En février 2014, la Commission européenne avait saisi la Cour de justice de l'Union européenne à l'encontre du Luxembourg en raison du régime de TVA appliqué aux groupements autonomes de personnes, qui peuvent être des groupements d’intérêt économique ou des groupements européens d’intérêt économique, des associations et fondations sans but lucratif, des associations professionnelles et patronales, ou bien des associations de fait.
Cette saisine de la Cour faisait suite à un avis motivé adressé au Luxembourg en janvier 2012. En août 2012, afin de lui donner suite, le gouvernement luxembourgeois avait apporté une précision au règlement grand-ducal en vigueur. Une modification, qui, selon la Commission, ne suffit néanmoins pas à mettre la loi luxembourgeoise en conformité avec la directive TVA.
Dans ses conclusions rendues le 6 octobre 2016, l’avocat général Juliane Kokott propose elle aussi à la Cour de répondre que la réglementation luxembourgeoise sur les groupements autonomes de personnes est contraire au droit de l’Union.
En droit de l’Union, les prestations fournies par certaines entreprises (hôpitaux, médecins, écoles, banques, assurances) sont exonérées de la TVA. En revanche, lorsqu’elles externalisent certaines activités, ces entreprises sont normalement redevables de la TVA sur les prestations qui leur sont fournies.
La directive TVA a cependant mis en place un système spécial, dit système des "groupements autonomes de personnes" (GAP). Ces groupements permettent à un groupe d’entreprises exonérées de la TVA d’externaliser certaines activités tout en bénéficiant de l’exonération de la TVA sur les prestations fournies dans ce cadre. Un système qui n’est pas sans influence sur le prix facturé au consommateur final (particuliers, patients, etc.). En effet, lorsque les entreprises concernées sont redevables de la TVA sur les prestations qui leur sont fournies, elles ont tendance à prendre en compte la TVA non déductible dans le calcul du prix facturé au consommateur final, si bien que ce dernier support indirectement la TVA. En revanche, lorsque les entreprises sont exonérées de la TVA dans le cadre d’un groupement autonome, le consommateur final bénéficie pleinement de l’exonération accordée aux entreprises, puisque celles-ci n’ont plus besoin de répercuter la TVA sur lui (ainsi dans le cas où plusieurs médecins indépendants exploitent ensemble un équipement médical, l’acquisition de cet équipement n’est pas soumise à la TVA si elle s’effectue dans le cadre d’un groupement autonome, si bien qu’aucune TVA ne sera répercutée sur les patients pour lesquels cet équipement est destiné).
Des conditions strictes sont néanmoins prévues par la directive TVA pour pouvoir bénéficier de ce système. En particulier, les services rendus par un GAP à ses membres doivent, pour être exonérés de la TVA, être directement nécessaires à leurs activités non imposables ou exonérées (et non pas à leurs activités taxées, c’est-à-dire à leurs activités soumises à TVA).
Selon la réglementation luxembourgeoise, les services rendus par un GAP à ses membres sont exonérés de la TVA non seulement lorsque les services sont liés aux activités non imposables des membres, mais également lorsque la part des activités taxées des membres n'excède pas 30 % (voire 45 %) de leur chiffre d'affaires annuel. Par ailleurs, les membres du groupement sont autorisés à déduire la TVA facturée au groupement sur des achats ou des prestations fournis non pas aux membres, mais au groupement lui-même. Enfin, les opérations effectuées par un membre en son nom mais pour le compte du groupement sont considérées comme non soumises à la TVA pour le groupement.
La Commission estime qu’en prévoyant un seuil maximal d'opérations taxées, le dispositif luxembourgeois ne satisfait pas à la condition selon laquelle les services rendus par le GAP à ses membres doivent être directement nécessaires à leurs activités non imposables. En outre, les membres du groupement ne devraient pas être autorisés à déduire la TVA qui est facturée au groupement. Enfin, la Commission rappelle que le groupement est, en tant que tel, assujetti à la TVA et est donc redevable de cette dernière lorsque des opérations sont effectuées par un membre pour son compte. Considérant ainsi que la réglementation luxembourgeoise n'est pas conforme aux règles établies par l'Union en matière de TVA, la Commission a saisi la Cour de justice pour que celle-ci constate la violation de ces règles par le Luxembourg.
Dans ses conclusions, l’avocat général Juliane Kokott considère que le premier reproche de la Commission est fondé, puisque la directive indique clairement que les services rendus par un GAP à ses membres ne peuvent être exonérés de la TVA que s’ils sont directement nécessaires à leurs activités non imposables ou exonérées. La réglementation luxembourgeoise va donc trop loin en prévoyant aussi une exonération pour les services liés à certaines activités taxées des membres.
S’agissant du deuxième reproche de la Commission (à savoir que les membres du groupement ne devraient pas être autorisés à déduire la TVA facturée au groupement), l’avocat général considère que, en tant qu’assujetti indépendant face à ses membres, seul le groupement détient un droit à déduction au titre des services qu’il a reçus. Dans ce cadre, les membres du groupement ne sauraient faire valoir le droit à déduction à la place du groupement, si bien que le deuxième reproche de la Commission est lui aussi fondé.
Enfin, l’avocat général considère que, lorsqu’un membre reçoit des prestations de tiers en son nom propre mais pour le compte du groupement, il convient de considérer que la prestation s’effectue, du point de vue de la TVA, entre le tiers et le groupement. Il s’ensuit que la relation entre le groupement et le membre ne peut pas, dans un tel cas, être traitée comme étant sans incidence pour le groupement au regard de la TVA.
En résumé, l’avocat général propose à la Cour de répondre que la réglementation luxembourgeoise sur les groupements autonomes de personnes est contraire au droit de l’Union.