Affaires étrangères Commerce prévu le 18 octobre à Luxembourg.
Selon le texte de leur résolution, qui se réfère à une résolution adoptée le 4 mai dernier, les parlementaires de la Communauté française réclament une révision du CETA. La déclaration interprétative qu’ils ont pu consulter et dont ils ont débattu avant l’adoption de ce texte ne répond en effet pas selon eux aux exigences formulées en mai dernier. Les parlementaires francophones notent en effet "l’absence de certitude concernant la portée juridique exacte" de cette déclaration dans laquelle ils observent de nombreuses omissions comme l’absence de mention de "l’agriculture, du principe de précaution tel qu’inscrit dans l’art. 191 du TFUE, des petites et moyennes entreprises et des enjeux liés à la santé". Les parlementaires francophones estiment aussi ne pas avoir reçu des garanties suffisantes sur la "capacité qu'auront nos Etats à continuer de légiférer et à s'autoréguler" ou encore sur la "possibilité d'inclure des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics".
Il revient désormais au ministre-président de la communauté francophone, le socialiste Rudy Demotte, de décider s'il suit l'avis de son assemblée et refuse donc d'accorder au gouvernement fédéral le blanc-seing pour approuver le CETA au nom de la Belgique.
Reste aussi à attendre aussi le vote du Parlement de Wallonie qui doit débattre du sujet et pourrait adopter une résolution similaire le 14 octobre 2016, tandis que le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale envisage de suivre la même voie dans les prochains jours.